Le travail de l’ombre de Claude Guéant en Libye (4)

par morice
vendredi 20 avril 2012

Une fois les fils approchés, et les proches conseillers joints, on pouvait espérer un jour rencontrer le dictateur en personne, pour placer les plus grosses camelotes. Les Rafale, bien sûr et ce fameux réacteur nucléaire pour alimenter une usine de dessalinaisation de l'eau de mer que Nicolas Sarkozy a complètement effacé depuis de sa mémoire. Mais après la fête du quarantième anniversaire, et malgré la venue du dictateur à Paris, on s'aperçoit que tout cela n'est que promesses. Kadhafi en venant fouler le tapis rouge de l'Elysée a réussi son coup : il est redevenu fréquentable, et c'est tout ce qu'il voulait. En Libye on se bouscule pour venir lui vendre tout ce dont il a besoin. Il a même déjà des fournisseurs attitrés (des canadiens, comme nous le verrons bientôt). Alors les contrats signés en France, il en rediscute les termes ou s'assoit dessus, et prive ainsi Sarkozy et Guéant de reversements de bakchichs que Kadhafi n'a cessé de renégocier. Un autre scénario est alors élaboré : se passer de lui, mais pas de sa fortune, gérée depuis quelques années par un seul personnage que les français vont très vite choyer dès que les relations avec Kadhafi vont s'envenimer. Ce proche conseiller du dictateur, habile négociateur embarrassé par une question juridique en France, va réussir à se faire extraire du pays, une fois Kadhafi supprimé, et rejoindre la France, lesté des 5 milliards d'euros dont il détient les clès. La ponction habituelle peut reprendre... après une longue entrevue en tête à tête le 2 juillet 2011, à l'Elysée, entre Bechir Saleh Béchir, le grand argentier de Kadhafi, et Nicolas Sarkozy en personne.

Toujours est-il que la fête libyenne du 40 eme anniversaire de la prise de pouvoir de Kadhafi aura été grandiose, et qu'à ce moment-là la France croyait toujours pouvoir fourguer au minimum 14 Rafale au dictateur. En tout cas, Dassault y croyait encore dur comme fer... et faisait tout pour en convaincre Hervé Morin (ici dans un Rafale biplace), qui en septembre 2007 avait eu une phrase fort maleureuse à propos de l'appareil, jugé par lui "trop sophistiqué" ; et auquel il ne croyait donc plus lui-même. Péan enfonçant plus loin le clou dans on ouvrage : « Djouhri a géré la Libye avec Guéant », me confie Hervé Morin, ministre de la Défense jusqu'en novembre 2010, redevenu depuis peu simple député. Djouhri a été l'intermédiaire soutenu par l'Élysée, notamment pour vendre le Rafale au Guide'. » En juillet 2010, le ministre de la Défense s'est opposé frontalement au secrétaire général de l'Élysée sur le dossier Rafale : Djouhri et Guéant voulaient que soit lancée la fabrication d'un nouveau réacteur de neuf tonnes, pour faire plaisir à Kadhafi, qui savait que l'Élysée avait accepté d'en financer la mise au point pour complaire à l'émirat d'Abou Dhabi qui voulait, lui-aussi, un Rafale équipé d'un nouveau réacteur. Guéant désirait que Hervé Morin valide, dans le cadre d'un comité ministériel d'investissement, cette subvention pour les quatorze Rafale que, selon Guéant, les Libyens étaient prêts à acheter. « J'ai refusé cette subvention... » m'explique fièrement le patron du Nouveau Centre. « Self al-Islam est d'accord, me répétait Claude Guéant, pour me faire céder. » Les contribuables français auraient ainsi satisfait à une demande de clients de Dassault via la remotorisation "financée" par la France, vue comme une "subvention" publique à un producteur privé.

En dehors de la focalisation excessive sur Djouhri, ce qu'il y a surtout d'étrange, à ce moment là, c'est que Guéant n'a pas de spécificité ministérielle à s'occuper de ventes d'armes, il n'est ni ministre des armées ni des affaires étrangères, C'est donc un Sarkozy bis qui entre avec lui dans l'arène des ventes. Guéant, pas encore ministre (il ne l'est devenu que le 27 février 2011), était donc devenu marchand d'armes bien avant sa nomination. Mais on comprend beaucoup mieux la propension de Claude Guéant à s'imiscer dans les coups tortueux à regarder son cursus. Guéant à aussi fait une partie de sa carrière dans les services secrets, d'une certaine manière ! "Comme DGPN, il a aussi chapeauté la Direction de la surveillance du territoire (DST) et appris à connaître le chef des renseignements militaires syrien, Assaf Shawkat, beau-frère du président Bachar Al-Assad, ainsi que le patron des services secrets libyens, Moussa Koussa, un proche du colonel Kadhafi. Bientôt, ces contacts lui serviront auprès de Nicolas Sarkozy" nous rappelle la presse. DGPN, à savoir "directeur général de la police nationale", poste détenu aujourd'hui par un autre sarkozien en diable : Frédéric Péchenard.

