Les 7 contradictions de Macron, et les alternatives politiques

par Lonesome Cowboy
mardi 25 juillet 2017

Emmanuel Macron serait pragmatique, volontaire, intelligent et fin stratège politique. Sa cote de popularité (65% au 10 juillet) démontre son talent de communicant. Mais l’examen de ses premières mesures révèle de profondes incohérences, voire de graves paradoxes. En voici une liste non exhaustive, avec justifications sourcées et propositions alternatives.

 

L’austérité budgétaire contre la réduction des déficits

En dépit des multiples exemples (Grèce, Portugal, Royaume-Uni...), Emmanuel Macron pense que la réduction de la dépense publique va permettre le recul des déficits. Le problème vient du fait que chaque euro enlevé des dépenses l’est aussi du PIB, avec des effets multiplicateurs négatifs. Si la colonne « dépense » du budget est réduite, la colonne « recette » le sera également, et la croissance risque de ralentir. Les 3% étant calculés comme un rapport déficit budgétaire sur PIB, Macron prend le risque d’augmenter le ratio en ralentissant la croissance. Le FMI lui-même a ainsi reconnu dans un rapport interne l'impact négatif de l'austérité sur la croissance et la réduction des déficits. Une thèse également défendue par de nombreux économistes, dont le prix Nobel Paul Krugman et notre Français Thomas Porchet.

Alternative : un plan de relance de l’activité, dans des domaines non délocalisables (transition énergétique, agriculture bio, infrastructures, défense, services à la personne) qui va créer des déficits supplémentaires en année 1 et des excédents en année n+1. Les USA et le Portugal ont ainsi réduit efficacement leurs déficits après avoir tourné le dos aux politiques d'austérité.

 

La réforme fiscale contre la croissance

En plus de couper dans les dépenses, Emmanuel Macron coupe dans les recettes en accordant des baisses d’impôts dont les bénéfices se reporteront sur les plus riches. 46% des cadeaux fiscaux toucheront les ménages des 10% les plus aisés tandis que 4.5 milliards (chiffre du gouvernement) à 10 milliards (étude indépendante) de baisses d’impôts sur le capital concernent uniquement les 0.1 % les plus riches.

Cette réforme va donc mécaniquement augmenter les inégalités. En théorie, elle devrait permettre de relancer l’investissement privé, et par effet de ruissellement, la croissance.

Cette notion est malheureusement fausse, comme le prouvent de nombreuses études économiques, y compris les rapports des deux organismes libéraux que sont le FMI et l’OCDE. Leurs économistes sont catégoriques : l’augmentation des inégalités a un impact négatif sur la croissance.

Alternative : effectuer une réforme de l’impôt, sur le modèle proposer par l’économiste Thomas Piketty, qui imposerait le capital au même taux que le travail et fusionnerait CSG et IR pour les rendre plus progressifs. Ceci permettrait de réduire l’impôt de 90% des Français, d’après les simulations réalisées pour la France Insoumise par l’économiste Liêm Hoang-Ngoc (Paris Sorbonne), en se basant sur les modèles de l’administration fiscale. Bien entendu, on peut préférer une politique d’imposition moins « socialiste », en répartissant l’effort de façon plus harmonieuse que les 90% perdant / 10% gagnant de Macron ou les 10% perdant / 90% gagnant de Mélenchon.

 

La réforme du code de travail contre l’avis des patrons et des économistes de l’OCDE

L’enquête de l’INSEE conduite auprès de 10 000 chefs d’entreprises de taille variées démontre que le Code du travail est le dernier des soucis des patrons. Ceux-ci évoquent le problème des carnets de commande comme premier frein à l’embauche, suivi de la formation des candidats et enfin le coût du travail.

Les derniers rapports de l’OCDE montrent qu’il est plus facile de licencier en France qu’en Allemagne, et que la corrélation flexibilité du marché du travail – emploi est fausse. Le seul pays ayant observé un recul du chômage suite à la flexibilisation du marché de l’emploi est l’Allemagne, mais dans un contexte particulier (investissement public pour soutenir l’activité, positionnement industriel sur le haut de gamme) et pour un résultat discutable (création d’une classe de douze millions de travailleurs vivant sous le seuil de pauvreté).

Le dernier argument avancé est le gain en crédibilité face à l’Allemagne pour ensuite obtenir des concessions de cette dernière. Mais l’Allemagne n’a pas bronché après l’application des réformes recommandées par la Commission européenne (CICE en 2014, loi Macron 1 en 2015, loi travail "El Khomri" en 2016). De plus, elle a déjà indiqué vouloir plus : un retour du déficit à 0.5% du PIB (soit 100 milliards d’économies budgétaires supplémentaires, ou cinq fois plus que la proposition du gouvernement actuel).

En clair, le patronat ne veut pas de la réforme (à part le Medef, syndicat minoritaire qui représente principalement les très grandes entreprises) tandis que les économistes libéraux de l’OCDE prouvent que la réforme a un impact nul sur l’emploi et temporairement négatif sur la croissance.

Alternative : réformer le RSI et réduire la charge bureaucratique qui pèse sur les entreprises, en particulier les TPE et PME. Investir dans un plan de relance d’activité et dans la formation et l’éducation des jeunes et des chômeurs (le plan d’austérité coupe dans la formation et l’enseignement supérieur, exactement l’inverse de ce que demande indirectement les patrons).

