Les arguments de Dupond-Moretti à la télévision, défenseur du non repenti Balkany

par L’apostilleur
mardi 17 septembre 2019

 Invité spécial de l’émission C l’hebdo, Dupond-Moretti (DM) a répété la plaidoirie Balkany. Précédent sa parution théâtrale pour « A la barre », il nous a gratifié de quelques effets de manche dont la primeur avait déjà été servie au Tribunal. Chacun appréciera ces quelques extraits d’éloquence valant arguments de la défense.

On déplorera que les procureurs ne s’étalent pas eux aussi sur les plateaux de télévision, la conséquence serait probablement que les avocats de la défense s’effaceraient plus souvent, craignant l'étalage médiatique des turpitudes de leurs clients. 

Ainsi, après avoir indiqué sans s’étendre sur les causes que Balkany a détourné 11 millions des yeux du fisc pour une fraude de plus de 4 millions d’impôts, on rentre dans le vif du sujet. Avec un sens de l’à-propos douteux (pour quelqu’un qui ne paye pas ses impôts), DM « …regrette qu’on se soit payé Balkany ».

DM passe à la défensive et minimise « …on a connu bien pire » dit-il et rappelle les pratiques, les largesses, voir la compréhension de l’ancien monde qui acceptait mieux la fraude puisque les sanctions étaient moindres.

« Un ancien système défendu par de nouveaux juges » ajoute-t-il. On comprend que Balkany est jugé au mauvais moment. Un commentaire qui meuble la plaidoirie et n’apporte rien à l’affaire.

A propos de la mise en détention de son client, DM déclare « Ce qui me choque profondément c’est son mandat de dépôt… il a été jeté en détention ». Il est vrai qu’il aurait dû être placé en détention.

Et de justifier son émoi en rappelant que « Cahuzac a été condamné à de la prison ferme, et que la cour d’Appel a fait en sorte qu’il n’aille pas en prison ». Voit-il dans cette décision une jurisprudence dont bénéficiera son client ? « Il y avait une sorte de tolérance qui n’existe plus aujourd’hui » DM nous dit par là qu’il le regrette pour son client. Il argumente en rappelant qu’il y a quelques années, la fraude fiscale « ...était un sport national », cette banalisation diminuait le châtiment. Il regrette encore qu’aujourd’hui elle soit « …sur le podium de la gravité ». Le nouveau Parquet National Financier créé en 2013 qui traque les délinquants économiques et financiers, semble vouloir faire table rase de ses exaspérantes tolérances anciennes envers les fraudeurs qui, bien défendus par les Dupond-Moretti d’alors, traversaient les prétoires à moindre frais.

 

Autre thème ; « Balkany a 71 ans, c’est le fruit de son histoire » Il nous raconte ici qu’il a toujours vécu dans ce monde qui relativisait la gravité de ce genre de fraude. A croire que ces relations mangeaient du même pain. Est-ce pour autant un argument à décharge ? Les contemporains de Balkany apprécieront la remarque.

 

Dans un autre registre, l’avocat cherche encore la compréhension du public et évoque au profit de son client, une spécificité dans l’application du droit dans nos sociétés occidentales, « les circonstances atténuantes ».

Dans l’épisode qui suit, et au gré de ses besoins, DM critique une aménité d’inspiration chrétienne qui prévaut dans nos cours, la repentance, dont la manifestation est la reconnaissance de la faute qui peut conduire au pardon. Balkany peu enclin à cette pratique n’a pas voulu faire pénitence, au contraire.

Interrogé sur l’attitude arrogante de Balkany pendant son procès qui pourrait avoir indisposée les juges, DM l’admet possiblement et évoque leurs préférences ; « … les juges aiment les humiliés… les gens qui présentent des excuses … on est dans une forme de référence judéo-chrétienne (*) ».

Il ajoute « Balkany c’est pas du tout son genre… c’est quelqu’un qui ne veut pas mettre le genou à terre ». DM confirme ici l’arrogance et la condescendance de Balkany à l’endroit de ses juges qui représentent la France et les français. Ceux qui s’étonnent des nombreuses désapprobations publiques envers Balkany trouveront là matière à l’expliquer.

DM y voit aussi « …une certaine dignité  » d’autres percevront la posture du nanti d’un autre monde que les juges auront voulu attendrir en le jetant en détention, dans la perspective de la prolongation en Appel du jugement.

DM regrette que « les attendus ressemblent à des leçons de morales… ». Certes, l’humilité, la repentance, la réparation, sont autant de sentiments étrangers qu’on ne retrouve pas « dans l’histoire » ni dans les moeurs du mis en cause. « Vendez vos biens, renoncez à tout et suivez-moi » (Jésus Christ), une référence de la morale judéo-chrétienne inconnue de Balkany.

La différenciation entre la morale et la justice est le crédo choquant des avocats souvent en mal d’arguments. En l’occurrence DM doit concevoir que la moralité n’est pas une nécessité pour l’exercice du mandat d’un élu. Les levalloisiens lui donnent raison et d'aucuns se demandent bien pourquoi. Sauf à partager les mêmes travers peut-être ?

Plus loin DM revient sur l’histoire familiale de Balkany avec un père juif persécuté et demande une « …personnalisation de la peine … il n’y a pas un mot dans le jugement sur ces éléments-là… ». Pour nous amener à partager sa déception, il devrait préciser au bout de combien de générations la clémence qu’il réclame à ce titre s’éteindrait.

L’avocat navigue entre ces influences sur lesquelles se fondent la justice et construit sans vergogne des arguties au bénéfice du fraudeur. C’est le dur métier de défenseur d’un resquilleur prétendument intouchable. A aucun moment DM aura abordé les aspects techniques et financiers du dossier de son client pris la main dans le sac.

Dupond-Moretti, Balkany et la Cour nous diront si les vers perspicaces de La Fontaine dont chacun se souvient trop souvent, ont encore cours ;

« Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir »

 

(*) Cette référence judéo-chrétienne est mal venue et il est préférable en l’occurrence, que l’esprit de la loi du Talion (judéo-) qui ignore les circonstances atténuantes, ne s’applique pas à Balkany « … tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied... ». DM n’aurait alors plus sa place ici.

Cette expression d’un journaliste de l’après-guerre, serait née en considération des souffrances des juifs, dans le but de marquer un rapprochement nécessaire avec leurs pays d’origine. S’ensuivit une utilisation détournée reprise indument dans bien des expressions et utilisée encore ici par DM.

PS. L’Eglise judéo-chrétienne des origines à laquelle il n’est que rarement fait référence, a perduré jusqu’au milieu du IIe s. Elle était composée de chrétiens, des « fidèles circoncis et convertis au Christianisme, qui menaient une vie monastique ». Hormis cette Eglise, toute autre référence, (éducation, inspiration, culture...) judéo-chrétienne est un abus de langage. Les deux religions ont vécu parallèlement, soucieuses de conserver leurs différences et leurs cultures.


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