Les cadavres dans le placard de Charly (4) L’Afrique, et une tuerie entre barbouzes
par morice
jeudi 16 juillet 2015
Le SAC c'est Charly mais aussi Foccard, l'ineffable Mr Afrique de De Gaulle, qui fait la pluie et le beau temps sur une bonne partie du continent, aidant ses dictateurs préférés à rester en place en supprimant physiquement leurs opposants. Les tueurs du SAC sont à l'ouvrage... ou les mercenaires, tel Bob Dénard, autre poème à lui tout seul. Le SAC a aussi des troupes disparates, on l'a vu, mais aussi de véritables psychopathes, dont une poignée dans le Var va massacrer toute une famille pour des ragots, entraînés par un leader se prétendant ancien légionnaire alors qu'il avait été réformé pour pieds plats, ce que ces camarades d'infortune apprendront éberlués le jour de leur procès commun. Le SAC de Pasqua, c'est plutôt une Cour des Miracles qu'autre chose...
Le SAC est ses basses œuvres, et ce n'est pas ce qui manque, en effet, et Mr Charly est très affairé dans les années 70.. et même depuis avant, car il ne s'est pas occupé que des opposants français. Dans l'épisode précédent, on a vu le sort horrible réserve à un opposant africain, Félix Moumié, mort empoisonné à Genève. Treize ans plus tard, Foccard et le SAC, qui est aussi l'arme par destination de Foccard, se trouvent un autre objectif. Ou plutôt sont appelés à la rescousse par François Tombalbaye le dirigeant tchadien que soutient alors la France, comme on peut le voir ici sur le perron de l'Elysée :
L'homme visé s'appelle Outel Bono. Brillant élève en France (il a passé son doctorat de médecine à Toulouse), voici de retour en 1962 dans son pays natal, plein d'espoir. Il y crée aussitôt un journal d’opposition, L’Etudiant tchadien, qui lui vaut aussitôt une haine féroce du régime. Arrêté à plusieurs reprises, il rentre en France dix ans plus tard en 1972. Là, il décide d'y créer le MDRT (pour "Mouvement démocratique de rénovation tchadienne"), en opposition toujours à Tombalbaye qui au même moment est harcelé par le Frolinat, un mouvement marxiste soutenu par la Libye. Tombalbaye, excédé et craignant que des gens du Frolinat ne rejoignent le nouveau mouvement en gestation d'Outel Bono, demande à Foccart de lui débarrasser de l'activisme de Bono. Là encore, le SAC est impliqué.
Qui a assassiné Bono ? Très certainement la barbouze Claude Bocquel, un ancien CRS, tireur d'élite auquel Tombalbaye, a déjà fait appel pour des opérations en France comme l’enlèvement d’un des leaders du Frolinat. Bocquel avait la même arme personnelle que l'assassin et la même voiture que celle vue dans la rue le jour de l'assassinat. En somme, il n'a pris aucune protection pour éliminer le docteur Bono. Il devait donc se savoir sacrément protégé pour agir en toute impunité. Selon la presse de l'époque, c'est le mentor de Bocquel, resté au Tchad, Camille Gourvennec, proche de Tombalbaye qui avait décidé et téléguidé l'opération. "Par rapport à la question des droits de l’homme, on reproche aux armées africaines d’être impliquées dans des crimes de guerre. Il serait juste de rappeler que dès 1960, la fonction sécuritaire au niveau des Etats africains, a été confiée aux assistants français à charge pour eux de mettre au pas toutes les velléités de rébellion, n’oublions pas le contexte de revendication d’indépendance dans beaucoup de pays africains. Ce n’est pas un hasard si de nombreux leaders africains ont été liquidés par les réseaux Foccart à cette période grâce aux militaires et autres barbouzes français à la tête des différents services de police et de gendarmerie. En ce qui concerne le Tchad, le commandant Galopin et le colonel Camille Gourvennec ont joué ces tristes rôles, torturant et exécutant tous ceux qui dérangeaient le régime de Tombalbaye" écrit en 2010 "Zoom sur le Tchad"... dans son livre "Les tueurs de la République", Vincent Nouzille évoque un autre larron comme influence : Maurice Robert, le responsable de la Garde Nationale de Tombalbaye. L'homme du SDECE, qui deviendra ambassadeur, et qui organise alors et dicte les opérations "homo" : à savoir les exécutions sommaires : son homme de main s'appelle alors Bob Denard !
