Les druides attendaient-ils un messie ?

par Emile Mourey
lundi 13 juillet 2009

Mon article du 11 juillet « Le Dieu des druides et des Gaulois » avait pour but de montrer et de démontrer qu’au Ier siècle avant J.C., la Gaule n’en était pas restée à un panthéon de tradition mais qu’elle avait commencé à développer sous l’influence du judaïsme et de la pensée grecque une réflexion philosophique sur l’existence d’un Dieu qui guide l’humanité.

Suite logique de ce raisonnement philosophique devenue croyance, il devient dès lors rationnel d’imaginer que ces druides et Gaulois se soient mis à espérer un sauveur qui viendrait du ciel, envoyé de Dieu pour les délivrer du mal. Il n’y a là que du très normal ; je dirais même tout ce qu’il y a de plus ordinaire. A Rome, après le dieu César, Octave se fera adorer comme l’Auguste du ciel, ouvrant la voie au culte impérial de la naissance et de l’ascension divine, tandis qu’en Palestine, les écrits bibliques et esséniens bruissaient d’espérances messianiques.

 
Chef de la cavalerie éduenne, Dumnorix était-il un messie attendu ?
 
Sur sa médaille en argent de l’ancienne collection Hucher, Dumnorix est représenté, la chevelure flamboyante marquée au sceau des quatre roues du petit charriot de Dieu, le charriot de David. Au revers, on le voit en entier, apparemment vêtu de cottes de mailles ou d’une légère cuirasse. Il porte casque à paragnathides et épaulières rembourrées. Son bâton de commandement est accroché à sa ceinture. Passant le bras par dessus la constellation du lion qui s’apprête à féconder celle de la Vierge, il tient fermement de la main droite le sanglier qui se trouve dans la Grande Ourse, symbole du courage militaire. De la main gauche, il tient une tête coupée, sa propre tête/âme, pour bien montrer qu’il a fait le sacrifice de sa vie. En arrière-plan, le carnyx gaulois, voix du chef et voix de Dieu, a la même signification que le tambour qui bat la charge. 
 
Le voici au pied de Bibracte, dans une fresque latérale du temple/église de Gourdon. Apparemment vêtu d’une légère cuirasse, portant en bandoulière le carquois d’Apollon et au dos les ailes de l’ange, il descend du ciel dans la constellation probable d’Hercule, entre celle du lion et celle de la femme courbée (probablement la constellation du bouvier). Sur la banderole, ces mots prophétiques : Ave Maria, je te salue Marie.
 
Sur la paroi en vis-à vis, face à Dumnorix, messie guerrier, lion de la guerre, Cleo-pas, lion de la paix (leo pascis), autre nom probable du druide Divitiac, son frère. Auréolé de la croix celte, portant barbe juive, il offre à Dieu les prépuces de deux catéchumènes. Au-dessus de sa tête : IHS, In Hoc Signo, par ce signe. Nous avons là les deux messies annoncés par les textes esséniens : le messie sacerdotal et le messie royal, futur oint d’Israël. Or, si Dumnorix était considéré par ses partisans comme le messie guerrier, futur roi, on comprend comment César a pu être dupe des fausses accusations de Divitiac contre son frère qui, selon lui, aurait prétendu au pouvoir absolu.
 
Installés sur la hauteur de Gourdon, au pied de Bibracte, Gaulois judaïsés et Juifs exilés attendaient un nouveau David.
 
 C’était écrit dans les Livres qu’un messie devait venir. C’était écrit qu’un messie devait venir dans la lignée de David. David fut le roi chéri des derniers prophètes. Pour le Juif exilé, c’était le petit qui avait vaincu Goliath. On aimait sa jeunesse, son humanité, sa simplicité, son enthousiasme quand il dansait devant l’arche d’alliance. On l’aimait quand il jouait de la harpe pour calmer les accès d’épouvante de Saül. Le voici représenté sur son tombeau, en train de jouer de son instrument favori. A gauche, l’homme salue... tandis qu’à droite, la femme attend paisiblement son retour. Et c’est Marie, la nouvelle Bibracte dont le ventre coupé repose sur le tombeau qui va enfanter le nouveau sauveur du monde. Ce tombeau se trouve toujours dans l’église de Gourdon, toujours fermé, à gauche en entrant.