Amesys n'a pas vendu au dictateur que des ordinateurs. Elle lui a fourni aussi un 4x4 à un tarif lui aussi mirobolant : "Avec l'accord de l'Élysée, une société française filiale de Bull sous le nom d’Amesys a livré un 4x4 furtif ultra-sécurisé au régime libyen dans le but de protéger le colonel Mouammar Kadhafi pendant ses déplacements. La vente du 4x4 a profité de l’appui de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant, vient citer aussi l’homme d’affaire franco-libanais Ziad Takieddine qui a été l’intermédiaire de cette vente.En 1994, Ziad a été considéré comme le principal intermédiaire pour la vente de sous-marins au Pakistan. Cet homme d’affaire a été mis en examen pour "complicité et recel d'abus de bien sociaux" et convoqué mercredi par le juge Renaud Van Ruymbeke. Selon le Mediapart, le véhicule qui a couté 4 millions d’euros est un 4x4 blindé ML de chez Mercedes équipé d’une d'une cage de Faraday et d'un dispositif électronique de brouillage pour empêcher toutes les fréquences radios dans un rayon de cent mètres autour du véhicule. Comme Kadhafi est toujours introuvable malgré les efforts du CNT et de l’Otan, des sources expliquent ce que le l’ex-président soulevé a utilisé ce véhicule pour sa fuite. La vente de ce 4x4 semble juste une partie du contrat de sécurisation du régime du colonel Kadhafi sous le nom de : "Homeland Security". Ce contrat signé par l’intermédiaire de Ziad Takieddine en 2007 pour un montant de 26,5 millions d'euros par la société Amesys et implique aussi la vente d'équipement de cryptage des communications et d'espionnage d'Internet." Ce n'est pas avec celui-là pourtant qu'il tentera de fuir de Syrte. L'engin, dûment livré, avait dû rester bloqué à Tripoli, une équipe de mercenaires privés se chargeant d'extraire Kadhafi dans un convoi où tout avait été fourni tel quel : armes, hommes et véhicules. Nous verrons bientôt qui se cachait derrière cette équipe.

On en sait déjà davantage aussi sur ce convoi et quand il s'est décidé à se mettre en route. C'est Mansour Daw (ici lors de sa capture), l'ex-chef des services de sécurité intérieure, capturé et emprisonné à Misrata qui expliquera les dernières heures du dictateur, signalant qu'à un moment il se retrouvait dans un hôtel, à Syrte : "au début, l’ex-dictateur vit dans un hôtel de Syrte. Mais les pro-CNT atteignant les faubourgs mi-septembre, il change ensuite de logement quasi quotidiennement par mesure de sécurité". Etonnante confession : Kadhafi, recherché partout, vivait à l'hôtel ! Et ce n'est pas tout : "le 19 octobre, la situation est désespérée : le dernier carré est encerclé dans le quartier n°2 de Syrte, pilonné par les bombes du CNT et de l’Otan. Décision est alors prise de partir vers le sud, vers le Wadi Djaref, près du village natal de Kadhafi. "Une erreur monumentale", pour Mansour Daw : "C’était une idée de Mouatassim. Il y avait environ 45 véhicules, 160 à 180 hommes, certains blessés. Le départ devait se faire vers 3h30 du matin (le 20 octobre), mais on a traîné trois ou quatre heures avant de partir (...), parce que les volontaires de Mouatassim étaient mal organisés", raconte-t-il. Le convoi s’ébranle après l’aube, et est rapidement repéré par l’Otan qui déclenche une frappe aérienne. Les pro-CNT viennent finir le travail, tuant ou capturant les survivants". Les "volontaires" de Mouatissim étant des mercenaires, essentiellement étrangers dont un dont je vous reparlerait bientôt ici même employé par une entreprise... canadienne.

Un autre récit de Daw prolonge celui-là : "le 20 octobre, le dernier carré de fidèles décide de fuir au petit matin, lourdement armé, en espérant passer entre les lignes pendant que les rebelles, épuisés par des semaines de combats, dorment encore. Mais un drone américain les repère et tire un missile qui tombe près du convoi, mettant trois voitures sur le flan. Le souffle de l'explosion enclenche les airbags. Mansour Daw est touché par des éclats. Le convoi continue tant bien que mal sur quelques centaines de mètres. Puis, à 11 heures du matin, des avions français attaquent : ˝ils ont largué deux bombes au milieu de notre troupe. Ça a fait un carnage˝ se souvient Mansour Daw. Kadhafi est blessé à la tête et saigne abondamment. Il tient debout mais ne peut pas courir..." on le retrouvera caché dans un égoût, d'où il sera extrait pour être lynché peu après. Moatassim faisait partie du même convoi ; qu'ils avaient fuit à pied : il sera rattrapé non loin de là, donc. Selon Daw, ce sont les avions français qui ont donc provoqué l'arrêt principal du convoi,  la Toyota Cruiser verte de Kadhafi restant intacte ou presque (à voir les autres véhicules incendiés ça reste étonnant !) n'ayant que son pare-brise d'enfoncé. Elle se trouvait en fin de convoi. A bord, on retrouvera un Smith & Wesson 357 Magnum à canon court et à six coups ("Model 686"), appartenant au dictateur, un téléphone satellitaire Thuraya Hughes 7101 (son fils Saif avait le même ; et sa fille Aisha le même encore, visible ici saisi par la police de Misrata), une Kalachnikov à crosse repliable et un Herstal FN Fal belge Para M3.

Selon le Quotidien d'Oran, c'est bien l'usage de son téléphone portable satellitaire qui a causé sa perte : "la NSA a fait de la veille durant des semaines. A la recherche d'un profil de diaphragme vocal connu. Celui de Kadhafi. Ce dernier n'a pas imaginé que sa voix serait identifiée parmi des dizaines de milliers d'autres à partir d'une base de données vocales enregistrées et fournies par l'opérateur dont le siège est basé aux Emirats arabes unis. Le numéro d'identification du terminal est alors connu et toutes les communications de Kadhafi passent sous le contrôle de la NSA. Ses appels téléphoniques deviennent des pointages de présence GPS. Il ne manque donc plus que l'ordre d'envoyer le drone pour suivre le leader lorsqu'il décide de bouger. La suite est contenue dans un article du « Canard enchaîné » : un colonel du Pentagone téléphone à l'un de ses correspondants au sein du service secret français. Chargé du dossier « Kadhafi » : le chef libyen est pris au piège dans un quartier de Syrte et il est désormais impossible de le « manquer ». C'est donc bien un renseignement technologique et non humain qui est à l'origine de cette élimination physique. Ironie du destin, le fils ainé de Kadhafi était membre du conseil d'administration de Thuraya, le réseau téléphonique le plus répandu dans la région. Il aurait mieux fait d'investir dans les technologies de piratage des drones". Obama avait autorisé les tirs à partir de drones Predator en Libye aux environs du 7 avril 2011, une décision révélée le 21 par CNN. Ce qui convenait à condamner Kadhafi : au Pakistan, les Predators en étaient à un total sidérant de responsables talibans ainis éliminés. On compte entre 1782 et 3093 victimes depuis le premier tir le 18 juin 2004. Le dernier en date du 29 mars a tué 4 talibans et en a blessé deux autres sur un marché de Miranshah, au North Waziristan.

