Les chacals et les hyčnes

par Clark Kent
jeudi 21 janvier 2021

Tout le monde connaît la célèbre citation tirée du « Guépard » de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change. ». La suite du dialogue est moins connue, mais elle mérite le détour : « Tu vois Bendico, toi, tu es un peu comme les étoiles : d'un bonheur incompréhensible, incapable de produire l'angoisse. Nous fûmes les Guépards, les Lions. Ceux qui nous remplaceront seront les chacals et les hyènes... »

L’Amérique n’est pas la Sicile, et notre époque n’est pas celle du Risorgimento, mais la transition entre un ordre ancien et un nouvel ordre soulève toujours les mêmes types d’interrogations. Par exemple celle-ci : la politique étrangère américaine évoluera-t-elle avec le retour des « Démocrates » aux manettes ?

Ce que les « Démocrates » et la presse américaine détestaient chez Trump, c’était avant tout son style et ses manières, pas sa politique étrangère qui présentait une remarquable continuité vis-à-vis d’Israël par exemple, et le belliciste Biden a déjà planté le décor dans son discours d’investiture : « L'Amérique doit demeurer un phare pour le monde", un slogan qui pourrait passer pour un plagiat du fameux MAGA (make America great again).

Sur le site d’information Al Monitor, le nouveau secrétaire d'État Antony Blinken avait déjà tracé les grands axes en s’engageant à consulter Israël, les alliés du Golfe et le Congrès dans la recherche d'un accord "plus long et plus fort" pour « freiner les ambitions nucléaires de l'Iran ». Lors de son audition de confirmation au Sénat mardi, Blinken a déclaré que la nouvelle administration « s'engagerait dans le décollage, et pas seulement l'atterrissage » avec ses alliés et partenaires avant de prendre des mesures pour réactiver l'accord nucléaire rompu par Trump. En clair, cela signifie que la nouvelle équipe considère que le programme nucléaire de l’Iran a des finalités cachées de mise au point d’une arme nucléaire et que, dans ces conditions, le statu-quo actuel sera maintenu.

Il oublie seulement que ce sont les Etats-Unis qui ont rompu cet accord et que l’Iran a toujours respecté ses engagements.

Concernant l’Afghanistan, il est probable que Biden aide à maintenir au pouvoir le gouvernement pro-occidental de Kaboul, ce qui se traduira pas un renfort des troupes américaines sur place.

Sans doute pour bien montrer le retour des vieilles lunes, Biden a nommé Brett McGurk « conseiller de la politique de la Maison-Blanche au Moyen-Orient et coordinateur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au Conseil de sécurité nationale ». L’intéressé, fervent détracteur d’Erdogan, a opéré comme diplomate et conseiller auprès des présidents George W. Bush, Barack Obama et Donald Trump durant les deux premières années de son mandat, avant de quitter ses fonctions en signe de protestation lorsque Trump a ordonné le retrait des troupes de Syrie.

En ce qui concerne le Moyen-Orient, Blinken avait d’ailleurs déclaré au Sénat que Biden maintiendrait l'ambassade américaine en Israël à Jérusalem en réponse à la question claire d’un sénateur républicain du Texas (Ted Cruz) qui lui demandait : « Êtes-vous d'accord pour dire que Jérusalem est la capitale d'Israël et vous engagez-vous à ce que les États-Unis maintiennent notre ambassade à Jérusalem ? » « Oui et oui », a répondu Blinken en précisant : « La seule façon d'assurer l'avenir d'Israël en tant qu'État juif démocratique et de donner aux Palestiniens un État auquel ils ont droit est de passer par la soi-disant solution à deux États ».

Pour faire bonne mesure et rassurer totalement les Sénateurs, le même Blinken a annoncé le même jour que l'administration Biden n'entendait pas revenir sur la reconnaissance de Juan Guaido en tant que président du Venezuela. « Une politique dans la continuité de celle menée par l'administration Trump, pour qui le président autoproclamé Guaido est légitime, bien que Nicolas Maduro soit toujours à la tête du pays » (lien).

Par contre, les États-Unis renoueront probablement avec l'OMS et l'Accord de Paris sur le climat, ce qui en fait sera une continuité au carré par rétropédalage.

« Ceux qui nous remplaceront seront les chacals et les hyènes... »


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