Les droits de l’homme, tonneau des Danaïdes

par Henri Diacono
vendredi 9 mai 2008

Les droits de l’homme ? Des cris et des écrits, des défilés et des calicots, des pétitions, des positions, fermes de préférence, des paniers fourre-tout dans lesquels on jette n’importe quoi, une fureur de vengeance, des exutoires de la rancœur saupoudrée de racisme, des règlements de comptes, des insultes et des combats menés les yeux bandés, des contrevérités pour ne pas dire des mensonges, des croisades inutiles, souvent grotesques, et des appels rageurs, donc inconscients, à la colère ou au « coup de poing » !

C’est fou ce que la France (pays où ne sont pas nés les droits de l’homme) comme d’autres nations qui n’ont de démocratique (terme tellement galvaudé à l’heure de la mondialisation) que l’apparence, aiment à discourir, papoter et ferrailler sur le sujet… avant de s’en aller, repues et soulagées, dormir sur leurs deux oreilles. D’autant plus paisiblement que se croyant revêtues de pureté, leurs vociférations sont toujours destinées à d’autres qu’elles, surtout lorsque celles-ci ne leur ressemblent en rien.

Je ne connais pas dans leur intégralité les droits de l’homme tout comme j’ignore quelques-uns des Dix Commandements du Buisson Ardent, mais je sais aujourd’hui, au crépuscule d’une longue vie et à croire ce qu’on m’en a dit ou ce que j’ai vécu, qu’ils sont destinés, en gros, à combattre la servilité individuelle tout en sublimant la dignité humaine.

Alors là bonjour le Tonneau des Danaïdes.

A tous ceux qui, hier comme aujourd’hui, quelquefois prisonniers de manipulations, ont déblatéré, pêle-mêle et sans aucun discernement, sur la Russie de Poutine, la Chine en encensant le Tibet, la Birmanie, Cuba, l’Iran, l’Arabie saoudite, le Tchad, la Colombie, la Libye, la Tunisie, le Maroc et d’autres encore, je leur dis volontiers qu’ils ont la mémoire courte et le regard oblique.

Ont-ils mis au pilori ceux qui ont laissé se perpétrer les massacres du Rwanda ? Il s’agissait, paraît-il, de soldats français. Ont-ils crié et manifesté pour dénoncer le Guantanamo de Bush, ou bien les cadavres palestiniens et, moins nombreux, ceux des Israéliens ? Ont-ils gueulé contre les exactions ethniques des Balkans, d’Irak et d’Afrique ? Et le Darfour, et les élucubrations coupables de l’Arche de Zoé ? Je vais même plus loin, au risque de me faire couvrir de remarques acides ou d’insultes : la Shoah.

Oui la Shoah ! Cette monstrueuse élimination « industrielle » de près d’une dizaine de millions d’innocents, tziganes et autres que juifs compris, dont la planète entière portera à jamais l’empreinte et à laquelle on pourrait ajouter les plaies laissées par les bombes atomiques « made in US » d’Hiroshima et Nagasaki. Je me suis souvent posé sur ce sujet dantesque, une question qui n’a cessé de me faire souffrir. Comment, au cours de cette maléfique Seconde Guerre mondiale, les armées dites de la liberté et pourquoi pas des « droits de l’homme », ont-elles fermé les yeux sur cette infamie qu’elles ne pouvaient ignorer ? Essayez de me soulager car, en effet, je ne peux admettre que les Anglais, Français, Américains, Russes et leur formidable armada, avec notamment leurs fameux services de renseignements, aient laissé faire.

Je ne connais pas le dessous des cartes de l’époque, mais je sais que les camps de concentration « en exercice » ont échappé aux bombardements aériens et qu’aucun train de la mort n’a été saboté par les soldats de l’ombre.

La réponse m’effraie, car elle suppose une complicité démoniaque.

A tous ceux qui croient dans le respect des droits de l’homme et combattent par la parole, ou même les armes, les hommes de pouvoir qui bafouent ces droits, je dis qu’en cas de victoire justifiée, ils auront à combattre de nouveau. Car, face à eux, ils auront dans la plupart des cas, des dirigeants, quelquefois venus de leurs propres rangs, qui oublieront la dignité humaine la plus élémentaire. Uniquement par soif du pouvoir, démocratique ou pas. L’homme est ainsi fait. Le plus vil des prédateurs que la Terre ait enfanté lorsque le destin ou sa propre volonté ont mis entre ses mains la puissance des armes ou des votes.

Interrogez-vous. Croyez-vous vraiment que la démocratie que vous voulez, par vos manifestations, imposer partout (une démarche utopique car la nature a horreur de l’unicellulaire) soit sans taches vis-à-vis des droits de l’homme ? De nos jours, celle-ci inocule dans chacun de nos pores la religion unique de l’argent, travestie, pour la majorité d’entre nous, des oripeaux du confort ou du divertissement. La Banque et tous ses dérivés, vils spéculateurs inclus, sont devenus nos garde-chiourmes. Chez nous, dans le moindre patelin, elle règne à travers des « chapelles » plus nombreuses que les églises, synagogues, mosquées et stades réunis.

Croyez-vous que les droits humains sont respectés lorsque des millions de caméras vous surveillent dans les mégalopoles où vous vous êtes entassés comme des fourmis stressées ? Croyez-vous être en démocratie alors que nous sommes depuis des lustres dirigés par la même caste qui accumule sans cesse les privilèges ? Un coup à droite, un coup à gauche. Confrérie de copains-copains dénués de toute imagination qui s’engueulent en public, dans des palais, et bouffent ou voyagent ensemble, à nos frais, aussitôt après ? Sommes-nous en accord avec les droits de l’homme, lorsque nos femmes - ou presque toutes - ont été conduites à grossir la masse de la « main-d’œuvre à bas prix » ? Lorsque les vrais philosophes ont disparu et que tous les livres qu’on nous jette au visage ne nous font plus ni réfléchir, ni rêver ?

Le croyez-vous vraiment ? Moi pas.

 


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