 Au registre supérieur, au-dessus de la tenture peinte, au-delà de l’horizon visible, la mule du roi a gravi la pente qui conduit à Bethléem. Sur la crête, Jérusalem se devine. La mule porte sur le dos une simple couverture en guise de selle, mais il n’y a pas de cavalier. On se rappelle qu’Absalon a perdu la royauté lorsque, restant accroché par les cheveux à un arbre, sa mule l’avait abandonné. David, lui aussi, avait sa mule, signe d’humilité dans la grandeur. Lorsque la vieillesse arriva, il convoqua les prêtres et les prophètes et leur dit en résumé ceci : « Vous ferez monter mon fils, Salomon, sur ma propre mule. Vous descendrez à Guihôn, et là, vous le sacrerez roi sur Israël. » Dans la fresque de Gourdon, la mule monte à Bethléem pour y chercher celui que les prophètes ont annoncé, le nouveau roi des Juifs. Dans la fresque du bas, David sort du tombeau. Confirmation de mon interprétation, la lyre de David figure sur certaines monnaies gauloises de Dumnorix.
 
Sur une fresque voisine, on voit la baleine de Jonas, émouvante évocation du long voyage maritime des Juifs exilés jusqu’à leur débarquement sur les rives verdoyantes de la Saône ; ou plutôt, jusqu’à ce que la baleine les ait miraculeusement recrachés.
 
Il va naitre, le divin enfant.
 
Nous sommes toujours au Ier siècle avant J.C.. Par un simple geste, Joseph dit : Voici la Vierge, Bibracte, nouvelle Marie, qui est dans l’attente de l’enfantement. Elle va accoucher du Sauveur. Par son geste, Marie ajoute : Voici, dans mon ventre, le nouveau Sauveur qui va naitre de moi. Au-dessus, plane la tête/esprit de l’enfant sauveur qui va venir. Son corps n’a été qu’ébauché par le fresquiste. N’étant qu’une espérance, il n’est pas encore peint.

Au Ier siècle avant J.C., avant l’arrivée de César en Gaule, la situation était la suivante.
 
La Gaule est en pleine effervescence druido-judaïque dans l’espérance de la venue d’un sauveur messianique (ma thèse). En pays éduen, c’est le duo Divitiac/Dumnorix en lequel s’incarne l’espérance essénienne de la diaspora juive. Les fresques de Gourdon illustrent cette espérance. Elles seront à la fois l’archive iconographique et la prophétie qui verra son accomplissement dans les évangiles.
 
Contrairement à l’avis des numismates, la lyre qui apparait à cette époque dans les monnaies gauloises n’est pas celle d’Hermès mais celle du roi David. Elle apparait, en particulier, sur une monnaie arverne, ce qui montre bien qu’après la génération Divitiac/Dumnorix, cette espérance ne s’est pas éteinte. Ce qui montre aussi que Vercingétorix et le pays arverne étaient à la tête de cette révolution, en alliance avec Litavic et le pays éduen. Cette lyre est en quelque sorte le drapeau de la révolution druido-judaïque qui a secoué la Gaule. C’est dans cette situation révolutionnaire ou pré-révolutionnaire que César va intervenir comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
 
Tout juste avant son arrivée en Gaule, le peuple frère helvète s’avançait en procession (ma thèse) pour rejoindre le pays éduen. Vierge promise à Dumnorix et futur mère, espoir d’un enfant qui va naitre, la fille d’Orgétorix ouvrait la marche, probablement portée sous un dais de parade. Espoir avorté par l’intervention de César, par la mort de Dumnorix suivie de la disparition inexpliquée de Divitiac.
 
Question : après la mort de Dumnorix, de Divitiac, de Litavic et de Vercingétorix, après la défaite d’Alésia, cette espérance messianique gauloise a-t-elle sombré et disparu ?
 
