Les entreprises, l’intime et l’idéologie

par Rémy Mahoudeaux
mardi 17 mai 2022

Une entreprise, c’est conçu pour gagner de l’argent en exploitant un ou des couples (produit ; marché). C’est du moins ce qui était enseigné dans mon école de commerce quand j’y faisais jadis mes études aux temps de ma jeunesse folle. Certes, il était possible d’avoir des digressions : le but d’une entreprise est de rester vivante et la stratégie propose les moyens pour y arriver en gérant la maturité des couples (produit ; marché). Ou alors des formulations différentes : l’entreprise est une exposition composite à un ensemble de risques pour gagner de l’argent sur un ou des couples (produit ; marché). Mais à la base, il y a le produit et le marché, ce dernier étant l’arbitre. Gagner de l’argent, ça se fait en vendant sur le marché des produits ayant coûté moins cher que le prix de vente. Mais pour y parvenir, l’entreprise va aller chercher sur des marchés (capitaux, emploi, bien et services, etc. …) ce dont elle a besoin et qu’elle paiera. Bien gérée, elle fera en général attention aux coûts qu’elle engage : sont-ils excessifs ? Sont-ils pertinents ? C’est déjà bien compliqué de parvenir à être pérenne et performant sur un couple (produit ; marché).

Des menaces pèsent sur l’arrêt historique Roe vs. Wade de la Cour Suprême des États-Unis d’Amérique sur l’avortement. Petit aparté : l’éventuelle annulation de cette disposition rendra à chaque état de la fédération sa liberté législative en la matière, sans préjuger de ce qui en sera fait. Certaines entreprises enfourchent le canasson de l’idéologie. Ainsi, Starbucks[1] vient d’annoncer qu’il remboursera les frais de déplacement de ses employés souhaitant avorter et en quête d’une législation plus permissive que celle de leur domicile à l’avenir. Pour faire bonne mesure, ces mêmes frais de déplacement seront aussi remboursés à ceux qui dans le cadre d’une transition de genre, auront recours à un « tourisme législatif ». La chaîne de distribution urbaine de cafés imbuvables[2] rejoint Amazon, Apple, Citigroup, Microsoft, Levy Strauss & Co., Salesforce et Tesla[3]. D’autres suivront sans doute.

Il y a aussi aux États-Unis ces entreprises (Apple et Facebook devenu Meta) qui proposent à leurs jeunes talents féminins de prendre en charge la ponction et la congélation de leurs ovocytes et donc de les aider à « tricher » contre l’horloge biologique, leur permettant ainsi un début de carrière plus fulgurant. Heureusement, le législateur français a ici rejeté cette possibilité. Et puis il y a la mode des entreprises qui signent des chartes d’inclusivité LGBT-YUIOP+, y compris en France avec la charte de l’Autre Cercle où se retrouvent entre autres de grands noms du CAC 40[4].

Et si le devoir d’une entreprise était de témoigner de respect vis à vis de ses employés ? Ils ne le sont (ou ne devraient l’être) que durant leurs heures de travail ! Certes, la grossesse d’une employée ne passe pas inaperçue et induit des contraintes. Comme les aléas nombreux de la vie infantile. Ou la maladie, l’accident, le décès, les erreurs qu’ils commettent, ou leurs bonnes idées et l’énergie qu’ils consacrent à leur travail. Mais respecter l’intime, ça devrait tomber sous le sens ! Serait-ce un coin dans la fente pour que s’y engouffre plus de contrôle social ?

L’idéologie communautaire woke inclusive s’impose y compris là où elle n’a rien à faire. Il se chuchote qu’au moment de sa signature de la charte de l’Autre Cercle, le PDG de BNP-Paribas aurait eu sa boite de courrier électronique inondée de messages indignés d’actionnaires lui rappelant que l’objet de son mandat, c’était plus le bénéfice par action et le cours de l’action en bourse que le bien-être de la communauté LGBT dans sa banque. C’est sain, les réactions d’un système immunitaire, même si ça n’empêche pas les épidémies.

Mais sans doute suis-je dans l’erreur. Le prochain couple (produit ; marché) que je vais manquer, c’est celui d’une agence de notation du niveau de wokitude de ces entreprises qui cèdent à la mode, à la pression de l’air du temps, au désir de paraître. Il y aurait sans doute plus d’argent à y faire qu’une rébarbative agence de notation des entreprises qui s’occuperaient exclusivement de leurs fesses, et pas de celles de leurs employés. Tant pis !

 

Cliché hhach libre de droits via Pixabay

 

 

[1] https://www.cnbc.com/2022/05/16/starbucks-to-cover-employees-travel-expenses-for-abortions-gender-affirming-surgeries.html

[2]   Il me serait impossible de la boycotter, n’ayant pas franchi son seuil depuis des décennies. 

[3] https://www.axios.com/2022/05/05/abortion-travel-benefit-uber-apple-amazon-lyft

[4] https://www.autrecercle.org/sites/default/files/Federation/CHARTES/_listes_signataires/liste_signataires_202112.pdf


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