Le vote obligatoire : planche à salut des politiques déconsidérés en forme de piège à citoyens

par Saltz
vendredi 17 avril 2015

En France, l'inscription sur les listes électorales est obligatoire, mais le vote ne l'est pas.

En effet, l'obligation de voter s'applique uniquement pour les élections sénatoriales. Les grands électeurs qui s'abstiennent sans raison valable sont condamnés au paiement d'une amende de 4,57 €.

Remarquons le montant de l'amende tellement ridicule que j'ai été obligé de vérifier sur le site officiel http://www.senat.fr/lc/lc121/lc1210.html. Il est vrai qu'il s'applique à des électeurs eux-même élus. Entre gens de bonne compagnie, on emploie de bonnes manières et la peine ne peut être que symbolique. Mais pourquoi ces 57 centimes ?

Face à la montée du taux d'abstention, plusieurs parlementaires appartenant aussi bien à la majorité qu'à l'opposition ont, au cours des derniers mois, déposé des propositions de loi tendant à rendre le vote obligatoire.

Pourquoi cette ardeur à pousser le citoyen à remplir son devoir électoral alors que les politiques ont l'habitude de se présenter avec des promesses qu'ils savent ne pas tenir et des référendums qu'ils enterrent dans un traité traîtreusement voté entre eux ? Cela pousse le citoyen à s'abstenir quand il considère la vanité du vote ou à se déplacer plus par nostalgie que par conviction sur les processus démocratiques.

Une voix de quelqu'un qui ne connaît rien à rien et qui va voter au mieux au hasard comptera autant qu'une voix de quelqu'un qui a travaillé les dossiers et a pris sa décision à la suite d'une réflexion argumentée.

Comme la propagande est martelée jusque dans les émissions d'information du service public, on verra à nouveau des directeurs de revues appartenant aux premières fortunes de France prendre la parole après un débat contradictoire et noter les candidats d'avis expéditifs, alors qu'ils ne pourront pas répondre, et, étrangement, ces avis iront dans le sens de l'employeur du journaleux.

L'objectif est simple : faire voter des gens qui ne s'intéressent pas aux affaires publiques en supposant qu'ils se décideront sur des éléments superficiels qu'une bonne agence de marketing monteront en épingle.

En démocratie, le vote permet de trancher et de choisir une voie à suivre quand plusieurs étaient proposées. Pour la paix et la cohésion sociale, chacun accepte la décision de la majorité.

Imposer le vote obligatoire permet donc d'enfermer le citoyen dans un choix majoritaire, pris à l'encontre de ses intérêts si une partie suffisante de l'électorat a été trompé ou s'est décidé suivant des arguments erronés, fallacieux ou aléatoires.

C'était l'objectif du traité européen.

Les élections au parlement européen ne passionnent pas les foules. Normal, celles-ci ne connaissent pas les implications de leurs choix. Pour attirer l'attention, un député sortant avait joué la provocation avec le mariage homosexuel. A défaut d'argument intelligent, on avait fait appel des gestes provocateurs.

Quelques mois après, un traité européen aux articles ardus est présenté et les organisateurs s'attendent à la même indifférence accompagnée d'un vote les yeux fermés plus motivé pour valider leur politique intérieure que le traité. Mais les Français sont plus intelligents que leurs maîtres le croient et les voilà qui décortiquent page après page ce qui façonnerait leur avenir. Ils comprennent. Ils refusent.

Voter, c'est s'engager à respecter le résultat des urnes.

Vous n'êtes pas d'accord ? Mais vous avez voté ? Soyez républicains, acceptez le résultat du vote. L'Europe a pris une décision qui ne vous plaît pas ? Mais c'est vous qui avez accepté qu'elle prenne des décisions.

Le piège était presque parfait, mais l'électeur était plus malin que l'organisateur.

Étrange démocratie. Quand le vote ne convient pas, on recommence les élections, comme en Irlande, suivant le principe Shadok : si une fusée a une chance sur 1000 de décoller, on la lance 1000 fois, et plus ça rate, plus on a des chances de gagner. Les Irlandais ont voté et revoté jusqu'à ce qu'ils votent comme il fallait. Et quand ils ont fini par voter dans le bon sens, on n'a pas essayé de leur faire confirmer. La démocratie est acceptable quand le résultat correspond à ce qui était attendu.

Mais voter ne rime pas avec équité.

Vous avez un parti qui réunit 47 % des suffrages et vous voulez garder le pouvoir ? Enfantin. Vous établissez un scrution par circonscription que vous découpez avec soin :

- circonscription A : 80 % pour votre adversaire et 20 % pour vous.

- circonscription B : 40 % pour votre adversaire et 60 % pour vous.

- circonscription C : 40 % pour votre adversaire et 60 % pour vous.

Vous gagnez les 2/3 des sièges avec 47 % des voix. Et si ce n'est pas suffisant, vous taillez une grande circonscription pour votre adversaire et des petites pour vous.

En 2002, le dépouillement des urnes a épouvanté la classe politique : un étranger à leur petit monde s'étaient immiscer et avait battu un des leurs au premier tour. Ce sacrilège ne pouvait s'expliquer que par l'absence des fidèles à la grand-messe électorale. Pour rétablir une situation saine, il fallait agir fermement : les horaires des bureaux de vote seront ouverts plus longtemps.

Le remède n'a pas été efficace : l'intrus et les siens ont continué à progresser.

Ne pouvant comprendre les motivations des électeurs hérétiques, on se tourne maintenant vers le vote obligatoire.

Demain, on constatera que ça ne suffit plus. On trouvera dans le secret de l'isoloir le lieu où des motivations sordides se défoulent. On affirmera qu'il faut avoir le courage de ses opinions et on appliquera la recette de Napoléon 3 : le plébiscite avec la signature à côté du choix, sans passer par la case isoloir.

Le vote obligatoire, c'est la défaite morale des élus, tellement loin du peuple qu'ils sont devenus des étrangers à leur propre pays, et qui, comme aurait dit Louis XVIII pour parler de ces émigrés de l'intérieur, « Ils n'ont rien appris, ni rien compris ».


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