Des tueurs, des assassins, et des paranoïaques, voilà ce qui constitue les hommes au service de Charles Pasqua, celui qui décide de la vie ou de la mort d'autres personnes, avec Debizet. Une parano qui va provoquer un des pires massacres commis par le SAC... contre l'un de ces hommes, au départ. Cela commence par la découverte d'une tuerie, à Auriol , qui commence par un incendie : "Le 19 juillet 1981, à Auriol, un maçon remarque une épaisse fumée qui s'élève de la villa de Jacques Massié, inspecteur de police et militant RPR. Les gendarmes découvrent sur place de nombreuses traces de sang et constatent la disparition de six personnes : Jacques Massié, son épouse Marie-Dominique, leur fils Alexandre âgé de sept ans, ses beaux-parents Jules et Emmanuelle Jacquèmes, et son beau-frère Georges Ferrarini". Or Massié est aussi un dirigeant local du SAC, alors en conflit ouvert avec un collègue, Jean-Joseph Maria, surnommé « Kojak » à cause de son crâne rasé, et ave son ami et collègue Lionel Collard. "Jean-Joseph Maria suscite l'adhésion. A l'entendre, il a été colonel de paras et a sauté sur Kolwezi. En réalité, il a été simple soldat dans des bureaux à Nancy et n'est qu'un très ordinaire directeur d'une entreprise familiale de peinture, en mal de reconnaissance". Ces derniers, devenus complètement paranos, sont persuadés que leur collègue va les trahir et remettre des documents "à la gauche". Le SAC étant une organisation de tueurs et pas d'anges, ils ont décidé tous deux de s'en débarrasser... physiquement. L'équipe de tueurs réunie est fort surprenante, car elle contient un un instituteur Jean-Bruno Finochietti qui n'a jamais fait de mal à une mouche, un parachutiste à l'oreille coupée, Lionel Collard, et trois postiers syndicallistes de la CGT. Didier Campana, qui est aussi motard, Jean-François Massoni et Ange Poletti.
Mais Debizet n'en n'avait pas terminé et Pasqua non plus, qui crée le 7 décembre 1991 le mouvement intitulé "Solidarité et défense des libertés" pour "ceux qui refusent le socialisme et veulent agir" (dix ans avant c'est un de ceux qui l'avaient fait élire !). On y trouve Alain Juppé, Jacques Toubon, Yvon Bourges et Jacques Médecin pour le RPR, Alice Saunier Seité et Jacques Dominati pour l’UDF, mais aussi François Bachelot futur député du Front national, et Pierre Lagaillarde ancien député d’Alger... un partisan de l’Algérie française et de l'OAS. Et encore Gérard Ecorcheville, un ancien d’Ordre Nouveau et du Parti des Forces Nouvelles, venu avec son beau frère Alain Robert (le responsable de la Fédération des étudiants nationalistes avec Gérard Longuet et Alain Madelin.) C'est Alain Robert, rappelons-le, qui a créé avec François Brigneau, le Front national (FN) en 1972, Jean-Marie Le Pen en devenant le secrétaire. Robert, en 1974, avait fait un deal avec Giscard, en acceptant de faire voter ses militants qui collaient les affiches de Giscard... contre finance !
- Gilbert Chabillat, ancien responsable du SAC de 1970 à 1975 (date de son exclusion) et qui s’est reconverti depuis dans le devillièrisme.
- Humbert Giaconelli, un ancien policier membre du SAC,
- Henri Neurmond, un autre ancien policier, membre lui aussi du SAC,
- Me Henri Ruggieri, membre lui du RPR et du SAC.
On trouve aussi et surtout Gérard Kappé responsable du SAC marseillais de 1967 à 1969, connu pour avoir préparé à Marseille en mai 1968, "l’opération stade" consistant à l’arrestation et au regroupement de diverses personnalités et syndicalistes de gauche dans des stades de foot, préfigurant ainsi ceux du Chili de 1973 (voir l'épisode précédent). Viré du SAC en 1969, il créait une fédération sud-est du SAC , mouvement dissident du SAC national. A la même époque d’autres SAC dissidents se constitueront à l’instigation de Charles Pasqua qui venait d’en démissionner".
Un SAC proche de la droite extrême, avec les gens du GUD notamment, ce qui explique le positionnement du parti politique créé par Charly : "Deux partis vont largement accueillir les anciens fascistes, au RPR on trouvera le plus d’activistes d’extrême droite auprès de Charles Pasqua (Patrick Devedjan, Bruno Tellenne (alias Basile de Koch, le mari de Frigide Barjot et le frère de Karl Zéro), Jean Taoussan, Jean-Jacques Guillet...) ainsi qu’à l’UDF ; c’est au Parti républicain que l’on retrouve Alain Griotteray, Hubert Bassot, Alain Madelin, Gérard Longuet, Guy Tessier, Serge Didier, Hervé Novelli. Une fois ralliés à la droite, leurs ascensions seront diverses mais certains atteindront des postes-clefs." Telllene devenant au passage la "plume" des discours de Charles Pasqua..., son frère squattant CanalPlus pour finir par se ridiculiser lors de l'affaire de Toulouse, où on s'apercevra qu'il avait offert une voiture Espace à une des "témoins" de l'affaire, venue raconter n'importe quoi devant sa caméra (c'est ce qu'affirme Collard dans son ouvrage). Un journalisme de caniveau...
sources :
http://www.partiradicaldefrance.com/sac.htm
http://fresques.ina.fr/reperes-mediterraneens/fiche-media/Repmed00628/le-massacre-d-auriol.html
http://www.parismatch.com/Actu/Societe/La-tuerie-d-Auriol-Six-morts-pour-un-fichier-148447