Les Emirats Arabes Unis, maîtres marionnettistes du Golfe ?

par Laurent
lundi 25 septembre 2017

Choisir ses alliés. Le conseil fait sens et pourrait s’appliquer en l’occurrence à la France. Alors que Paris s’apprête à ouvrir le Louvre Abu Dhabi en fanfare, il serait temps pour nos gouvernants d’ouvrir les yeux sur le rôle toxique des Emirats dans le Golfe.

Trois mois après le début d’une crise sans précédents dans le Golfe, aucune issue diplomatique ne semble voir le jour entre le Qatar et la coalition menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (EAU).

Et pour cause, un article de Bloomberg révèle que les deux pays auraient envisagé, dans les premiers jours, un scénario militaire à une résolution pacifique. C’était sans compter l’aide providentielle du président américain Donald Trump qui aurait décidé d’appeler les dirigeants de chacun des deux pays pour temporiser leur ambition belliqueuse. Quand on voit le discours que ce dernier a tenu à l’Assemblée générale des Nations Unies, on ne peut qu’être agréablement surpris par tant de modération d’un homme pareil !

 

L’anecdote - qui n’en est pas une en réalité - révèle avant tout un aspect de cette crise du Golfe encore trop peu explorée par les médias : le rôle nocif joué par les Emiratis, ne cherchant qu’à envenimer la crise entre le Qatar et le quartet. Rappelons-nous que le prétexte d’origine de la crise réside dans des fausses déclarations de l'Émir du Qatar à propos des Frères musulmans et de l’Iran après un piratage de l’agence de presse qatarie. Mais la célérité avec laquelle les chaînes saoudiennes et émiratis ont diffusé les supposés propos de l'Émir, démentis pourtant par Doha, révélaient déjà un complot magnifiquement orchestré contre le Qatar.

 

Maîtres marionnettistes

Ces manœuvres dans l’ombre des palais du Golfe ont été tirées au clair suite aux révélations d’officiers du renseignement américain sur le rôle d’Abu Dhabi dans le Washington Post. La cyberattaque de l’agence de presse officielle qatarie serait l’œuvre des Emiratis. L’enquête américaine cherche toujours à savoir si les Emiratis ont effectué le piratage eux-mêmes ou l’auraient sous-traité aux Russes.

Si les princes émiratis ne rechignent pas à toutes les extravagances pour attirer les projecteurs du monde entier sur Dubaï, il préfère les eaux troubles et marécageuses pour mener leurs desseins de politiques étrangères. L’ancienne conseillère à la sécurité nationale Susan Rice révélait il y a peu la rencontre secrète entre l’équipe Trump et le prince héritier d’Abu Dhabi, Mohamed Ben Zayed dit « MBZ », en décembre 2016 : une rencontre confidentielle et tenue secrète, menée dans le dos de Barack Obama, toujours président à l’époque. Sans compter que les Emirats Arabes Unis étaient également à l’origine de la rencontre entre Erick prince, ancien président de BlackWater et actuel conseiller militaire des EAU, et un Russe proche du président Poutine en janvier 2017.

 

Les récents mails « leakés » d’officiels émiratis illustrent bien la duplicité et la volonté de jouer sur tous les tableaux d’Abu Dhabi. Notamment vis-à-vis d’un pays supposé être leur allié, l’Arabie saoudite, MBZ et l’ambassadeur émirati aux Etats-Unis, Yousef Otaiba, étaient très favorables à l’ascension du jeune prince Salman. Les messages révèlent qu’ils n’avaient qu’une envie : se débarrasser des caciques de la famille royale saoudienne qu’ils considéraient comme « complètement cinglés ». C’est pourquoi ils l’ont accompagné et soutenu dans ses visites à Washington pour se faire connaître et accepter par le milieu politico-stratégique américain. Abu Dhabi mise beaucoup sur Mohamed Ben Salman : allant, peut-être, jusqu’à en faire une marionnette au service de leurs ambitions ?

 

Intrigues de palais et diplomatie de la canonnière

La région du Golfe ressemble de plus en plus à l’Italie des royaumes de la Renaissance, avec ses retournements d’alliances et ses intrigues de cour. MBZ ne restera pas comme un artisan de l’unification du Golfe, mais comme un hommage vibrant à la diplomatie de la canonnière vu le goût pour l’armement du prince héritier. Au Pentagone, cette politique sécuritaire et militariste a valu aux Emirats Arabes Unis le surnom de « petite Sparte ». Sans compter les manœuvres de son ambassadeur haut en couleur à Washington, qui n’hésite pas à arroser en millions de dollars les think-tanks américains ou juifs orthodoxes pour faire valoir les vues de l’émirat sur les affaires du Moyen-Orient comme l’ont révélé les différentes enquêtes de The Intercept, le quotidien fondé par le journaliste Glenn Greenwald. L’esprit de Machiavel et les mœurs d’un Borgia, Yousef Otaiba est la combinaison dans un seul corps de la politique étrangère émiratie avec les excès et la décadence de Dubaï.

 

Alors que le Louvre Abu Dhabi ouvre ses portes prochainement, la France devrait s’interroger sur sa proximité avec les Emirats Arabes Unis. L’Europe qui a subi par le passé les dégâts de la diplomatie secrète, de la course aux armements, du nationalisme haineux connait bien trop les risques pour le Golfe si les Emirats Arabes Unis continuent ainsi leur politique.


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