Les errements idéologiques des gauches françaises

par Lavande & Coquelicots
lundi 12 février 2007

La gauche française est diverse. A l’approche des présidentielles, on observe néanmoins deux grandes tendances. D’une part, les partis ouvertement trotskistes et antilibéraux, catégorie dans laquelle on retrouve la LCR, LO, et dans laquelle s’inscrit la candidature de José Bové, ainsi que le PCF ; D’autre part, les socialistes et apparentés : PS, PRG, MRC.

Le Parti communiste occupe parmi les antilibéraux une place particulière, en ce sens qu’il a participé à plusieurs gouvernements depuis 1981. Néanmoins, il est aussi le seul de ces partis dits de gouvernement à avoir envisagé une fusion dans une candidature unique antilibérale. Mais en dépit d’un noyautage intensif des 800 collectifs concernés, Marie-George Buffet n’a pu s’imposer comme la candidate de ce rassemblement (le PCF refusant de s’engager sur sa non-participation à une nouvelle gauche plurielle, ce qu’exigeaient les autres antilibéraux). Pour survivre, le PCF a donc pris la décision de saboter purement et simplement cette initiative commune, dont il s’est retiré.

Si la dénonciation des excès de la mondialisation constitue une base pertinente de réflexion pour cette tendance, la grille d’analyse qui en est proposée s’avère particulièrement caricaturale, traduisant ce que l’opinion commune s’accorde à considérer comme une méconnaissance du fonctionnement de l’économie, de la société, et même de l’Homme. L’opposition rudimentaire entre riches et pauvres, le recours à la notion de lutte des classes, la dénonciation en soi de l’argent capitalisé, la requalification systématique du terme "différence" en "inégalité" et le culte de l’égalitarisme, le refus de la notion de "risque", sont les principales caractéristiques de cette catégorie.

L’autre tendance de la gauche française est la tendance socialiste. Tandis que la droite française, mise à mal et complexée par la collaboration durant la Seconde Guerre mondiale, a été forcée de repenser son positionnement et héritage intellectuel, la gauche socialiste continue à se croire parée de toutes les vertus, refusant d’assumer une mutation idéologique que l’échec économique de Mitterrand aurait dû entraîner. Cette gauche dite caviar est prise entre deux feux : d’un côté, elle manie un langage volontiers révolutionnaire, manichéen, marxiste et antilibéral pour rallier ce qu’elle appelle "le peuple de gauche" ; d’un autre, elle se contente au gouvernement d’un réformisme light, arc-boutée sur le dogme statutaire, tout en accélérant la libéralisation des grands monopoles publics français, mais réduite aussi à un malthusianisme économique et social autour du mythe de la diminution perpétuelle du temps de travail.

A l’occasion du débat interne du parti socialiste sur le référendum européen sur le TCE, le vieux clivage entre Guesde et Jaurès resurgit. Mais, comme en 2002 avec l’échec de Jospin au premier tour des présidentielles, les caciques du PS s’avèrent une fois encore incapables de repenser leur positionnement autrement que par des références qu’ils prétendent accaparer sans plus les comprendre. Lorsque Sarkozy cite Jaurès pour rappeler à quel point la politique prônée par le PS est défavorable aux couches populaires, les socialistes s’offusquent, au lieu d’en tirer des leçons. Ségolène Royal, qui donnait jusqu’à hier l’impression d’incarner un certain renouveau du PS, tente de reprendre pied avec un discours de Paris qui renoue avec Mitterrand, et tourne le dos à Mendès-France. La posture préférée au pragmatisme de conviction. Autant dire que Tony Blair est loin.

Fondamentalement, la sensation de faire partie de ceux qui souffrent le plus de la mondialisation explique le positionnement des électeurs de gauche. Mais l’archaïsme des partis censés les représenter sonne le glas de leur crédibilité passée : dans une société riche, et en contrepartie exigeante, la durabilité et le renouvellement des emplois passent par des efforts en matière d’innovation technique et de formation continue. Or, ce n’est pas en travaillant moins que les conditions de vie des plus démunis s’améliorera, mais en rendant nos systèmes plus efficaces : une meilleure éducation, orientation, formation, réinsertion. Et le refus de l’assistanat : même lorsque des conditions externes sont en partie responsables d’une situation difficile, la lucidité exige de reconnaître que ceux qui s’en sortent sont ceux qui se prennent aussi eux-mêmes en charge. Il faut apprendre à aider sans enfermer dans la dépendance, là est la vraie solidarité.

Sur ce sujet, il est plus facile de soulager sa bonne conscience que d’être efficace.


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