Apparemment non ! Elle s’est prolongée grâce à des volontaires qui ont repris le nom de Cleopas comme on relève un drapeau tombé à terre mais leurs partisans n’ont pas réussi à en élever un sur la croix. C’est le Jésus de la communauté restée en Palestine que les évangiles ont glorifié. Seule, sera invitée au pied de la croix par l’évangile de Jean, la Marie (de Bibracte), femme ou mère de Clopas. Et cela, après que Jésus ait essayé de lui ouvrir les yeux (à Cleopas) dans l’évangile de Luc, probablement sans succès durable.
 
Epiphane, évêque de Salamine à Chypre, déclare entre 375 et 377 que Jacob, père de Joseph et de Cleopas, était surnommé Panthera (Adv. hæreses 787/P.G. 42, 708 D) et certains vieux textes juifs précisent même que ce Panthera faisait des miracles (cf.[->http://assoc.pagespro-orange.fr/cer...]). Ce Cléopas serait donc bien une espérance de messie, et même un concurrent à Jésus de Nazareth. Cela n’aurait rien d’étonnant. Flavius Josèphe évoque plusieurs fois les foules qui se laissaient entrainer derrière de prétendus prophètes et l’évangile de Mathieu n’a pas manqué de mettre en garde les fidèles contre les faux messies (Mt 24, 24).

De l’origine des Eduens, peuple gaulois implanté jadis en Bourgogne.

Cela étant dit, il nous faut maintenant tenter de retrouver le fil logique de l’Histoire. Nous rapprochons étymologiquement les mots "Eduens" et "Iduméens", peuple de Palestine. Nous les faisons dériver tous deux du même mot "Edom" (Edom est le fils d’Esaü, Gn 36, 43). Nous en déduisons que les Eduens sont des Iduméens du sud de la Palestine venus s’installer en colonie à Gourdon quelques siècles avant J.-C. Ces Eduens ont conservé des liens avec leur pays d’origine, notamment des liens de culture dans la tradition de la descendance d’Esaü, fils d’Isaac, frère de Jacob. Ceci explique que les fresques de Gourdon réalisées par ces Eduens/Iduméens, ou par leurs descendants, soient judaïques car l’on sait que ces fils d’Esaü ont été reconvertis par les Juifs de Jérusalem - lignée de Jacob/Israël - à la nouvelle doctrine.

La proximité de l’Egypte et de l’Idumée nous amène à prendre en considération l’importante et dynamique communauté juive d’Alexandrie. Cleopas - mot dérivé de Cléopâtre - pourrait donc être une espérance de messie née dans cette communauté et reprise par les Eduens/Iduméens de Gourdon.

Cela nous amène également à nous interroger sur Hérode et sur son père iduméen Antipater. Etonnant cet Hérode le Grand, maitre de Nazareth, qui, au début de son règne, est présenté, lui aussi, comme un messie par ses disciples hérodiens. Etonnant, le fait que deux Hérode de sa descendance aient choisi de venir se retirer en Gaule, dont un à Lyon sous protection éduenne. Etonnante, cette amitié entre Antipater et César, comme si ce dernier avait puisé dans ce peuple iduméen/éduen des combattants pour conquérir et la Gaule et le pays des Juifs (cf. Flavius Josèphe).
 
Et cela nous amène aussi à préciser notre hypothèse gauloise. Il s’agirait d’un espoir en un messie homme qui aurait précédé et ouvert la voie à l’apparition du "Père". Dans cette hypothèse, Divitiac, Dumnorix, Antipater (celui qui vient avant le père) et autres Cleopas dont les noms figurent sur des tombes, auraient été des espoirs de messies qui n’ont pas réussi à convaincre le Père de descendre de son ciel. Et cela correspond tout à fait à ce que fait dire Thomas à son Jésus dans ses 116 logia : Quand vous verrez celui qui n’a pas été enfanté de la femme, prosternez-vous et adorez-le, car celui-là est votre Père. Ce que ce Thomas espérait n’était pas qu’un Christ vienne sur terre, mais le"Père" qui est dans le ciel.
 
Voila ce que j’avais à dire, voilà ce qui est désormais écrit. Maintenant, je peux passer l’arme à gauche.
 
E. Mourey, extraits de mes ouvrages.

 

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