Et en fait, le 2 juillet 2011, alors que la guerre libyenne faisait encore rage, ce sont aussi les journalistes qui révèlent les liaisons entre l'Elysée et le pouvoir libyen. C'est encore une fois le Figaro, qui, voulant bien faire, en dit beaucoup trop. Et mieux, il confirme un rendez-vous très précis entre Nicolas Sarkozy et Béchir Saleh Béchir, entretien qui se montrera surtout exceptionnel par sa durée. "Le colonel Bashir Saleh Bashir a été l'une de ces « clés », même s'il n'a pu ouvrir aucune porte. Début juin, ce très proche de Kadhafi a été reçu à l'Élysée par Nicolas Sarkozy. « La conversation a duré trois heures », assure-t-on à Tripoli. Personnage du premier cercle, francophone, Bashir Saleh semble avoir remplacé l'homme des contacts avec la France avant la crise, Moussa Koussa, l'ex-chef des services de renseignements devenu ministre des Affaires étrangères, aujourd'hui en rupture de ban. Transmis par son homme lige, le message du Guide tiendrait alors en peu de phrases : Tripoli serait prêt à des élections démocratiques à condition d'organiser la transition et que le colonel puisse garder un titre honorifique. En face, la ligne reste invariable : le dirigeant libyen doit quitter le pouvoir. « Nous passons ce message par tous les canaux possibles », indique-t-on dans l'entourage de Nicolas SarkozyReste à savoir si, comme le laissait entrevoir récemment la rébellion, Kadhafi pourrait demeurer en Libye après s'être démis du pouvoir". Nicolas Sarkozy avait dès juillet 2011 déjà décidé d'abandonner Kadhafi, ce qui signifiait aussi d'abandonner les contrats mirobolants, car il venait de s'apercevoir que les promesses d'achats du colonel n'étaient que du pipeau. A-t-il à ce moment décidé de se débarrasser de l'encombrant dictateur, seul Saleh le sait. Mais l'entretien de trois heures de long a largement eu le temps d'établir à la fois un plan de sortie pour lui-même et un autre plus élaboré encore pour se débarrasser de l'encombrant dictateur : le sort de Kadhafi a très certainement été scellé ce jour là. Saleh était au courant, obligatoirement, de tous les déplacements du dictateur, et il savait où il se terrait. Lui venait ainsi de trahir son maître, ayant négocié son extraction une fois Kadhafi sorti du circuit (ou proprement éliminé !). 

Un Béchir devenu pour beaucoup ces derniers mois le second personnage de la Libye : "lorsque l’émissaire russe pour la Libye Mikhaïl Margelov évoquait, il y a peu, l’existence de « contacts » entre des proches de Kaddafi et des insurgés à Paris et à Pretoria, c’est à lui qu’il pensait. Sa présence a en effet été signalée, il y a une dizaine de jours, dans la capitale française. Béchir Salah Béchir, 64 ans, directeur de cabinet du « Guide », a longtemps été négligé par les observateurs : personnalité affable et plutôt effacée, il ne pèse ni sur l’échiquier tribal ni au sein de l’appareil sécuritaire. Mais dans la Libye en guerre, alors que l’entourage fidèle au dictateur se réduit comme peau de chagrin, son ascension a été fulgurante. Au point de devenir aujourd’hui le vrai Premier ministre et le quasi-numéro deux du « Kaddafiland » assiégé" nous disait Jeune Afrique le 1er juillet 2011, confirmant par la même la venue en France de Saleh. On peut donc sans problème imaginer que l'homme qui détenait les cordons de la bourse de la fortune de Kadhafi a dû être mis au parfum, en 2007, lors de l'accord passé entre Kadhafi et Sarkozy pour le paiement d'une partie de sa campagne électorale, comme l'avait clamé avant sa chute le fils de Kadhafi. Au quel cas Saleh détiendrait peut-être des preuves de ces tractations (on parle d'enregistrements). D'où sa soudaine importance en France, et le fait aussi qu'on le ménage d'une certaine manière, où qu'on le maintienne dans un silence forcé. Le chef des renseignements libyens Abdballah Al Sénoussi l'aurait clairement laissé entendre dans une vidéo où il était interrogé par Moussa Ibrahim. Comme le dit Jeune Afrique : "Un homme qui vaut sept milliards de dollars [environ 5 milliards d’euros, NDLR] peut acheter beaucoup de protection ». C’est en ces termes qu’un cadre du Conseil national de transition libyen (CNT), cité par le Financial Times dans son édition du 9 avril, explique la complaisance des autorités françaises à l’égard de Béchir Salah Béchir"... tout est dit, là, je pense. C'est plus que ce que peux offrir Bettencourt...

L'autre personnage important des contacts des futurs dissidents du régime de Kadhafi est Moussa Koussa, qui lui aussi va trahir son mentor et aller se réfugier en Angleterre, mais ce n'est uniquement que pour ne pas monter ses liens étroits avec.. Claude Guéant, qui lui a facilité la chose. Encore lui, toujours le même à la manœuvre. Guéant, lors de ses nombreux voyages en Libye avait en effet rencontré à plusieurs reprises le cercle proche de Kadhafi, d'où émergent Béchir Saleh Béchir, mais aussi Moussa Koussa. "Au point que lorsque Moussa Koussa demande à bénéficier du statut de résident français, l'Elysée, via Claude Guéant, lui procure une adresse et une carte de résident pour dix ans (du 10 juin 2008 au 9 juin 2018, document délivré par la Préfecture de Nanterre)" Explique Marianne, qui poursuit  : "le cabinet de Claude Guéant a refusé de confirmer cette information. Il semble que ce genre de privilège ne soit pas distribué à la légère : ainsi la demande de bénéficier du même genre de traitement par Bachir Saleh, directeur de cabinet du Guide, lui a été refusée". Refusée un temps, peut-on dire aujourd'hui : le temps, très certainement, d'en discuter le tarif exact, sans doute ; ou pour des raisons que je vous propose de voir un peu plus loin. Que ce soit pour Koussa ou pour Saleh, en tout cas, c'est bien le même homme qui se charge de leur sort : Claude Guéant, omniprésent bras droit du président.

