Le vindictateur

par Voris : compte fermé
vendredi 4 mai 2007

La France s’apprête à se donner à un hommme dont l’intention est d’exercer un pouvoir personnel. On sait depuis 1958 que notre République - la Vème - contient en germe cette possibilité, mais jamais jusqu’à présent les élections présidentielles n’avaient tourné en faveur d’un candidat qui veut à ce point confisquer le pouvoir sous toutes ses formes. Cet homme, c’est le Vindictateur.

"Vindictateur" est un terme nouveau créé ici pour les besoins de la cause. Il se compose des mots "vindicte" et "dictateur".

La vindicte est une forme de dénonciation politique, de punition. M.Sarkozy est aisément qualifié d’homme vindicatif. Pour prendre un exemple tout récent, Mme Royal a déclaré vendredi que son adversaire dirige une vindicte envers les fonctionnaires. Mais n’a-t-on pas été les témoins d’autres vindictes déclenchées par notre ministre de l’Intérieur puis candidat ? Envers la "racaille", les pédophiles, ceux qui ne se lèvent pas tôt, ceux qui cassent mais qui n’ont pas de travail honnête, la liste serait longue. Le chef de l’UMP peut aussi exercer sa vindicte sur une personne en particulier : Azouz Begag en a témoigné mais des journalistes aussi se plaignent de subir les agissements d’un homme qui les inquiète. Des députés centristes, sur lesquels en ce moment des pressions énormes se font, sont soumis à ce que François Bayrou et François Hollande dénoncent comme une forme de débauchage. Ma conclusion sur ce premier point sera donc de dire que le candidat Sarkozy est bien un homme vindicatif.

Sarkozy dictateur ? Plus délicate est la question de trancher sur la nature dictatoriale du pouvoir que M.Sarkozy et son clan veulent renforcer à leur profit. Prudemment, je me référerai d’abord aux définitions. Etymologiquement, le dictateur est "celui qui parle". Le candidat Sarkozy est un tribun et répond bien à cette définition. Il n’a pas son pareil dans l’art du discours et de la mise en scène des émotions, des sentiments. Le deuxième élément dans l’approche de la définition de dictature est historique : Dans la Rome antique, la dictature était la magistrature suprême accordée à une homme, pour une période courte et selon des règles bien définies, en cas de danger grave contre la République. A supposer que notre République soit aujourd’hui considérée comme en danger -ce qui reste à prouver- et qu’il faille recourir à cette solution, nous ferons remarquer que les pouvoirs exceptionnels du président et du gouvernement existent déjà constitutionnellement (pleins pouvoirs, état d’urgence, droit de dissolution) et qu’il n’est guère utile, qu’il s’avère même très dangereux, de désigner pour cinq années un président à cette fin.

Venons-en à quelques caractéristiques bien établies de ce qui fait la dictature, c’est-à-dire bornons-nous à reprendre ici des auteurs incontestés et des définitions de dictionnaires qui font autorité : Pour Montesquieu, dans "L’Esprit des lois", le despotisme est un gouvernement qui ne respecte pas les libertés des individus et dont le principe est la crainte. Ici, chacun se fera une idée sur ce qu’il convient de penser de la manipulation de la peur et de l’offre de sécurité afférente, typiques du Front national, mais aussi d’un De Villiers et d’un Nicolas Sarkozy. L’usage abusif de la peur comme moyen de parvenir au pouvoir ou de s’y maintenir peut se montrer dangereux et réduire gravement les libertés. Il en est de même de l’offre de sécurité par un homme providentiel. Seconde considération : la dictature réside dans la concentration de tous les pouvoirs. Cette définition est donnée par Le Robert et Encyclopaedia Universalis. Or, l’on sait et l’on ne pourra pas dire que nous n’étions pas bien informés sur ce point, que M.Sarkozy ne considère pas comme essentielles les frontières entre les pouvoirs. Il lui est arrivé fréquemment de s’immiscer dans les affaires de la justice, en usant de vindicte contre la magistrature ou certains types de délinquants, en manifestant sa volonté de renvoyer un juge du siège (Jean-Pierre Rosenzweig), alors que la chose est interdite dans notre Etat de droit. La concentration de tous les pouvoirs est rendue aisée pour quelqu’un qui détient déjà des moyens financiers énormes et une partie des goupes de presse. La prédiction de Montesquieu selon laquelle "tout homme qui détient le pouvoir est porté à en abuser" pourrait se réaliser le 6 mai tant l’évidence est là que notre probable futur chef d’Etat présente une tendance très forte à ce travers mis en avant par les auteurs.

Le populisme et la propagande comme moyens de manipuler les esprits sont aussi des signes de possible dictature. Après avoir invoqué Jean Jaurès avec le pire état d’esprit de démagogie, le candidat Sarkozy se présente comme le porte-parole du peuple (ce qui est là la marque des apprentis dictateurs) et s’est adressé vendredi à des ouvriers en ces termes : "Je veux votre confiance", "Nous ne sommes pas comme eux là-haut". On notera le "je veux" dont Sarkozy abuse dans ses discours et qui révèle son caractère autoritaire. En la circonstance, il se posait plus en patron qu’en candidat devant ces ouvriers qu’il entendait soumettre à ses vues. Par "eux là-haut’, il cible ceux qui sont du côté des grands patrons et de la haute finance dont il est le premier défenseur zélé. Dès lors, faire croire par de tels arguments à des ouvriers mal payés que l’on est de leur côté relève du mensonge le plus éhonté. Autre exemple : une vidéo circule en ce moment sur Internet. Il s’agit d’un film qui relate l’évènement de la prise d’otage des enfants de l’école maternelle de Neuilly-sur-Seine en 1994. Les ingrédients de la propagande qui ont présidé à la confection de ce pseudo-documentaire se discernent facilement : Le film commence par un extrait de journal télévisé, celui d’une seule chaîne : TF1. Il est accompagné d’une belle musique destinée à jouer sur l’émotion du spectateur, enfin des qualificatifs élogieux comme "courageux" viennent envahir l’écran. Bref, on croirait à une bande-annonce de film de cinéma, de fiction donc. La force de persuasion tient beaucoup dans les propos de Sarkozy qui apparaît très humain par la confession de sa peur.

La brutalité ou l’humanisme : nous est-il encore possible de choisir ? Chaplin nous donne une leçon d’espoir dans son discours final du Dictateur.

Voir ici la vidéo propagande de la prise d’otages

Ecouter ici le discours humaniste de Chaplin dans le Dictateur



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