Les chaos d’une vie

par Gabriel
jeudi 23 mars 2017

   Un rayon de lune traversait le carreau de la lucarne du toit et faisait reluire le parquet en chêne méticuleusement ciré de la veille. Dans son rai de lumière dansaient des atomes de poussière avant de venir s’échouer en fine pellicule sur les lattes de bois. Dans un coin sombre de la pièce, un berceau vide insupportable souvenir, lui rappelait que la vie, sans prévenir, vole l’amour en vous entaillant le cœur. Déjà une année que l’âme de l’enfant, d’après les dires du curé de service, était partie dans les bras du créateur. Foutaise ! Marc n’y croyait pas et le cas échéant, il pensait que si Dieu existe, il avait intérêt à avoir une bonne excuse. Marie sa femme, gavée aux antidépresseurs, travaillait sa démence dans un asile de province et lui, pleurait péniblement son encre sur les feuilles d’un livre qui ne verrait jamais le jour. La vie est une salope car elle vous a condamné à mort dés la naissance et un nouveau né, dés la première seconde, est déjà bien assez vieux pour mourir. C’est quoi ce délire, où est la logique ? Sur cette aberration, Les religions se gargarisent de réponses évasives, la médecine est sans voix et les politiques, passent plus de temps à collecter des fonds pour leur réélection que pour la recherche médicale. Ce qui lui est insupportable, c’est qu’avec la faucheuse pas de négociation ni d’échange possible, elle frappe au hasard de son calendrier, éphéméride inconnu des vivants.

   Dehors, une nuit brumeuse était tombée. Un homme immobile sous un lampadaire en attente du bus de 22h30, chapeau sur la tête et attaché case à la main, rappelait l’affiche du film l’exorciste. Marc se remit à taper frénétiquement sur les touches de son clavier, les mots se bousculaient dans son cerveau, il fallait les remettre dans l’ordre. Enervé, la syntaxe lui échappait, le classement grammatical et cette foutue conjugaison freinaient son flot d’idée, bloquaient sa colère créatrice. Ce monde part en vrille et tous les conseilleurs et moralistes se plantent à longueur de journée. Ils croient comprendre le présent et en prévoir l’avenir mais, ils ont oublié qu’ils ont maquillé l’histoire en leurs faveurs alors, comment pensent ils construire la maison sur de fausses fondations ? 

  Les purs déterministes présument quand analysant les cycles du passé et les résultats du présent ont peut définir l’avenir mais, c’est faire abstraction du principe d’incertitude de Heisenberg. Le rythme de l’humanité et ses grands bouleversements sont directement liés au nombre d’êtres humains qui la compose. Ce nombre exponentiel dans le temps va accélérer le rythme et les bouleversements de cette humanité. L’homme, les conséquences de sa prédation et de son productivisme sur son écosystème, le pillage de ses richesses, font qu’il court à sa perte et c’est là, son grand défi à relever dans l’urgence. Méfiez vous des idéalistes qui basent leurs analyses sur l’idée et non les résultats issus de l’idée, préférez leur les pragmatiques qui sans rejeter l’idée de prime abord, analyse les résultats et, si ceux-ci s’avèrent positifs alors, adoptent l’idée.

  Malheureusement, les grands salopards habillent de grands idéaux la défense de leurs intérêts privés en cachant leur cupidité derrière les bons sentiments. Détruire la famille, détruire l’éducation, détruire l’école pour que plus rien ne fasse obstacle aux marchés. Afin d’asservir les esprits pour contrôler les masses, ils ont essayé la religion, la politique, l’appauvrissement de l’enseignement, le maquillage de l’histoire, le consumérisme, les médias. Ils y sont pratiquement parvenus cependant, des esprits libres se battent et résistent grâce à leurs curiosités et leurs indépendances culturelles aux travers des livres et d’outils comme internet. Tous ceux qui luttent pour le peuple sont traités, par ceux qui l’utilisent et l’asservissent, de populiste. Depuis des années, nous subissons un discours politique qui ne va que dans le sens de la déligitimation de ceux pour qui le peuple est une cause à défendre au profit de la légitimation de ceux pour qui le peuple est un problème à résoudre. Les imbéciles n’ont pas compris que les seules choses qui croissent et qui progressent à mesure qu’on les partage, c’est l’amour et le savoir. L'évolution, c’est toujours avec les autres, ça transcende et inclut, incorpore et dépasse. La vie ne peut pas être réduite à la seule matière.

  Aujourd’hui, Marc écrit devant ce berceau vide en pensant à sa femme qui se détruit entre les quatre murs capitonnés d’une cellule. Dehors le bus de 22h30 est passé et le clone du père Merrin a rejoint son foyer où l’attendent, dans l’indifférence générale, femme et enfants hypnotisés devant leur écran de télé. Demain, les journaux et radios vomiront leurs litanies mondialistes au nom du sacro saint profit. Les bourses ouvriront et la spéculation hystérique des traders sous amphétamines viendra gonfler les comptes en banque des affameurs et des destructeurs de la planète fabriquant ainsi, de façon mécanique, plusieurs milliers de nouveaux pauvres. Les futurs prétendants à l’élection présidentielle promettront des lendemains qui chantent (pour eux, évidement) et des bandes de groupies idiots porteront leurs drapeaux. Marc est persuadé qu’ils feraient mieux de s’essuyer le fondement avec.

  La vie donne et reprend, c’est aussi simple que ça. Aucune philosophie là dedans, ni religion qui sait tout sur tout, rien qu’une soupe métaphysique, une scission et un mélange d’atomes, de quarks, d’esprits égarés cherchant la ligne d’arrivé. Un enfant qui trépasse, c’est des vies terrestres qu’on mutile, celle de la mère, celle du père. C’est l’amour qu’on couvre de goudron et de plume, c’est l’ironie méchante, le summum de l’injustice, c’est le mal en souffrance qui se transfuse dans vos veines. Marie s’est réfugiée dans sa folie, Marc dans la psychanalyse de l’écriture en décrivant ce monde à la dérive et les guerriers idiots qui le composent. Il n’a plus aucune illusion, l’homme n’aimera jamais l’homme, du moins dans cette vie alors, autant en finir au plus vite. L’entropie des singes qui désorganise cette humanité atteint son paroxysme et il serait intéressant de se poser la question : « Comment en sommes nous arrivé là ? ». Pourquoi vouloir seul alors qu’on pouvait ensemble ?

  Long est le chemin qui mène jusqu’à l’autre mais c’est pourtant le plus court chemin qui mène à soi-même. Ceux qui l’empruntent chevauchent un rayon de lumière qui court vers un rendez-vous avec l’éternité. N’oubliez pas, dés l'instant que le prêtre agite son goupillon et que la première pelletée de terre rebondie sur le couvercle, c'est un peu tard pour les regrets.

   Il est des cercueils beaucoup trop petits pour être enseveli…


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