Dans l'affaire de l'extraction de Moussa Koussa, on retrouve un autre intermédiaire connu : le désormais "slipomate" Boillon, le seul à savoir parler arabe dans le lot restreint de ceux qui ont fomenté la fin de Kadhafi. "Comme officier traitant de Moussa Koussa, on retrouve Boris Boillon, l'un des rares conseillers à parler arabe au sein de la Sarkozie, qui était au cabinet du Ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy en 2007. Boillon a notamment négocié, ensuite, la libération des infirmières bulgares. Il est devenu injoignable depuis ses aventures tunisiennes. Mais il semble bien qu'il se soit également occupé d'exfiltrer Moussa Koussa de Lybie, l'opération ayant été menée à bien par les services français". La presse rappellant les raisons profondes pour lesquelles Koussa s'était décidé à trahir : "Moussa Koussa avait donc deux raisons de quitter la nacelle Kadhafi avant « l'atterrissage » de la révolution libyenne : le peu de chance du Guide d'aménager une issue positive à ses hommes et son image médiocre auprès du Guide. Et une troisième : l'existence pour lui d'un point de chute en France. Du côté de Neuilly..". Étrange lieu d'atterrissage pour un ex-tortionnaire. Après les geôles et les tortures, les dorures des palaces ou des pavillons discrets de Neuilly ?

Et dans toutes ces magouilles, qui conduisent à condamner Kadhafi en le séparant de ses plus proches conseillers, appelés à trahir en échange d'une protection française, il y en un qui se retrouve floué : c'est comme par hasard le même qui avait été roulé dans la farine lors de l'affaire Thévenot, sous Charles Pasqua. C'est en effet Juppé, mis à l'écart des négociations. Enfin pas tout à fait, puisque des "collaborateurs" de Juppé vont avouer qu'ils avaient bien entendu des émissaires de Kadhafi en train de trahir : "Évaluer la réalité de ces discussions demeure malaisé. « Kadhafi envoie des émissaires, il manipule, il entretient des contacts indirects », relève-t-on dans l'entourage d'Alain Juppé. « Il distille des messages, son entourage le fait aussi, parfois dans son dos », ajoute-t-on. Des initiatives destinées à accréditer l'idée qu'il est toujours aux commandes et qu'une solution passe forcément par lui, analyse-t-on à Paris. De fait, le dirigeant libyen a toujours été un négociateur hors pair, utilisant plusieurs canaux et surenchérissant au dernier moment. En outre, quand sa survie politique est en jeu, il est capable d'aller vite et loin, en Bédouin pragmatique. On l'a vu en 2003, lorsque, effrayé par l'invasion de l'Irak, il entame des négociations avec Londres et Washington". En fait de grand manipulateur, c'est Guéant, le double de Sarkozy qui se révèle être le maître ici. Sous ses allures de petit préfet anodin de province, on a affaire à un véritable Machiavel.

Car on appris après le décès de Kadhafi comment cela avait été manigancé. C'est bien Moussa Koussa, aujourd'hui sous la protection de Claude Guéant, qui avait obtenu l'accord pour la fuite de Kadhafi en Algérie ou au Niger  : "selon les documents révélés par Asharq Al‑Awsat, l’ambassadeur libyen à Riyad (Arabie saoudite) a été au cœur du dispositif mis en place par Kadhafi pour recruter des mercenaires africains. Dans l’une de ses correspondances adressées au bureau du dictateur déchu, ce diplomate demande à Moussa Koussa, ministre libyen des Affaires étrangères de l’époque, "d’intervenir auprès de l’Algérie et du Niger pour accorder des visas aux personnes en route pour la Libye et de trouver des responsables pour les accueillir". Réponse de Tripoli : « le chef de bureau à Alger a été chargé de s’occuper de ce dossier », selon la même source. Quelques jours plus tard, le ministère libyen des Affaires étrangères envoyait une correspondance à l’ambassadeur libyen à Riyad : « à nos frères à Riyad, votre télex 200 du 22 mars. Vous pouvez utiliser l’Algérie ou le Niger ». Le document ne précise pas si l’Algérie a donné son accord pour le transit de mercenaires mauritaniens ou maliens..." Le convoi de Kadhafi quittant Syrte semblant avoir choisi la route du Niger (*). Tout était connu, donc. Et tout avait été organisé de l'extérieur du pays (comme nous le verrons bientôt).

"L'affaire semble avoir été réglée également avec le très intriguant Nouri Mesmari, chef du protocole de Kadhafi, haut dignitaire de la Jamahiriya, dont les nombreux mouvements à Paris ont beaucoup intrigué. Il avait ainsi été décrit dans le très droitier Valeurs Actuelles, lord de la célébaration des 40 ans du régime : "un étrange personnage en pantalon-tunique blanc orné de ramages d’or, petit bouc blond et lunettes fumées, virevolte dans le dos de Kadhafi  : ce gourou raëlien s’appelle Nouri Mes­mari, chef du protocole. Aux petits soins, il sait tout du colonel (qui l’aurait plusieurs fois giflé en public). Ce fidèle serviteur surveille les serveurs, les journalistes et les gorilles du ser­vice d’ordre, un magma de muscles, d’oreil­lettes et de costumes marron d’où émergent deux solides amazones en bottes et treillis camouflé." Arrivé à Paris le 21 octobre 2010, au prétexte d'un intervention chirurgicale, il ne rentrera jamais plus en Libye. Il s'est déjà installé avec toute sa famille à Hôtel Concorde Lafayette à Paris. Le 28 novembre, Kadhafi émet un mandat d'arrêt international contre lui. Suite à ça, la France le fait arrêter... et le déménage dans un autre luxueux hôtel de la Porte Maillot, où il est assigné à résidence. Mais la France refuse de l'extrader. En fait, le "déménagement" est une façade, les français étant désireux d'en savoir davantage sur le régime libyen ont sous la main l'homme idéal. Kadhafi enverra même des émissaires à l'hôtel pour tenter de le convaincre de revenir. Farj Charrant, Fathi Boukhris et All Ounes Mansouri, le responsable de la télévision libyenne, auraient même déjeûné dans un restaurant avec celui qu'ils étaient censés ramener. On les retrouvera plus tard à la tête des rebelles de Benghazi.

