Léonard de Vinci, peintre intermittent

par Taverne
lundi 6 mai 2013

Sacré Léonard ! Il a passé sa vie à s'amuser comme un enfant avec ses improbables ailes volantes et autres folles expériences et à s'amuser de nous en distillant le mystère : son écriture inversée à lire devant un miroir n'étant qu'un exemple. Et la peinture dans tout ça ? Il n'a peint qu'une vingtaine d'oeuvres. La peinture pour lui n'était qu'une activité annexe. Parmi ces oeuvres qui lui sont attribuées, certaines ont disparu, quelquefois par sa faute. D'autres ne nous sont parvenues que sous forme de copies réalisées par d'autres artistes.

On peut regretter qu'un génie tel que celui qui a réalisé la Joconde ait si souvent dédaigné le pinceau pour des expériences scientifiques sans lendemain ou d'autres occupations plus ou moins vaines. Les troubles politiques de son époque sont aussi bien sûr pour quelque chose dans son instabilité. Mais sa longue vie fut néanmoins sous-employée au service de l'art...

Pour couronner le tout, Léonard ne terminait pas la plupart de ses oeuvres. Ou encore, il les condamnait d'avance par l'emploi de matériaux accélérant leur détérioration. Ce fut le cas pour la Cène où il eut la mauvaise idée d'utiliser de la peinture à l'huile sur du plâtre sec. Son chef-d'oeuvre la Bataille d'Anghiari disparaîtra complètement.

Pour Léonard, les mathématiques et la géométrie, tout comme la musique "embrassent toutes les choses de l'univers". Son appétit de sciences, mais aussi de lettres anciennes, lui prend une grande part de son temps. Il applique la science de la géométrie à sa recherche de la divine proportion. Il dessine des polyèdres.

A Florence, Léonard choisit ses références idéales chez les peintres aux conceptions révolutionnaires : Giotto, Masacio. Il est très critique envers les paysages de son ami Botticelli. On sait qu'il ne partageait pas du tout, non plus, les conceptions de Michel-Ange sur le paysage.

Les oeuvres peintes dans l'atelier de Verrocchio : le Baptête du Christ, l'Adoration des Mages

Le Baptême du Christ

Dès 1510, la tradition attribue à Léonard l'ange de gauche vu de dos et qui détourne la tête. Selon la légende, le maître se sentant surpassé, n'aurait plus ensuite touché un pinceau. On remarque bien, en effet, de grande différences entre les têtes des deux anges.

L'Annonciation  : le sfumato (1467)

Il expérimente le sfumato (effet vaporeux donnant des contours imprécis). Il réutilisera cette technique dans ses oeuvres les plus connues : la Joconde, la Vierge aux rochers.

Léonard décrit les fleurs du pré avec une précision de botaniste. Réalisé par plusieurs artistes dont Leonard, dans l'atelier de Verrochio. D'où une conception peu homogène. Leonard a peint la tête de l'ange et probablement celle de la Vierge. Il est intervenu aussi pour les vêtements et les paysages (on voit un port dont les navires rappellent les dessins de Leonard). En revanche, l'architecture à droite n'est pas son style.

L'Adoration des Mages : le non finito

Adoration de Mages (voir ici en haute résolution) et Saint-Jérôme (voir ici en haute résolution)

En 1481, Léonard répond à une commande du monastère de San Donato et commence à peindre l'Adoration des Mages". Le tableau ne sera jamais terminé. Léonard quitte Florence pour Milan en 1482. Ludovic Sforza dit le More veut faire de sa cité l'"Athènes d'Italie". Léonard, qui aimait la musique, s'est rendu à Milan en compagnie d'un joueur de lyre apprécié : Atalante Migliorotti. Dans sa lettre en forme de "C.V" qu'il envoie à Ludovic, Léonard a surtout mis en avant ses qualités d'ingénieur militaire. Or, cette année-là, Milan est en guerre. 

Léonard peint la Bataille d'Anghiéri, une victoire remportée par Florence sur Milan en 1440 mais une oeuvre qui constitue une revanche sur Michel-Ange le Florentin auquel il se trouve opposé à l'occasion d'un concours.

Léonard était un spécialiste du non finito ou, pour le dire en langage moderne, il était dispersé et faisait dans la procrastination. Ceci nous rassure ; il était comme nous en somme...

A droite, le Saint Jérôme.

