Les dernières atteintes à la laïcité

par Danièle Dugelay
vendredi 7 décembre 2007

Les religions ont actuellement deux objectifs :
- être plus visibles et évangéliser : le pape, notamment, adresse ses recommandations aux catholiques, relayées par les évêques, les paroisses et les associations caritatives ;
- participer à la vie sociale, publique et politique, donc en France sortir de la sphère privée. Elles s’activent dans ce sens aux niveaux européen, national et local, en unissant leurs forces.

AU VATICAN :

Le pape dispose d’un pouvoir à la fois spirituel et temporel et en use abondamment. En plus des orientations qu’il cherche à donner aux politiques, voici la dernière de ses décisions : la création d’un "groupe de pression" international sur les questions concernant les droits de l’homme, dans lesquels il inclut la protection de la vie et de la famille.

AU NIVEAU DE L’UNION EUROPEENNE :

Les représentants des religions et les différentes institutions de l’UE se réunissent régulièrement. A ce niveau, les Eglises chrétiennes sont très organisées :

- pour les catholiques, au sein de la COMECE dont le secrétariat se trouve à Bruxelles. Elle rencontre régulièrement la Commission et organise des séminaires avec les représentants de chaque Etat lorsqu’ils ont la charge de la présidence de la Commission ; des rencontres au sommet ont lieu avec les présidents du Parlement, du Conseil et de la Commission. Elle est invitée à participer aux travaux concernant l’avenir de la société européenne et elle a pris l’initiative d’organiser des tribunes publiques sur l’intégration des musulmans ;

- les autres religions chrétiennes ont mis en place la CEC (ou KEK) dès 1950. Celle-ci se donne pour tâche, entre autres, de faire du monitoring auprès des institutions politiques et organisations internationales au moyen de contacts réguliers.

Le traité de Lisbonne :

En dehors de l’affirmation des racines religieuses, culturelles, etc., l’article le plus intéressant dans ce domaine porte le numéro 15. A son propos, la COMECE dit "qu’il ne se contente pas d’ancrer un dialogue formel, mais reconnaît la contribution spécifique des Eglises et garantit le fait que l’Union respecte et ne compromette pas le statut des Eglises en vertu de la législation nationale". Un eurodéputé du PPE-DE a présenté le 22/11 ce traité en insistant sur la création du Haut Représentant pour la politique extérieure de l’UE qui se trouverait chargé de défendre le respect de la liberté religieuse à travers le monde et la prise en compte de la dimension religieuse dans les questions internationales.

EN FRANCE :

Le chef d’Etat ne cache pas ses opinions favorables aux religions, voire à certaines sectes. Il a nommé ministre de la Ville Christine Boutin, "consulteur" auprès du Conseil pontifical, opposée au PACS et à l’IVG. Elle s’est entourée de catholiques affirmés dont un curé et Mme Dechefdebien condamnée pour participation à un commando anti-IVG. Le ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui a participé à l’élaboration de la constitution de la République islamique des Commores, a déclaré : "... les religions ont plus que jamais à éclairer la société, qu’elle soit civile ou politique". Nos deux Chambres disposent à proximité d’une église et, chaque année, une messe rassemble les parlementaires et hommes ou femmes politiques qui souhaitent entendre les directives du Vatican. De plus, le gouvernement Jospin a mis en place une structure de rencontres régulières entre le Premier ministre et les représentants des religions.

Actuellement, les atteintes à la laïcité, plus ou moins graves, sont nombreuses :

- présence du chef de l’Etat et de presque tous les ministres aux obsèques du cardinal Lustiger ;


- choix des Petits Chanteurs à la Croix de Bois pour accompagner le défilé du 14 juillet ;

- en septembre, Nicolas Sarkozy déclare que la paix dans le monde passe par le respect des religions et des "croyances" ;

- Le 1/10, il va à la Mosquée de Paris pour la rupture du jeûne du Ramadan, après François Fillon le 18/9 et Michèle Alliot-Marie le 10 octobre ;

- présence de MAM à l’inauguration de la Maison de la conférence de l’Eglise de France à Paris, avenue de Breteuil ;

- Nicolas Sarkozy a invité le président du CRIF à l’accompagner lors de son voyage aux Etats-Unis et ils ont rencontré ensemble les représentants de communautés juives américaines ;

- Nicolas Sarkozy a déclaré devant témoins qu’il avait l’intention de nommer des représentants des religions au Conseil économique et social ;

- le 24/10, les représentants des religions ont été entendus au Sénat par la Commission chargée par Nicolas Sarkozy d’élaborer le Livre Blanc de la défense et de la sécurité ; celui-ci servira à définir notre politique de défense pour les quinze ans à venir ;

- en novembre, les évêques de France ont décidé de créer une grande école de sciences politiques, destinée à former des élites catholiques, capables de devenir hauts fonctionnaires, hommes et femmes politiques, parlementaires, ministres, etc. ;

- le 22/11 : remise symbolique des clés de la future Grande Mosquée de Marseille par Jean-Claude Gaudin (bail revu à la baisse suite à la décision du Tribunal Administratif) ;

- le 23/11 : Michèle Alliot-Marie et le Maire de Paris sont allés à Rome pour assister à l’élévation de l’archevêque de Paris au grade de cardinal ;

- le 24/11 : inauguration de la place Jean-Paul II à Evry par Emmanuel Vals, très fier d’être maire d’une "capitale religieuse", et l’évêque d’Evry, avec la présence du préfet ;

- le 27/11, refus en 1re lecture de la proposition de loi abrogeant l’article 89 qui oblige les communes à payer les frais de scolarité des enfants fréquentant des écoles privées hors commune. Cela se fait pour les écoles publiques sous 3 conditions précises, mais sans conditions pour le privé ;

- le 28/11, le Consistoire central saisit la Halde pour demander que les dates d’examen tiennent compte des impératifs religieux juifs.

Pour l’avenir proche : Nicolas Sarkozy ira au Vatican le 20/12 et profitera de cette visite pour prendre le titre de chanoine de Latran attribué en principe à tous les chefs d’Etat français, et également pour remettre une lettre d’invitation officielle de la France au pape pour le voyage qu’il a prévu à Lourdes en 2008.

Le président de la République a déclaré un jour qu’il ne fallait pas toucher à la loi de 1905, que c’était un "monument". Il semble que, pour lui, ce soit un monument historique à reléguer dans un musée et qu’on peut oublier de respecter. Un professeur de droit a déclaré en novembre : "Les nouvelles relations entre les religions et l’Etat, c’est acquis ; c’est un fait de droit."


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