Mais depuis octobre 2010, Mesmari, visiblement, informe les français sur la situation en Libye, donnant très certainement de précieux renseignements sur les déplacements du dictateur, ses points de chute et ses habitudes. "Le 18 novembre, Maghreb Confidential écrivait, « Les allées et venues de Nouri Mesmari ont suscité beaucoup de curiosité ces dernières semaines. Le chef du protocole de Mouammar Kadhafi qui semblait être le frère siamois du dirigeant libyen, s’était rendu en France fin octobre, en passant par la Tunisie. Officiellement, Mesmari, qui souffre d’une maladie chronique, était venu à Paris pour subir une intervention chirurgicale. Sa femme et sa fille lui avaient en effet rendu visite et résider un temps à l’Hôtel Concorde Lafayette de Paris. Il a été perdu de vue depuis. Mesmari qui voudrait prendre sa retraite est l’un des plus proches confidents de Kadhafi et connaît parfaitement tous ses secrets. » On verra même un dernier visiteur à l'hôtel Concorde : Mouatassim Kadhafi en personne, venu lui aussi tenter de persuader Mesmari de rentrer. Le fils Kadhafi repartira au pays sans lui le 5 février. Le 5 décembre, Mousmari sera... libéré, par les français, une libération de façade  : "relâché sur ordre de la cour d’appel de Versailles, qui juge sa détention « irrégulière » au regard des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme",  ce qui fait sourire tout le monde dans le milieu judiciaire.

Car entre temps, les contacts avaient été pris. Péan continuant invariablement dans son ouvrage sur les liens libyens pour nous préciser lesquels. "Depuis 2007, les relations entre Alexandre Djouhri et Béchir Saleh, les deux pivots de la politique libyenne pilotée par Claude Guéant, sont devenues de plus en plus étroites, mais il est bien difficile de percer à jour leur business commun. À la tête du LAP, Béchjr Saleh manie de très grosses sommes : il est le Père Noël investisseur en Afrique ; avec les cinq milliards ve dollars de dotation et les trois milliards d'actifs dans des grosses sociétés (Afriqiyah Airlines, Oil Libya Holding, un réseau de stations-service dans seize pays africains, des participations importantes dans des sociétés de téléphone mobile...), il dispose d'une incroyable puissance de feu qui ne peut que fasciner Djouhri". Nous ys sommes donc : ce qui intéresse le fait de ramener en France le trésorier de Kadhafi, c'est bien parce qu'il possède la clé des coffres, comme j'ai déjà pu le dire ici. Ce que Péan appelle un "business". Selon Péan, l'homme aurait lui-même été repéré par les services financiers libyens pour des détournements : "À compter du début de l'année 2010, plusieurs responsables libyens soupçonnent Béchir Salah de graves manquements dans l'utilisation qu'il a faite des fonds du LAP. Les services secrets libyens font feu de tout bois pour tenter de mettre au jour toutes ses activités. Ils savent déjà que le LAP a racheté à Atlas, une société suisse appartenant à Djouhri, une propriété située à Mougins, pour une dizaine de millions d'euros, mais complètement grevée par le fisc parce qu'Atlas n'avait jamais acquitté les impôts afférents"... cette version me semblant assez peu imaginable. La propriété de Mougins existe bien, mais elle ne semble pas avoir eu un quelconque rôle dans cette affaire. Toujours cette propension maladive chez Péan à ne s'en prendre qu'à Djourhi, et à ignorer Takieddine.

Une association qui a duré jusqu'à la chute du dictateur, et qui a connu une nouvelle apogée lors des négociations de réditions du clan Sarkozy, où l'interlocuteur principal s'appelle bien Saleh, cette fois."En 2011, ii faut bien constater que le duo Saleh-Djouhri fonctionne encore, en dépit de la situation de guerre en Libye : il a été utilisé, début juin, par le ministre de l'Intérieur Claude Guéant, pour organiser des rencontres secrètes entre les équipes de Kadhafi et le Conseil national de transition. Le duo s'est tranformé en un trio avec l'entrée en lice de Dominique de Villepin, au côté de Djouhri, dans les négociations secrètes qui se déroulent à Djerba : le 13 août, des touristes français ont ainsi pu apercevoir sur l'aéroport de Djerba Alexandre et le "Poète" descendre d'un avion immatriculé au Luxembourg. Auprès de la presse, l'ancien Premier ministre a reconnu avoir participé à de telles rencontres pendant le week-end de l'Assomption". Voilà l'arrivée du troisième larron, dont je vous ai expliqué ici la venue au beau milieu des discussions. Comme jet privé immatriculé au Luxembourg, on songe obligatoirement à celui d'Yves St.-Laurent, immatriculé LX-YSL. L'avion de François Pinault, qui possède son propre Falcon 900 EX et d'un Falcon 7X EX (F-GOYA et F-HAKA). Pinault et de Villepin étant des proches, on penche pour l'hypothèse du Cessna Citation CE 525 de Pinautl, photographié ici à Nantes en 2008. A l'intérieur, il y a bien assez de place pour caser les 1,94 m de de Villepin.

