Les élèves n’ont pas la moyenne ? Le prof est viré !

par Nguyen
mardi 21 septembre 2010

 Je suis professeur certifié en Mathématiques depuis 5 ans et j’ai été suspendu par le Vice-recteur six semaines seulement après mon arrivée en Nouvelle Calédonie. Pourtant je n’ai agressé personne ni manqué de respect à qui que ce soit. Ma seule faute est de ne pas plaire au président des parents d’élèves qui a déclaré en pleine réunion, devant le Principal et mes collègues, que "ma tête ne lui revenait pas". Deux jours plus tard, j’ai eu droit à une inspection-sanction en règle où l’inspectrice a été jusqu’à me reprocher, dans son rapport, les notes trop faibles de mes élèves "à mi-trimestre" qui démontrent, selon elle, mon incapacité à enseigner, à défaut de vraies preuves. D’ailleurs, afin d’augmenter la moyenne de la classe, la seule solution, d’après elle, est que le professeur se remette en cause plutôt que de juger les élèves. "La séance est mal organisée : La première partie de la séance consacrée aux commentaires (pour la plupart désagréables pour les élèves) sur le contrôle dure environ 15 minutes [...] elle stigmatise les difficultés éprouvées par la classe. Sur cette base, et face aux notes obtenues par la totalité des élèves, on ne peut que s’étonner de ce que M. Boulet ne fasse pas plutôt sa propre critique en reconnaissant que cette évaluation est inadaptée au niveau de la classe, ou que son enseignement n’a pas permis à la majorité d’entre eux d’accéder aux apprentissages visés." Comme chacun peut l’imaginer, j’étais effectivement mal à l’aise en présentant ces résultats catastrophiques, surtout à l’inspection, mais de là à leur présenter mes excuses !

 Le Principal qui aurait dû, normalement, prendre ma défense, s’est contenté de passer sous silence les outrages que j’ai subis et de me demander, dans une lettre, de "solliciter mon déplacement" alors que j’avais à peine emménagé. De façon particulièrement subjective, il n’hésite pas à écrire que "les élèves ne se sentent plus en confiance avec vous" ou encore que "certains rentrent en pleurs à la maison". Alors que les enfants, sans être agressifs, ne manquent pas une occasion pour se distraire en bavardant d’une table à l’autre ou en faisant de la batterie pendant un contrôle. Il en profite aussi pour me rendre responsable du manque de "motivation de l’élève" et même, de signaler que "certains disent avoir perdus le goût d’apprendre les mathématiques". A croire que je possède un véritable pouvoir de persuasion destructrice, efficace en quelques semaines, et que tout cela n’a rien à voir avec le fait que les enfants n’ont aucun effort à fournir pour passer d’une classe à l’autre, depuis des années.


 Au bout de quatre mois (sans aucun conseil de discipline) et après m’avoir menacé de ne plus me payer si je ne partais pas de moi-même, le Vice-recteur a convoqué, en urgence, une Commission Administrative Paritaire pour me muter d’office, 10 jours avant mon retour à mon poste. Ce qui aurait été désastreux pour son image. Lors de cette séance, les élus du SNES ont "indiqué qu’il est délicat de se baser sur des propos sans preuve" pour justifier la nécessité du service. Le Vice-recteur a reconnu "que la décision de suspension par mesure conservatoire de M. Boulet a été prise pour prévenir toute éventualité de trouble à l’ordre public suite au refus des élèves d’assister aux cours de mathématiques (un comble et archi-faux) dispensés par M. Boulet et aux menaces des parents de bloquer le collège si AUCUNE SOLUTION N’EST APPORTÉE PAR LE VICE-RECTORAT AU CAS DE M. BOULET. Il ajoute que l’administration a souhaité rester maître de la situation et agir avant toute pression de la part des parents d’élèves, qui semblaient déterminés à aller très loin dans cette affaire". Il fallait donc absolument trouver n’importe quel prétexte pour me dégager. Ce qui a été fait. Tous les représentants enseignants ont voté contre ma mutation mais cela n’a rien changé puisqu’ils n’étaient que 13 face à 19 agents administratifs. J’ai donc été muté dans l’intérêt du service officiellement en raison de "la dégradation des relations avec mon supérieur hiérarchique et certains parents" comme on peut le lire sur le site lepost.fr (http://www.lepost.fr/article/2010/08/27/2197193_que-faire-pour-remonter-les-moyennes-des-eleves-reponse-virer-le-prof.html). Mais qui ne pourrait pas être accusé ainsi, surtout après six semaines ?

 L’administration ne me laissant que 4 jours pour déménager ma famille à plus de 200Km à la nage, j’ai préféré abandonner ma fonction. Je cherche actuellement à retrouver un poste d’ingénieur car j’ai la chance d’être diplômé de l’École Centrale de Nantes et j’ai déjà travaillé trois ans à Toulouse dans l’aérospatial.

 Conclusion : tout le monde doit savoir qu’un professeur peut être aisément suspendu, si un parent n’est pas satisfait, puis muté pour préserver la bonne ambiance générale. C’est peut-être le plus beau métier du monde mais on nous le fait bien payer.

 Stéphane Nguyen Boulet

 


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