Le voile, un signe religieux ostentatoire ?
par Kookaburra
jeudi 13 juin 2013


La première affaire du voile islamique à l’école date de 1984. Suite aux hésitations de Lionel Jospin, le Conseil d’Etat rendit un avis qui aboutit à laisser les chefs d’établissements seuls régler les conflits. Il fallut attendre 14 ans avant qu’en 2004 une nouvelle loi interdise les signes ostentatoires religieux à l’école publique. A présent, avec l’affaire de la crèche Baby Loup, la question du voile a de nouveau défrayé la chronique.
Couvrir les cheveux est une tradition bien plus ancienne que l’islam, mais dans l’islam elle est devenu spécifiquement religieuse. Le port du voile, est-il vraiment une obligation religieuse ? Que dit le Coran ?
Sourate 24/31
« Dis aux croyants de baisser leurs regards, d’être chastes, de rabattre leurs voiles sur leurs poitrines, de ne montrer leurs atouts qu’à leurs époux … ».
Ces recommandations se rapportent à l’habillement du VIII° siècle en Arabie, se rapportent aussi aux mœurs et coutumes de cette époque. Comment alors interpréter ou plutôt transcrire cette sourate dans l’habillement, dans les mœurs et dans le langage de notre époque ? Certains érudits musulmans maintiennent que le voile "n’a rien à faire avec islam", et effectivement, on peut difficilement trouver une référence précise dans les textes saints. Les recommandations coraniques concernent le corps plutôt que la tête.
Dans les pays musulmans, des millions de femmes croyantes ne le portent pas. En Europe le port du voile a l’inconvénient d’afficher très visiblement sa religion, ce qui est contraire aux coutumes européennes et, pour cette raison, est souvent ressenti comme un repli communautaire, ou comme un signe arrogant de supériorité spirituelle. D’autres, par contre, n’y voient aucun inconvénient. Ils n’y voient qu’un simple foulard, sans portée symbolique.
Ce que l’on ignore, ou préfère ignorer, c’est que le voile islamique est bien plus qu’un signe religieux comme, par exemple, la petite croix portée par beaucoup de femmes au cou. Comme notre ami Guylain Chevrier l’exprime dans un commentaire sur AG du 24.03.13 :
« Le voile qui signifie le refus de se mélanger au-delà de la communauté de croyance, symbolise une volonté de séparation et de repli communautaire sur cette base discriminatoire qui est inacceptable au regard d’une modernité ainsi rejetée, les valeurs démocratiques n’en sortant pas indemnes, jusqu’à la négation de l’intégration. C’est l’expression d’une régression moyenâgeuse que l’on ne doit pas laisser sans réponse au nom du respect du fait culturel et aboutir à ce que des femmes ne disposent pas des mêmes droits que les autres par fait de religion, qu’elles le désirent ou non, et il n’y a qu’une loi pour tous qui puisse protéger la société contre ces excès du religieux…. . D’autre part, le voile est le symbole ostensible qui sert à l’effet collectif visible d’une religion qui ainsi entend peser par son communautarisme sur les décisions collectives des citoyens, celles des représentants de la nation en imposant son clientélisme régressif. Voilà ce qui est en jeu, le poids communautaire de cette partie de l’islam qui entend imposer ses vues sur la société française à contre courant de l’histoire du progrès des droits politiques et sociaux. »
Autrement dit : ce n’est pas seulement en tant que signe ostentatoire religieux que le voile inquiète, mais surtout en tant que signe d’un communautarisme politique, et signe d’un rejet des valeurs de la République.
Face aux exigences de l'islam, l'Europe recule, et son manque de fermeté encourage une pression revendicative permanente. De concession en concession, nous nous habituons aux piscines séparées, aux femmes voilées, à la viande hallal, et en contrepartie, à la disparition de nos traditions et symboles "religieux" comme les arbres de Noël.
L’Europe est tentée de rêver l’islam à son image et à sa ressemblance pour mieux occulter les transformations profondes engendrées par sa présence. L’Europe imagine que l’islam va se séculariser à son contact, mais le rêve risque de prendre une toute autre fin que prévu. L’Europe déchristianisée a du mal à gérer la montée en puissance de l’islam, dont les effets sociaux, spirituels et politiques prennent de plus en plus d’importance.
Le respect de la laïcité républicaine est essentiel pour éviter les conflits religieux. Elle est la base de la cohésion sociale dans la société pluriethnique. La laïcité n’exige pas de renoncer à sa religion où à sa culture d’origine, mais parfois d’en abandonner les éléments qui contreviennent aux usages républicains et, pour le reste, de les déployer avec le tact et la modération qui permettent à toutes les croyances et toutes les convictions de se rencontrer sans se heurter. La laïcité n’intervient pas dans le domaine privé, mais elle reste la règle dans l’espace public, qui ne saurait être réduit aux seuls services publics. Elle fait partie de la courtoisie républicaine, à laquelle nous sommes tous attachés.