Mais Dominique de Villepin (à gauche l'intérieur d'un Cessna 525) comme Nicolas Sarkozy ont surtout usé (et abusé) des jets de la République, comme l'avait relevé le 4 février 2009, la Cour des comptes :"Plusieurs transports de personnes privées et des voyages à finalité touristique ont eu lieu au cours de cette période, sans aucun rapport avec la lutte contre les feux de forêt, voire sans lien direct avec une mission de service public". Outre les déplacements de hauts fonctionnaires et de leur famille, les magistrats de la Cour des comptes ont découvert que des responsables politiques avaient utilisé gratuitement les avions de la sécurité civile pour se rendre sur leurs lieux de vacances. " Une habitude, leur permettant d'user et d'abuser  : "Un ministre, accompagné de membres de sa famille et de proches, a passé, durant l'année 2003, des week-ends à répétition à Saint-Nazaire, Deauville et Royan. Un autre ministre, au cours de l'été 2004, a réquisitionné, pour lui et sa famille, un hélico entre Megève et Chamonix. Dans une période, ajoute Philippe Séguin, où la demande de secours aux personnes était particulièrement importante", peut-on lire dans le Canard Enchaîné. Si le rapport de la Cour des comptes se garde bien de révéler le nom de ces deux ministres, le Canard Enchaîné n'a pas cette pudeur. Le ministre qui a passé ses week-ends à Deauville ou Royan n'est autre que Nicolas Sarkozy. Lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy multipliait ses week-ends de détente avec Cécilia Sarkozy, en utilisant la flotte de la sécurité civile. Quant au ministre qui a utilisé l'hélicoptère pour se rendre à Megève ou Chamonix, il s'agit de Dominique de Villepin." Tout cela, grâce aux avions de l'Etat : "Les autorités gouvernementales bénéficient de leur propre flotte aérienne. L'ETEC (Escadron de Transport, d'Entraînement et de Calibration) comprend huit appareils : deux Airbus A319 de 40 places chacun (revendus depuis, dont un a Wade, au Sénégal !) ), deux Falcon 900 et quatre Falcon 50 de huit à treize places (plus le nouveau Falcon 2000 F-RFAC ici en photo à Villacoublay).  Le coût moyen d'une heure de vol est de 4500 euros". Avec un autre "recordman" de ce genre d'utilisation : François Fillon. "Après plus de six mois à Matignon, le Premier ministre, François Fillon, a bien pris ses marques et intégré les avantages liés à la fonction. Il apprécie tout particulièrement les déplacements en Falcon. Lors de son déplacement en Corse où il avait eu cette phrase choc sur l'Etat "en faillite", il s'était déplacé avec deux Falcon de l'ETEC. Quelques jours plus tôt, son chef de cabinet avait lui aussi utilisé un Falcon pour préparer le voyage." "Parfois, l'utilisation du Falcon par le Premier ministre peut surprendre. Ainsi, lors de l'inauguration du TGV Est reliant Paris à Strasbourg en moins de trois heures, le Premier ministre avait rejoint le convoi à mi-chemin en Falcon pour gagner du temps. De même, en décembre dernier, François Fillon avait utilisé un avion de la République pour se rendre plus rapidement dans la station de sports d'hiver où il devait passer les fêtes de fin d'année". Le Falcon 7X, "l’avion de secours du président" servant aussi parfpis à emmener des journalistes chargés de répartir la bonne parole élyséenne, même si parfois il faut 26 heures de voyage pour rentrer avec 2 minutes et 40 secondes de discours... de Nicolas Sarkozy. Ou emmener Denis Olivennes, alros responsable du Nouvel Obs... sans que sa rédaction n'ait été mise au courant.

Nicolas Sarkozy a utilisé pour pour se rendre à Malte ou en Égypte le Falcon 900 de son ami Bolloré. Un Falcon 900 EX acquis en 2001 et immatriculé F-HBOL (ici en photo l'arrivée en Égypte d'un Sarkozy peu amène à la descente de l'avion de Bolloré), loué depuis 2003 à Unijet. Vincent Bolloré se déplaçait plutôt jusque juin 2007 dans un avion plus volumineux, un Bombardier Global Express, alors loué à LVMH, l'entreprise de Bernard Arnault... Le modèle étant le BD-700-1A10 (imatriculé F-GVML). Arnaut en rachetant un autre, un Bombardier BD-700-1A10 immatriculé (F-GVMV). Pour ceux qui se demandent pourquoi Bolloré et non un autre, il faut simplement savoir ceci : " Ces dernières années, le groupe Bolloré a commencé à constituer un pole média : lancement de Direct 8 en 2005, des journaux gratuits Direct Soir et Matin plus. Le groupe est aussi devenu actionnaire à hauteur de 44% de l'institut de sondage CSA..." Les sondages, objet d'importance en cas d'élection présidentielle, on le sait.

Tout cela ne nous dit pas vraiment comment avoir réussi à extraire de Libye Béchir et de surtout comment le maintenir en France. Pour ça il faut se creuser un peu plus la tête et se mettre à raisonner comme Claude Guéant. Faire dans le tordu, donc, obligatoirement. Et éplucher la presse, comme ici le Progrès de Lyon qui, dans son édition du 15 mars 2012, avait révélé une information jugée fort anodine par tous ; évoquant une dame de Bourg-en-Bresse, originaire de Libye, ayant martyrisé ses employés : "Jugée pour l'exploitation de quatre Tanzaniens entre 2006 et 2009". Tout cela dans une luxueuse résidence suisse de Prévessin-Moëns, dans le eux Pays de Gex, tout près de Genève, une bâtisse de 600 M2 ! Dans des conditions inhumaines, raconte-t-on  : "elle aurait employé quatre personnes originaires de la Tanzanie dans des conditions inhumaines. Il s’agit de deux sœurs d’environ 40 ans et d’un couple d’une trentaine d’années « qui travaillaient jusqu’à 18 heures sur 24 contre une rémunération inexistence », relate Me Mehdi Benbouzid, l’avocat des plaignants. Celui-ci détaille : « Il n’y a pas eu de violence physique mais ces personnes étaient sous-alimentées, l’une d’entre elles ne pesait que 47 kilos pour 1,73 mètre. Il s’agit en fait d’un exemple d’esclavage moderne, les passeports étaient confisqués et mes clients n’avaient pas le droit de sortir sauf avec un chauffeur lorsqu’elles allaient faire des courses, ils devaient alors appeler tous les quarts d’heure. »