La Vierge aux rochers : le chiaroscuro (clair-obscur)

Il en existe deux versions. Dans la première version, l'ange désigne du doigt Jean Baptiste, coupant ainsi la relation mère-fils entre Marie et le Christ. Il invite par son regard le spectateur à regarder Jean. Première oeuvre connue de Leonard à Milan. Leonard institue une manière qui fera école en Lombardie. Projection de la scène dans l'ombre pour en faire ressortir les personnages. Cette oeuvre sera au coeur d'un litige qui opposera Leonard à ses commanditaires pendant 25 ans. Il sera finalement obligé de réaliser une seconde Vierge aux rochers (aujourd'hui à Londres). La main de la Vierge est supendue comme en lévitation. Symbolique mystérieuse de la grotte : matrice ? Grotte de la connaissance ? Le regard de l'ange se porte hors de la scène. La broche de la Vierge est au centre de la composition.

Sainte Anne, la Vierge et l'enfant Jésus : halos et agneaux...

C'est d'abord un carton où Jésus joue avec Jean-Baptiste. Puis celui-ci est remplacé par un agneau (référence à l'Agnus Dei). Couleurs chaudes pour les carnations, couleurs froides pour les paysages, la robe de la Vierge. Les trois personnages sont encadrés dans un triangle ou une pyramide. Il y a enchevêtrements : le bras de la Vierge pourrait aussi bien être celui de Sainte Anne. Pareil pour la jambe. Entrelacs des courbes, reproduits de façon miniaturée dans les boucles (cheveux de l'enfant, tresse, agneau). Les deux femmes semblent du même âge, comme une mère dédoublée.

Le paysage où est immergé le groupe pourrait être le dernier que peignit Leonard. La qualité du modelé du gravier qui s'étale au pied des personnages démontre toute l'audace artistique de Léonard, jouant à la fois sur l'artifice et sur la géologie naturelle.

Vasari raconte que François Ier aurait invité Leonard en France surtout par désir "qu'il colorie le carton de Sainte-Anne". Cette indication est utile pour la datation de l'oeuvre.

Léonard réalise des dessins d'enfants jouant avec un agneau, thème qui inspirera Raphaël dans ses différentes versions de la Sainte Famille.

Les madones de Léonard  : la conception in vitraux

Portraits

Le Musicien (vers 1485)

Après beaucoup de débats, il fut attribué à Léonard mais l'oeuvre, inachevée sauf pour le visage, reste mystérieuse. Qui représente-t-elle ? Pendant presque 300 ans, le tableau est passé pour le portrait du duc de Milan jusqu'à ce que la découverte d'une portée de notes sur le cartel révèle qu'il s'agit d'un musicien. Pour la première fois, le personnage est peint de trois-quarts. Jusque-là, les peintres faisaient seulement des profils, une tradition héritée des médailles romaines. Les puissants de Rome marquaient ainsi leur distance par rapport au peuple. Leur regard n'était jamais montré.

Ginevra de Binci

 On note ici une forte présence du genévrier, repris au verso du tableau.

La Belle Ferronnière

Modèle non identifié. De plus, une main inconnue a escamoté la mâchoire droite et a recouvert l'oreille gauche. Cette oeuvre est mentionnée dans le "Trésor des merveilles de Fontainebleau" de 1642 comme "portrait d'une dame de Mantoue". L'intensité du regard est signée Léonard, ainsi que le drapé, les jeux d'ombre et de lumière.

La Dame à l'hermine

Il s'agit de Cecilia Galleriani, la maîtresse du duc de Milan, Ludovic Sforza dit le More. L'hermine est une allusion au nom grec de la jeune femme ("galè" ou "galay" = hermine) et à la décoration de l'ordre de l'hermine du duc. Dans la poursuite d'un dessin à 360 degrés, Leonard montre ici la dame tournant en spirale dans le sens inverse de celui de l'hermine.

Saint Jean-Baptiste

Pour ce Jean-Baptiste au doigt levé, le modèle est Salaï, jeune homme qui partagea la vie de Léonard durant 30 ans et fut probablement son amant. Leonard l'emporta en France et le retoucha jusqu'à sa mort.

Bacchus.

"Saint-Jean Baptiste dans le désert" ou "Bacchus" est sans doute une oeuvre de l'atelier.

Etude pour portrait d'Isabelle d'Este et Jeune fille écheveleé - ébauche

Isabelle D'Este réclama maintes fois un portrait au maître qui, trop occupé, se contenta de toujours reporter le travail. Il ne fit que cette ébauche (image de gauche). Titien, lui, plus tard, peindra un magnifique portrait de la dame en la rajeunisant. Et la dame sera ainsi enfin comblée : en 1536 !

La Joconde au Cloux !

Léonard de Vinci part en France pour s'installer au manoir du Cloux (actuel château de Lucé). il a apporté avec lui trois tableaux : la Joconde, Saint Jean Baptiste, L'Enfant Jésus et Sainte-Anne.

Une vidéo des oeuvres de Léonard de Vinci :

 

 


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