Le trouillomètre à zéro

par Pierre Chazal
lundi 27 avril 2020

Invité de CNEWS à débattre de la pertinence sanitaire d’une reprise des classes le 11 mai, un intervenant lambda se permettait d’interrompre une présentatrice bêta en lui rappelant que même sous la menace des bombes de la Luftwaffe, les petits Anglais continuaient d’aller à l’école, et leurs aînés de vaquer à leurs occupations. Du 15 septembre 1940 au 10 mai 1941, les bombardements firent un total de 50 000 morts chez les Londoniens, exhortés jour après jour par leur fantasque Prime Minister à continuer à vivre pour montrer à Hitler et sa bande de fous furieux que la nation britannique ne plierait jamais.

On ignore ce qu’auraient décidé Boris Johnson, Tony Blair ou Margaret Thatcher devant pareil épreuve. Ce qu’on sait en revanche, c’est que l’Angleterre n’a pu continuer à résister pour offrir une plateforme au débarquement allié trois ans plus tard qu’en faisant tourner la machine, non pas au ralenti d’ailleurs, mais en mode économie de guerre.

 

L’Anglais de 2020 n’est probablement pas l’Anglais de 1940 mais les petits enfants, eux, n’ont pas changé. Ils n’ont peur de rien à part du loup, et se réjouissent pour la plupart de retourner à l’école pour apprendre, jouer et retrouver leurs copains et leurs copines. Ceux qui ont peur, le trouillomètre à zéro même, ce sont leurs parents, leurs professeurs, leurs directrices d’école, le ministre de l’Education Nationale, lui qui rappelle d’ailleurs si brillamment que la reprise des classes se fera à titre facultatif mais que l’école demeure bien sûr obligatoire.

Dans l’attente de masques, de tests fiables et de capacités hospitalières portées à un million de lits en soin intensif, la France de 2020 redoute le réveil brusque et meurtrier de la chaîne de contaminations qui conduira à nouveau la nation dans l’enfer du Covid 19 qui, rien que dans la capitale, a déjà coûté la vie à 1300 personnes, soit 0,0006% de la population parisienne.

 

N’en doutons pas une seule seconde. Dès le 11 mai à 08:30, les médias seront aux aguets. Combien de petits Schtroumpfs noirs vont-ils trouver à mordre de petits Schtroumpfs bleus qui mordront à leur tour le professeur Gargamel, qui éternuera sur Madame Mim, qui touchera la boîte à gants de la voiture de Monsieur Pot de Colle qui prendra l’ascenseur avec Mademoiselle Ménage qui se lavera mal les mains avant d’aller nettoyer les vitres chez Monsieur Dur Au Mal, 92 ans, cardiaque et diabétique ? Que la courbe reparte à la hausse et que les hospitalisations augmentent de 2% et le coupable sera tout désigné : la société française, dilettante et indisciplinée, irrespectueuse du personnel soignant et ne pensant qu’à sa gueule, son loyer à payer, ses gamins à éduquer, ses steaks à acheter et tutti quanti.

On connaissait le serial killer cagoulé qui tuait cinquante élèves dans un lycée américain. Voici venu l’âge des cinquante meurtriers se refilant le fusil l’un à l’autre, comme les Londoniens de 1940 se passaient les seaux d’eau pour éteindre les incendies, pour assassiner de sang froid en bout de chaîne un pauvre grabataire qui n’avait rien demandé. L’enfant appelé à la barre des accusés aura beau dire « Mais j’y suis pour rien, moi », on lui rétorquera : « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère, ou bien tes parents, ou bien ton professeur. Qu’on le pende, celui-là, et qu’on renvoie ces sales mioches à la niche ! Qu’on leur fasse lire, à ces braillards, Les Animaux malades de la Peste et ils comprendront à quoi ils ont affaire. »

 

En étudiant le cas d'un enfant de neuf ans atteint du coronavirus aux Contamines-Montjoie en Haute-Savoie, les chercheurs ont découvert qu'il n'avait infecté absolument personne dans les trois écoles et le club de ski qu’il aurait fréquentés alors qu'il était malade. Ce sont les résultats d’une nouvelle étude parue le 11 avril dans la revue Clinical Infectious Disease, relayée partout dans le monde sauf dans les médias apôtres du Tous aux abris, slogan des temps modernes dont la manne financière, on s’en doute, est loin d’être négligeable. Faire peur pour mieux vendre, ou mieux se faire élire, voilà qui n’offre rien de nouveau dans le paysage merdiatico-politique de nos sociétés contemporaines. Mais faire peur à ce point ? Diantre. Dans quel cauchemar vivons-nous ?

 

La réponse est simple : un cauchemar médiatique qui a déteint sur l’ensemble de population, comme la psychose autour du VIH à la fin des années 1980. A force de crier au loup, on finit par en voir deux, puis trois, puis quatre, sans qu’il n’y ait plus dans la jungle aucune place pour les jaguars, les serpents, les araignées, les moustiques, les frelons, les fourmis rouges et tout ce que tue chaque année en France 150 000 seniors dans les EHPAD.

Le docteur Olivier Dubois, médecin psychiatre sans aucune épaisseur médiatique et ni crédit intellectuel auprès des populations apeurées, a récemment écrit ceci :

« Tenter de relativiser est une chose, vivre la réalité en est une autre. Sans ambiguïté, la peur nous envahit ; elle nous dépasse ; elle est bien plus puissante que notre raison. Elle fonctionne telle une allergie qui, prévenue préalablement d'un danger, se réactive sans discernement à l'occasion de la réapparition du corps étranger. »

Les Anglais de 1940 n’ont pas cédé à la peur ni à la panique quand le danger s’appelait Adolf Hitler, mais leurs dirigeants n’étaient pas les mêmes. Leurs médias étaient d'une autre trempe. Leurs hôpitaux n’étaient pas de la même trempe. Leurs médecins et leurs infirmières n’étaient pas les mêmes. Leurs cœurs n’étaient pas les mêmes. Les Français de 2020, eux, téléphonent aux Urgences pour un ongle incarné, se font prescrire des antidépresseurs et des arrêts de travail dès que leurs idées virent au noir. Dans le même temps, on les fait complices depuis 50 ans de toutes les famines, de toutes les guerres, de toutes les erreurs commises par leurs aînés. Une pandémie plus tard, pas étonnant de les voir boire au biberon, comme ces bébés des pouponnières du troisième Reich, le story-telling apocalyptique infantilisant et culpabilisant d’une bande d’experts de la fin du monde, lesquels, ont passage, n’ont rien perdu dans cette crise si ce n’est leur crédibilité.

De ce côté-là, pour l’instant rien n’est joué, mais… Rira bien qui vivra le dernier.


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