Or cette esclavagiste des temps modernes qui risquait alors sept années de prison pour maltraitance, âgée de 56 ans s'appelle justement... Kafa Kachour Bechir, déclarée "gérante en immobilier", en France, d'où la localisation de son procès. Et ce n'est autre que la femme de Béchir Saleh Béchir. Logique, alors d'avoir un procès... pipé : Claude Guéant avait là un moyen de pression idéal sur celui dont il était devenu le protecteur. Et effectivement, puisqu'au final, le 15 mars... les charges vont s'évanouir. Les sept ans disparaissant de l'accusation, après que le procureur eût requis (quand même) 2 ans de prison avec sursis, pour le principe, et 50 000 euros d'amende, qui ne pèseront rien dans l'escarcelle du couple, tant l'argent détourné en Libye est conséquent. Le jugement définitif sera rendu le 25 avril prochain, après le premier tour des élections. Mais avec cet épisode,  Claude Guéant et Nicolas Sarkozy avaient donc les moyens de faire pression sur Béchir-Saleh-Béchir... tout le long de la procédure pénale. Tout le monde aura remarqué entre temps que la luxueuse villa n'était qu'à moins de 4 kilomètres en ligne droite de l'aéroport de Genêve... où l'on trouvait encore il n'y a pas si longtemps le Falcon 900 TS-JSN de Sakher El Materi, gendre du président déchu Ben Ali, en Tunisie. Sorti tout droit du hanger du hangar de Jet Aviation, celui qui a servi aux avions de "rendditions" de la CIA. Tel le Gulfstream N379P, devenu N8068V, qui avait été vu à deux reprises à Genève, en janvier et en avril 2004. Ce monde est décidément très, très petit ! 

Genêve-Cointrin, un aéroport décidément fort fréquenté avait raconté le 7 juillet 2010 le journal suisse l'Hebdo, repris par Mediapart : "ce vendredi 23 mars 2007, c’est en jet privé qu’Eric Woerth et Patrick Devedjian atterrissent à 19 heures sur l’aéroport de Cointrin. L’avion, selon nos informations, un Falcon 10, accueille à son bord les épouses des convoyeurs de fonds de l’UMP, Florence Woerth et Sophie Vanbremeersch. Un avion mis à disposition par un compatriote fortuné au bénéfice d’un forfait fiscal en Suisse. Tout ce petit monde dort à Genève chez des amis respectifs. De retour à Paris, Eric Woerth rencontre Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, qui lui aurait remis ce chèque de 150 000 euros qui agite désormais les esprits de la République. A l’époque en effet, Eric Woerth récolte les fonds pour alimenter la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. A Paris ou à Genève. Sitôt descendu du Falcon avec Patrick Devedjian, le futur ministre file vers un hôtel cinq étoiles à quelques pas de là, le Crowne Plaza où patientent plus d’une cinquantaine d’adhérents et sympathisants de l’UMP. Avant de rejoindre, vers 21 heures, une petite trentaine d’invités triés sur le volet à la Caviar House, rue du Rhône. Le marathon suisse d’Eric Woerth et de Patrick Devedjian sera bref, mais profitable. Selon nos estimations relues et confirmées par l’ancien président Pierre Condamin-Gerbier, les deux hommes repartent avec des promesses de dons qui frôlent un demi-million de francs suisses." Un aéroport qui aura donc vu beaucoup d'argent défiler. Au seul profit de l'UMP.

La France a eu une politique extérieure aventureuse en Libye à tous les niveaux, comme vient de le dénoncer Anne Lauvergeon, la dirigeante d'Areva opposée à la vente de centrale nucléaire à la Libye, celle que Sarkozy ne veut plus reconnaître. Dans son livre elle révèle que son seul correspondant gouvernemental sur le sujet s'appelait Claude Guéant, et personne d'autre. Anne Lauvergeon dit s'être opposée "vigoureusement" à la vente d'équipements nucléaires à la Libye. "Nous jouions à fronts renversés", explique-t-elle. "L'Etat, censé être plus responsable, soutenait cette folie. Imaginez, si on l'avait fait, de quoi nous aurions l'air maintenant !" "Pourtant, quelle insistance ! A l'été 2010, j'ai encore eu, à l'Elysée, une séance à ce sujet avec Claude Guéant et Henri Proglio", ajoute-t-elle, en citant les noms du secrétaire général de l'Elysée de l'époque et du PDG d'EDF, avec qui ses relations sont notoirement mauvaises" précise le journal divulguant ces révélations. Proglio, autre âme damnée, était donc partisan de fournir Kadhafi en nucléaire...

Une fois les contrats mirobolants devenus du vent, Nicolas Sarkozy, qui avait tablé sur eux pour effectuer sa campagne électorale dans les meilleures conditions financières possibles, avait dû faire appel à son principal rival d'autrefois pour débloquer une situation mal engagée au départ, les libyens n'acceptant plus les interventions françaises en raison de l'attaque de leur pays par la France. Un intermédiaire providentiel s'imposait. On a vu qui. La solution trouvée consistant à s'emparer non pas directement de l'argent de Kadhafi, mais de mettre sous sa coupe les gestionnaires de sa fortune. Ces derniers sauvant leur peau au passage. Chez Bettencourt, déjà atteinte d'Alzheimer, un gestionnaire de fortune avait aussi été mis à contribution, il y a cinq ans. En Libye, le gestionnaire de fortune de Kadhafi, Béchir Saleh Béchir, tenu par les difficultés judiciaires de sa femme, n'avait même plus à en référer au propriétaire (froidement supprimé **) pour détourner l'argent. La solution idéale avait été trouvée. Par Claude Guéant et Nicolas Sarkozy.

Au bilan final, Il y a donc bien un danger public en France, pour la République, et c'est bien... avant tout Claude Guéant.

