Les classes populaires sont-elles faites pour l’université ? - critique (*) de l’illusion populiste - .

par Marcel MONIN
mercredi 20 novembre 2019

Les classes populaires sont-elles faites pour l’université ?

- critique (*) de l’illusion populiste - .

 

C’est la question qu’il faut oser (**) poser lorsqu’on découvre que des étudiants ratent leurs études parce qu’ils travaillent au lieu d’assister aux cours, que d’autres font la queue pour avoir des sacs de provisions gratuites, que des étudiantes se prostituent pour payer leurs études … Et voilà maintenant qu’un étudiant qui ne peut joindre les deux bouts se suicide !

Du coup quand les populistes veulent l’université pour tous, c’est à dire pour ceux qui ne peuvent pas se la payer, ils ont bonne mine !

Voilà où conduisent les thèses qui veulent bouleverser l’ordre naturel des choses, d’ailleurs constaté par Bourdieu et Passeron (1) : l’université reproduit les inégalités sociales sous une forme scolaire.

Qu’est-ce que voudraient les populistes ? Qu’au lieu de faire confiance aux enseignants et à leur savoir faire, il faudrait inscrire les futurs étudiants en leur demandant la feuille de paie de leurs parents ? Ca reviendrait certes à peu près au même, mais que n’entendrait-on !!!

Voudraient-ils aussi remettre en cause les décisions prises par les politiques, démocratiquement élus pour faire ce qu’ils veulent ?

Les politiques n’ont-ils pas adhéré à la philosophie de l’Homme ? L’Homme qui doit avoir la liberté de réussir sans en être empêché par une bureaucratie d’Etat qui se mettrait en tête de prendre par (les impôts) à ceux qui ont réussi, pour transférer cet argent à ceux qui n’ont précisément pas réussi.

Faut-il revenir aux conceptions d’après guerre (l’Etat régule, l’Etat anime) et conserver le concept anachronique du service public qui veut que certaines prestations soient fournies à tous (2) , y compris à ceux qui ne peuvent pas se les payer ? !!!

Faut-il ignorer que l’enseignement (comme la médecine) sont des services marchands au sens des traités européens - Maastricht-Mitterrand-Mélenchon (3) ; puis Lisbonne-Sarkozy- ?

Faut-il détruire tout ce qui a été fait par les gouvernants de « droite » comme de « gauche » (c’est dire le consensus !) , pour transformer intelligemment l’université de papa et l’adapter (pas à pas pour que tout le monde s’y habitue) à ce modèle (4) ?

Et puis … les emplois de direction de notre société ( politique, haute administration, industrie, commerce et industrie) sont pourvus par les grandes écoles publiques ou privées. Va-t-on laisser l’université produire des centaines de milliers d’enseignants, de traducteurs, de psychologues ou de sociologues et donner ainsi des diplômes (5) à des jeunes qui ne trouveront pas d’emploi ou que les patrons licencieront s’ils leur coûtent trop cher ?!!

C’est bien la raison pour laquelle il faut contrôler les flux d’accès à l’université.

Certes, la tentative de le faire (maladroite parce que non préparée) par quelques doyens visionnaires (6) pour la rentrée 1968-1969 a été gelée en raison des troubles du printemps 1968 qu’elle a suscitée.

Mais depuis, le contrôle de l’accès, a été (avant même « l’immigration choisie ») intelligemment mis en place (pas à pas comme il a été déjà dit) : accueil limité aux capacité d’accueil avec décision rectorale d’affectation, puis tirage au sort, puis « parcoursup » …

Enfin, va-t-on priver les banques de pouvoir prêter aux étudiants alors même qu’elle prêtent à l’Etat (lequel a l’interdiction de demander des avances à sa banque centrale - grâce à la loi sur la Banque de France Pompidou-Giscard de 1974, et les traités européens de Mitterrand et de tous ses successeurs- ) ?

Si des étudiants, après avoir emprunté, ne finissent pas leurs études et sortent de l’université plus pauvres qu’ils n’y sont entrés, c’est un autre problème. Qui n’a rien à voir avec le coût des études : quand on s’engage, on doit rembourser.

Dernière question en guise de conclusion :

Dès lors que la République est en marche vers la société qu’il faut, reste-t-il une place au rétropédalage ?

La réponse, comme la question, va elle aussi de soi.

 

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités.

 

(*) argumentaire surtout …. provocateur. On trouvera sur Agoravox des développements d’une autre teneur : «  universités : faire des études quand on est obligé de gagner son pain ? »

(**) « oser » (poser la question) : car on ne peut être certain du degré ( 1er… 2ème… ?) de compréhension des futurs lecteurs de cet article, ni, par voie de conséquence de la nature et du contenu de leurs réactions.

(1) v. entre autres «  les héritiers » , « la reproduction » ( ouvrages parus aux Editions de Minuit)

(2) sauf les services de police, au moins dans leur activité de maintien de l’ordre, spécialement lorsque ce dernier est troublé précisément par ceux qui remettent en cause la philosophie de l’Homme et voudraient que de l’argent leur tombe du Ciel, tantôt sur leur feuille de paye, tantôt dans les hôpitaux ou dans l’enseignement

(3) J.L. Mélenchon (à qui l’on ne peut quand même pas reprocher de n’avoir pas été en phase avec ceux, politiques ou électeurs, avec lesquels il a fait carrière) avait trouvé d’excellents arguments pour faire voter ce traité –v. ses déclarations sur you tube-)

(4) universitaires « externalisant » de plus en plus certaines activités (jusqu’à la rédaction des PV des conseils d’administration dans une université de l’Ouest parisien) ; universités - devenues propriétaires de leurs locaux, - ayant la gestion de leur masse salariale, - rendues de plus en plus libres (en commençant par des diplômes spécifiques) - de fixer les droits d’inscription à la hausse, etc…

(5) surtout que s’agissant des diplômes, les universitaires ont contribué largement à la multiplication des diplômes délivrés par les établissements privés. Soit que les établissements privés profitent des faiblesses de la qualité de l’enseignement ou de celle de l’encadrement offerts par les universitaires pour proposer à leur clientèle des formations et des diplômes plus « rentables ». Soit qu’ils délivrent indirectement des diplômes publics avec le système des jurys rectoraux ou celui de la convention avec une université lorsqu’ils trouvent des universitaires sympathiques, et ouverts. S’agissant de conventions, on a même vu une université de la région parisienne, délivrer un master 2 (diplôme d’Etat français de haut niveau) aux personnes figurant sur une simple liste de noms que lui présentait les dirigeants d’un établissement privé de l’Afrique de l’Ouest. 

(6) v. les noms dans la thèse : « la loi d'orientation de 1968 et l’université française »


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