Les derniers Dieux sont morts

par Jacques-Robert SIMON
samedi 29 novembre 2014

Dieu est mort ! Il s'agissait du Dieu de la bible. Les puissants s'étaient emparés de lui pour mettre sous tutelle les Hommes. Des "dieux" libérateurs apparurent alors : la République, le Communisme, le Socialisme ... et beaucoup d'autres. Le capitalisme les a à leur tour tués pour ne plus laisser que la domination comme règle de société.

LES DERNIERS DIEUX SONT MORTS

Jacques-Robert SIMON

 

 Des dieux ont de tout temps coexistés avec les humains. Les Romains croient en un certain nombre de puissances divines : Jupiter, Zeus, Mars … La religion romaine est une religion basée sur des rituels organisée par l'État romain. Elle est centrée sur la préservation de la paix des dieux qui garantit le bon fonctionnement de la société et des institutions ainsi qu’elle garantit le succès lors des guerres. Il n’y a aucun caractère mystique. Les dieux ont donc un rôle presque purement utilitaire permettant une soumission aux institutions et un renforcement de la cohésion « tribale » pour vaincre les adversaires.

 L'idée du Dieu unique, à la fois créateur, miséricordieux et tout-puissant, s'est faite au terme d'une lente évolution dans le cas du monothéisme juif, qui était au contact de cultures polythéistes. Le christianisme est pour les chrétiens la conclusion du judaïsme, car ils reconnaissent le messie dans la personne de Jésus de Nazareth. Venait alors presque deux millénaires pendant lesquelles les vertus chrétiennes (Foi, Espérance, Charité) devaient guider les « croyants ». Il faut insister sur l’un des aspects, la Charité : l'amour de Dieu et de son prochain. Les relations interhumaines ne devaient donc plus s’inscrire dans un rapport de force ou dans un processus de domination : « Vous avez à aimer votre prochain comme vous vous aimez déjà vous-même ». Les instances de pouvoir comprirent très vite (en fait dès Constantin qui plaça le Dieu chrétien au-dessus de lui) tout le parti que l’on pouvait tirer d’une divinité insaisissable. La bonne application dans la vie de tous les jours des vertus devait être vérifiée par une « autorité » : les puissants et leurs proches s’en chargèrent. Les soumis acceptaient tant bien que mal leur condition car en échange de leur soumission ils pouvaient avoir accès à la vie éternelle.

 Les gens finirent par comprendre que le « marché » était (peut-être) un leurre. L'histoire de la république en France commence dès 1792, avec l'abolition de la monarchie à l'issue de la Révolution Française. Aux vertus théologales succédèrent des valeurs : la liberté et l'égalité dès 1789, auxquelles s’ajouta la fraternité par la suite. Le libellé des principes étaient bien différents mais des notions transcendantales (« J'appelle transcendantale toute connaissance qui ne porte point en général sur les objets mais sur notre manière de les connaître … »).

 La fin du règne du Dieu créé deux millénaires auparavant fut alors officiellement proclamé : « Dieu est mort ! … Et c'est nous qui l'avons tué ! … Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? ».

 A partir de ce constat, de multiples routes furent proposées pour atteindre les idéaux affichés : la République, le Communisme, le Socialisme, la Démocratie, le Libéralisme (du moins celui qui affirme la liberté comme principe politique suprême) … Les visions différent considérablement si l’on s’en tient à l’exprimé. Cependant toutes les voies ont en commun de tenter de se débarrasser des instincts de domination pour se plier à un code moral respectueux de tous. Il s’agit de substituts de dieux qui devaient prendre la place de Dieu.

 Des tentatives louables furent tentées pour rendre vivant ces ersatz, la plus probante fut la Démocratie. Celle-ci tient compte de la volonté populaire grâce à des élections. L’attente des gens vis à vis des élus, et en particulier vis à vis des principaux d’entre eux, était tellement immense que les vainqueurs des élections étaient (presque) considérés comme des dieux. Cependant, leur proximité avec les Hommes du commun était trop grande pour que ceux-ci ne s’aperçoivent pas rapidement de leurs manquements voire de leurs tares ou leurs vices. De plus, les élus devaient être élus, c’est à dire convaincre (ou complaire) à une majorité d’électeurs. Leurs dires et leurs actions devaient tellement tenir compte de cet aspect, qu’une démocratie du spectacle peu à peu envahit le paysage politique.

 Les règlements et les lois (faites par le peuple) devaient remplacer les tables de la loi (écrites par une divinité), la loi se substituer à la morale. Ce remplacement s’effectua tout d’abord de façon satisfaisante : les lois permirent de concrétiser l’intérêt collectif qui s’imposait aux désirs individuels. Mais peu à peu, les lois découlèrent des rapports de forces ou d’influence et l’ « on » tenta de légiférer en sommant les égoïsmes individuels. Cette opération est cependant rigoureusement impossible : une molécule ne se comporte absolument pas comme un gaz. La « concurrence libre et non faussée » lorsqu’elle est érigée en dogme devient synonyme de loi de la jungle.

 Le capitalisme a tué les derniers dieux, ceux que les Hommes avaient eux-mêmes construits : la domination a pris le pas sur la fraternité, l’amitié, le vivre ensemble … et l’amour.


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