PS : l'annonce le 8 avril de la CNT via Mohammed al-Allagui le ministre de la justice libyen, affirmant qu'elle ne remettrait pas Saif El Islam au TPI va dans le même sens de pressions exercées sur le gouvernement provisoire lybien. Celui qui a affirmé que son père avait payé la campagne politique de Nicolas Sarkozy en 2007 ne pourra jamais le dire devant un tribunal international. En Libye, c'est une peine de mort qui l'attend. Il est affligeant de constater que Mouammar et Mouatassim Kadhafi avaient été capturés vivants (on détient des vidéos le prouvant), et qu'ils ont été purement et simplement liquidés dans les minutes qui ont suivi. Afin de ne pas parler lors de leur procès. La suspicion est de règle en ce qui concerne les commanditaires exacts de ce qui sont bien des assassinats

 

(*) Kadhafi n'avait pas pu utiliser cette étrange Toyota Land Cruiser munie d'une HK21 entièrement rétractable et dirigée par caméra, retrouvée à Syrte par une équipe de la BBC. Les portes blidées possèdaient des ouvertures pour laisser passer des armes. Qui avait pu concevoir un tel engin et pour quel usage ?

(**) L'article du 26 octobre du Canard Enchaîné, en France, résume parfaitement ce que j'ai pu jusqu'ici expliquer de la disparition de Kadhafi,selon lui programmée par les USA et la France :

Obama et Sarkozy ne voulaient pas qu’il s’en sorte vivant. De crainte qu’il ne parle trop lors de son procès devant la Cour pénale internationale.

Mercredi, 19 octobre en fin d’après-midi, un colonel du Pentagone téléphone à l’un de ses correspondants au sein du service secret français. Chargé du dossier « Kadhafi », l’une des priorités actuelles des généraux de l’équipe Obama, l’Américain annonce que le chef libyen, suivi à la trace par des drones Predator US, est pris au piège dans un quartier de Syrte et qu’il est désormais impossible de le « manquer ». Puis il ajoute que laisser ce type en vie le transformerait en « véritable bombe atomique ». Son interlocuteur comprend ainsi que la maison Blanche a rendu son verdict, et qu’il faut éviter de fournir à Kadhafi la tribune internationale que représenterait son éventuel procès. Depuis quelques jours d’ailleurs, des commandos des forces spéciales américaines et françaises participaient ensemble à cette chasse au Kadhafi. À Paris, au Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), à la Direction du renseignement militaire (DRM) et au service action de la DGSE, plusieurs officiers évaluaient à une cinquantaine de membres du COS (Commandement des opérations spéciales) les militaires présents à Syrte. Leur mission : porter assistance aux unités du CNT qui investissaient la ville, quartier par quartier, et, selon le jargon maison utilisé par un officier du CPCO, « ´´traiter´´ le guide libyen et les membres de sa famille ». Une formule codée en cours à la DGSE : « livrer le colis à Renard », et agir en sorte que Kadhafi n’échappe pas à ses poursuivants (une unité du CNT baptisé « Renard ? ».

Hypocrisie internationale.

À l’Élysée, on savait depuis la mi-octobre que Kadhafi et l’un de ses fils s’étaient réfugiés à Syrte, avec gardes corps et mercenaires. Et Sarko avait chargé le général Benoit Puga, son chef d’état-major particulier, de superviser la chasse à l’ancien dictateur. Ce qu’il a fait en relation avec la « Cuve », le bunker souterrain où des officiers du CPCO sont en contact permanent avec tous les militaires engagés à l’étranger et les services barbouzards. À la DGSE comme à la DRM on ne se gêne pas d’ailleurs pour évoquer l’ « élimination physique »du chef libyen, à la différence des formules bien plus convenables employées par l’Élysée, s’il faut en croire un conseiller du Président. « La peine de mort n’était pas prévue dans les résolutions de l’ONU qui ont permis à l’OTAN d’intervenir, ironise un diplomate français. Mais il ne faut pas jouer les hypocrites. À plusieurs reprises, des avions français et britanniques avaient déjà tenté de liquider Kadhafi en bombardant certains de ses repaires, à Tripoli ou en détruisant notamment un de ses bureaux. » Et le même de signaler que, lors d’un procès devant la Cours pénale internationale, « ce nouvel ami de l’Occident aurait pu rappeler ses excellentes relations avec la CIA ou les services français, l’aide qu’il apportait aux amis africains de la France, et les contrats qu’il offrait aux uns et aux autres. Voire plus grave, sait-on jamais ? ».
 

Le 20 octobre à 8h 30 du matin, l’objectif allait être atteint. Trois avions de l’OTAN s’approchent de Syrte. Rien à voir avec une mission de reconnaissance effectuée par hasard : une colonne de 75 véhicules fuit la ville à vive allure. Un drone américain Predator tire des roquettes. Un mirage F1CR français de reconnaissance suit un Mirage 200-D qui large deux bombes GBU-12 de 225 kilos guidées au laser. Bilan : 21 véhicules détruit et Kadhafi seulement blessé.

Soupirs de satisfaction.

Des forces spéciales françaises sont alors présentes sur les lieux. L’histoire ne dit pas à quelle distance de ce qui va survenir, et que raconte avec abondance de détails un officier des services militaires de renseignements : « Il est capturé vivant par des combattants surexcités. La foule scande Allah Akbarˮà pleine poumons, le menace de ses armes et se met à le tabasser pendant que d’autres combattants qui peinent à prendre le dessus, crient de le maintenir en vie ».On connait la suite, quelques images de ce lynchage suivi d’une exécution par balles sont apparues sur les écrans de télévision et dans la presse écrite. Mais la disparition de Kadhafi n’est pas la fin de l’histoire car, en croire une analyse barbouzarde, « la Libye est entrée dans un no man’s land politique, une zone de turbulences imprévisibles. » Voilà qui devrait inquiéter ceux qui, dans plusieurs capitales occidentales et arabes, ont poussé des soupirs de satisfaction que Kadhafi ne serait jamais la vedette d’un procès international.

Claude Angeli


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