Le vote suisse est bien compréhensible

par Kookaburra
jeudi 13 février 2014

Je n’ai aucune compétence en la matière, mais je n’arrive pas à comprendre la consternation générale que le vote suisse a provoquée. Une catastrophe, disent les experts. Mais ils ne l’expliquent pas. Je ne vois pas les implications néfastes.

Les Suisses veulent arrêter l’immigration de masse. Déjà presque un quart de la population ! Ils ont besoin de beaucoup d’immigrants, et ils le savent. Il n’est pas question d’arrêter l’immigration. Cela serait la vraie catastrophe. Voyons, dans certains hôpitaux la moitié des médecins sont des étrangers. Il n’y a pas assez de médecins suisses. Le personnel hospitalier et les médecins sont heureux d’accueillir ces étrangers. Mais ils sont, en même temps, en faveur de la limitation de l’immigration de masse, et pour la maîtriser, il faut abandonner la « libre circulation », imposée par Bruxelles. Il faut des quotas, des quotas élevés bien sûr, parce qu’on en a besoin, mais il faut stopper le flux des peuples de l’est, prêts à travailler pour un petit salaire. Les employeurs les exploitent. Le dumping social est un gros problème en Suisse. C’est aussi contre cela qu’ils ont voté.


La Suisse n’a jamais voulu intégrer l’E.U. Elle veut rester indépendante. Elle veut bien la libre circulation des marchandises - elle en profite énormément, elle en dépend même. Mais pas la libre circulation des travailleurs. Les Français qui condamnent le vote suisse, acceptent-ils volontiers la dictature de Bruxelles ? Les agriculteurs protestent vivement et même violemment contre les importations de l’Espagne. Eux aussi, ils demandent « la préférence nationale », exactement comme les Suisses.

L’immigration est limitée aussi en France. Arrivé en France, je n’avais pas de travail. J’étais considéré comme touriste - avec l’obligation de quitter le territoire en trois mois. Obtenir un permis de séjour était un paradoxe : On ne pouvait pas l’obtenir sans avoir un travail, mais on ne pouvait pas trouver un travail sans avoir un permis de séjour. La solution était de trouver un employeur qui avait besoin de vous, et c’est lui-même qui s’occupait du permis - lié toujours au travail - perdre son travail, on perdait aussitôt son permis. Ainsi, j’étais un travailleur temporaire - le permis était toujours limité dans le temps. J’avais passé la plus grande partie de ma vie dans cette situation, en Allemagne, en Turquie, en Suisse, et en France, jusqu’à l’installation définitive en France, où j’ai finalement obtenu la nationalisation.

Cela explique peut-être, pourquoi je ne me suis jamais intéressé à la politique politicienne, pourquoi je n‘ai aucune compétence en la matière, et pourquoi je vous semble peut-être naïf.. Mais j’ai vécu longtemps en Suisse, et je vous assure que les Suisses ne sont pas xénophobes. L’explication de ce vote, s’il vous en faut une, est ailleurs.

Les Suisses allemands ont quelque chose en commun avec les Australiens : ils n’aiment pas leur patrie culturelle. Les Australiens n’aiment pas beaucoup les Anglais, et les Suisses n’aiment pas les Allemands. Culturellement, ils sont un même peuple, divisé, comme Winston Churchill disait à propos des Américains, par une langue commune. Les Anglais se moquent de l’accent australien, et les Australiens trouvent les Anglais suffisants et arrogants. Les Suisses détestent le bon accent allemand. Ils parlent la même langue, mais avec un très fort accent, et ont grande difficulté à parler « correctement ». Certains refusent carrément d’essayer. Je l’ai subi à mes dépens. Je parlais déjà le « bon » allemand et ils me prenaient pour un Allemand. Au début, leur froideur et réserve m’affolaient, jusqu’à ce que j’ai compris, et dès lors, je prenais toujours soin d’annoncer ma vraie nationalité. Quel changement immédiat d’accueil ! Chaleureux et aimable !

Le Suisse moyen est comme cela. Les gens cultivés sont plus ouverts. Les médecins suisses s’entendent bien avec leurs collèges allemands : ce sont les patients qui n’aiment pas entendre les Allemands, et ce sont le peuple, les paysans, les agriculteurs, les montagnards qui ont voté massivement pour une limitation d’immigration.

J’aurais pu rester en Suisse et obtenir la nationalité, mais je ne supportais pas la mentalité… mais c’est une autre histoire, comme aussi le fait d’être un Australien immigrant en Europe - normalement c’est l’inverse. Toujours est-il que je comprends le vote suisse, et, dans mon incompétence avouée, je l’approuve. Je veux bien l’Europe, mais pas celle du monstre Bruxelles.
 


Lire l'article complet, et les commentaires