 

La lutte contre le réchauffement climatique et l’accélération de la mondialisation.

Emmanuel Macron a défendu le CETA, le JETA et le TAFTA au G20 (des accords de libre-échange visant à accroître le commerce mondial et à favoriser la production industrielle face à la production locale, en termes d’agriculture en particulier). Or la Commission européenne a elle-même reconnu que le CETA augmentera significativement les rejets de C02 de l’UE et du Canada (en plus de favoriser l’élevage intensif et l’exploitation des sables bitumineux).

La défense du libre échange est prioritaire face à la lutte contre le réchauffement climatique, comme le démontrent les conclusions du G7 et G20 et la réception de Donald Trump le 14 juillet.

Alternative : conditionner les accords de libre-échange à des normes environnementales, mettre en place une taxe carbone et renforcer la coopération scientifique.

 

L'État d’Urgence au service des terroristes

Les juges antiterroristes et Emmanuel Macron lui-même reconnaissent que l’État d’Urgence permanent ne permet pas de lutter efficacement contre le terrorisme. Pourtant le président veut le prolonger de manière définitive en inscrivant ses dispositions dans la loi, offrant ainsi une victoire morale aux terroristes. Ceux-ci sont parvenus à faire reculer les libertés et la démocratie, les valeurs qu’ils étaient venus combattre en commettant leurs horribles attaques.

Les attentats aux USA, en Russie, en Iran montrent que le recul des libertés ne permet pas d’augmenter la sécurité. Les pays comme l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et l’Angleterre n’ont pas modifié leur constitution pour faire face à la menace, seuls la France et les USA l’ont fait (dans les deux cas sans succès).

Alternative : plutôt que de céder à la panique comme des pleutres, renforcer les moyens humains et sortir de l’État d’Urgence permanent pour réserver cette arme aux situations exceptionnelles.

 

La lutte contre le terrorisme sans moyens financiers

La police et la sécurité intérieure voient leurs budgets amputés d’un demi-milliard d’euros, la justice perd 150 millions et l’aide au développement (qui contribue à réduire les flux migratoires) baisse de 141 millions d’euros.

Mais c’est l’armée, dont l’objectif principal est la lutte antiterroriste (opération sentinelle sur le territoire, opérations au Mali, Centrafrique, Niger, Irak et Syrie à l’étranger) qui subit la plus grosse coupe budgétaire : 850 millions. Les missions demeurent inchangées. En même temps, Macron promet d’augmenter ce même budget de 1,5 milliard dès 2019. La contradiction de cette décision a poussé le chef d’état-major, le général De Villiers, à démissionner.

Alternative : définir clairement les missions et objectifs de l’armée et ajuster les moyens en conséquence. Appliquer l’accord avec Berlin permettant de sortir les dépenses militaires exceptionnelles de la règle des 3%. Augmenter les moyens de la lutte contre la fraude fiscale (chaque fonctionnaire supplémentaire rapporte environ 1,2 million d’euros).

 

La paix en Palestine avec le langage de l’extrême droite israélienne

Devant Benyamin Netanyahu, Emmanuel Macron a été le premier dirigeant mondial à établir un lien d’équivalence entre l’antisémitisme (un délit punit par la loi en France) et l’antisionisme (une position politique partagée par la gauche israélienne qui consiste essentiellement à s’opposer à la colonisation et l’apartheid imposé aux Palestiniens).

Alternative : reconnaître officiellement l’état palestinien, comme la majorité des pays membres de l’ONU.

 

Bonus : La fin de la lutte contre la fraude fiscale en période d’austérité budgétaire

La mesure la plus symbolique d’Emmanuel Macron, pourtant inspecteur des finances, est de rétablir le verrou de Bercy. Ce système remis en cause par les réformes visant à augmenter les capacités de lutte contre la fraude fiscale (qui coûte 85 milliards d’euros par an au contribuable français, soit plus de 135 euros par moi à tous les Français) sera maintenu par Emmanuel Macron. Cette décision peu médiatisée intervient quelques jours avant l'annonce de la réduction des APL et de cadeaux fiscaux sans précédent pour les ultras riches.

Alternative : engager la lutte contre la fraude fiscale, en renforçant le pouvoir judiciaire et les moyens du pôle de contrôle financier. Les solutions sont largement connues et applicables.

 

Conclusion :

Les contradictions d'Emmanuel Macron, entre le discours et les actes, mais également entre les objectifs affichés et les résultats à prévoir ne peuvent s'expliquer qu'à l'aide d'hypothèses sociologiques. En premier lieu, l'appartenance au milieu des hauts fonctionnaires et des affaires entretient une certaine idéologie qui fait croire à Emmanuel Macron, comme aux cercles qui le conseillent, que leur politique économique constitue la seule voie crédible. Ensuite, la pression de ces milieux pousse le chef d'État, comme Trump en Amérique, a cédé face aux exigences des différents acteurs, fussent-ils aussi abstraits que les "marchés" ou aussi institutionnels que l'Allemagne et Bruxelles. À moins qu'il ne s'agisse que d'une politique de lutte des classes totalement assumée.

Face à cette attitude de soumission présidentielle, et puisque la réponse démocratique semble vouée à l'échec, la contestation reste la seule voie offerte au peuple pour faire entendre ces intérêts.

Compte tenu du niveau de violence et d'autoritarisme exercé par les forces de répression, soutenues par un véritable verrou médiatique, la lutte s'annonce difficile.

 


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