Le vote blanc est-il opportun ?

par Graal
mardi 17 janvier 2017

 J'ai entendu des candidats de la Primaire de la gauche se prononcer en faveur de la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés.

Personnellement, je trouve, depuis longtemps, cela séduisant. Et je n'ai jamais lu ou entendu quiconque s'y opposer ouvertement.

Pourquoi, alors, le vote blanc n'est-il pas actuellement reconnu et comptabilisé au titre des suffrages exprimés ?

 

Lors des dernières élections régionales, je ne souhaitais voter ni pour l'une, ni pour l'autre des deux grandes listes en présence dans ma (nouvelle) région.

Devant l'inutilité du vote blanc, j'ai décidé de m'abstenir. Délibérément. Mais à contrecœur, et pour la première fois, autant que je m'en souvienne, depuis que j'ai le droit de vote.

Mais c'est alors que j'ai commencé à m'interroger sur le vote blanc.

 

Tout d'abord, pourquoi avoir choisi l'abstention plutôt que le vote blanc, sachant que ni l'un ni l'autre ne sont pris en compte (les votes blancs sont seulement décomptés en tant que tels et annexés au procès-verbal depuis la loi du 21 février 2014, ce qui signifie simplement qu'ils ne peuvent pas atterrir directement dans une poubelle) ?

Un petit exemple simple :

 

 

%

%

candidats

votes

blancs

blancs

 

exprimés

exclus

inclus

X

49

49

47,57

Y

51

51

49,51

blanc

3

 

2,91

 

103

100

100,00

On voit que si les votes blancs sont décomptés comme suffrages exprimés (inclus) le candidat Y n'obtient pas la majorité de 50%+1, alors que s'ils ne sont pas comptabilisés (système actuel) il obtient cette majorité.

Me déplacer pour voter blanc, dans mon cas, équivalait donc à donner un petit coup de pouce (peut-être décisif) à une liste que je ne souhaitais pas voir l'emporter, de même, d'ailleurs, qu'à l'autre liste (qui ne me convenait pas plus).

 

Je ne connais pas la raison exacte et officielle de cette non prise en compte du vote blanc. Et je suis loin d'être un spécialiste de ce type de questions.

Mais, à partir de l'exemple ci-dessus, j'en ai déduit ceci :

Le système électoral français vise à dégager, que ce soit lors d'une élection ou lors d'un référendum, une majorité dite absolue (50%+1), même si, au second tour des élections (présidentielle exceptée), on se contente d'une majorité relative.

Reconnaître la validité des votes blancs, c'est prendre le risque de se retrouver (avec une forte probabilité) dans une impasse, c'est-à-dire sans majorité absolue, même après un second tour, dans bien des cas et pas des moindres (présidentielles).

 

J'ai poussé ma réflexion un peu plus loin.

Examinons deux cas de figure (encore assez simples, mais qui permettent de mettre le doigt sur d'autres possibles difficultés ou incohérences).

 

1/ Imaginons des élections législatives visant à pourvoir, à la proportionnelle (c'est aussi une proposition de candidats de la primaire de la gauche) 500 sièges de députés, le vote blanc étant admis et comptabilisé comme "exprimé".

Si ces élections recueillent 10% de votes blancs, combien de députés seront effectivement élus, 450 ou 500 ?

Le vote blanc étant censé être un acte citoyen qui se distingue de l’abstention et qui exprime une volonté politique de participer au scrutin pour dire son refus de choisir (voir http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/participation/voter/droit-vote/abstention-vote-blanc-vote-nul-quelles-differences.html ) , ne serait-il pas logique et juste que 50 sièges restent vacants ?

Allons encore un peu plus loin :

Lors du vote d'une loi, et si l'assemblée ne compte que 450 membres effectifs, combien de voix le projet de loi devrait-il recueillir pour être adopté, 225+1 ou 250+1 ?

Toujours en se référant à la signification ci-dessus du vote blanc et pour respecter les choix de ceux qui ont voté ainsi, un projet de loi ne devrait-il pas recueillir obligatoirement 250 voix+1 ?

 

2/ Autre cas de figure : un référendum.

Si, dans le cas d'une majorité obtenue par le Non, même bien inférieure à 50% (par exemple : Non 40%, Oui 35%, blancs 25%), le rejet du texte ou de la proposition ne semble pas pouvoir être contesté, en serait-il de même dans le cas inverse ?

Imaginons un référendum aboutissant au résultat suivant : Oui 49%, Non 26%, blancs 25%.

Le texte (ou la proposition) ne doit-il pas être rejeté ? Bien sur que si, puisque n'ayant pas obtenu la majorité absolue.

Ne doit-on pas alors en arriver à la constatation suivante : la prise en compte des votes blancs, si elle permet effectivement de mobiliser fortement les abstentionnistes, aboutira systématiquement à un résultat de rejet.

Dans ces conditions, le vote blanc ne représente-t-il pas la mort assurée du référendum ?

On pourrait bien sûr se contenter de la majorité relative. Mais ne serait-ce pas faire fi des votes blancs ? Autant vaut, dans ce cas, ne pas en tenir compte…comme à présent.

 

Voila où en est ma réflexion.

S'il y a une (ou des) faille(s) dans mon raisonnement, les grosses pointures d'AgoraVox ne manqueront pas de m'épingler.

Mais si ce raisonnement tient la route, je trouve surprenant que des candidats à l'élection présidentielle se fourvoient dans ce qui ne serait alors rien d'autre qu'une promesse démagogique.


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