Les estimations du nombre de combattants et de djihadistes étrangers de Daech
par Gérard Dahan
jeudi 26 novembre 2015
Devant les chiffres contradictoires paraissant dans la presse et souvent basées sur des définitions différentes non précisées, j'ai tenté de faire le point entre le nombre total de combattants de Daech et les estimations de djihadistes étrangers et français ayant rejoint leurs rangs.
1. Le nombre total de combattants :
Le nombre total de combattants de Daech est très fluctuant selon les estimations, allant de 20 000 combattants pour les fourchettes basses à près de 200 000 pour les estimations les plus élevées.
Par ailleurs, les estimations datent souvent de l'année 2014 alors que tout le monde s'accorde pour reconnaitre une explosion des recrutements durant l'année 2015.
En Juin 2014, soit il y a à peine 1 an et demi, la presse française évoquait un chiffre compris entre 11 000 et 18 000 combattants de Daech.
Plus généralement, les estimations occidentales avoisinaient les 20 000 à 30 000 hommes. Ainsi en septembre 2014, la CIA faisait une estimation comprise entre 20 000 et 31 500 combattants.
En revanche, à la même époque les estimations Syrienne et Irakienne étaient beaucoup plus hautes et se situaient entre 50 000 et 100 000 combattants.
L'OSDH (Organisation Syrienne des droits de l'homme) parlait de 50 000 combattants pour la seule Syrie (mais ses évaluations sont souvent élevées). Un conseiller militaire du gouvernement Irakien évoquait le chiffre de 100 000 combattants et le chef de cabinet du président du gouvernement du kurdistan irakien lançait le chiffre de 200 000 combattants (soit un effectif proche de celui de l'armée française dans sa totalité).
Dans un article de mai 2015[1], Romain Caillet, chercheur à l'IFPO (Institut Français du Proche-Orient) après avoir également émis des estimations beaucoup plus basses, évoquait, en tenant compte de l'estimation de l'ONU du nombre de combattants étrangers de février 2015, un nombre de combattants total compris entre 65.000 et 80 000 hommes. Il rajoutait : "Malgré l'afflux de volontaires, ils ont perdu beaucoup d'hommes, notamment en raison des bombardements de la coalition". Le nombre de combattants tués pourrait atteindre 10 000 hommes et les pertes cumulées en Irak et en Syrie, pourraient avoisiner les 20 000 combattants.
2. Les recrutements de djihadistes étrangers
En mai 2014, le journal Britannique "The Economist" faisait l'une des rare estimation par nationalité. A cette date, il comptabilisait sur un total de 15.000 djihadistes autres que Syriens ou Irakiens, 12 000 djihadistes (80%) originaire de pays musulmans dont 3 000 Tunisiens (20%)[2], 2 500 Saoudiens (17%), 2 089 Jordaniens (14%), 1 500 Marocains (10%), 890 Libanais(6%), 550 Libyens (4%), 400 Turcs (3%), 358 Égyptiens (2%), 186 Tchétchènes, 114 Palestiniens et 71 Koweïtiens.
Par ailleurs, sur plus 3 000 combattants provenant de pays occidentaux (20%), il comptabilisait 700 Français (5%), 400 Britanniques (3%), 270 Allemands (2%), 250 Belges (2%), 250 Australiens (2%), 120 Néerlandais (1%), 100 Danois, 70 Américains, 60 Autrichiens, 50 Norvégiens, 30 Irlandais, 30 Suédois et 30 Arabes israéliens.
En octobre 2014, le Washington Post estimait que l'EI comptait environ 16 000 combattants non-Syriens et qu'environ 1 000 volontaires étrangers entraient chaque mois en Syrie pour se joindre aux djihadistes.
A la même période, l'ONU considérait que l'EI comptait 15 000 combattants étrangers originaires de 80 pays.
Cependant, en février 2015, un rapport de l'ONU estimait à 25 000 le nombre de djihadistes étrangers provenant d'une centaine de pays présents sur différents territoires d'opérations dans le monde et dont une majorité avait rejoint l'EI en Irak et en Syrie[3] .
Enfin, en juin 2015, le journal Le Monde s'appuyant sur des déclaration du directeur du centre antiterroriste de la communauté des Etats indépendants (CEI) qui réunit la plupart des ex-républiques soviétiques, évoquait le nombre de 2000 citoyens russes dans les rangs de l'EI ; effectif qui ne semble pas avoir été pris en compte dans les calculs précédents.
Pour plusieurs commentateurs, la sous-estimation constante par la France du nombre de combattants de l'EI serait une des raisons qui expliquerait l'impression de faible impact des frappes occidentales depuis plus d'un an.
3. Les djihadistes français.
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Il considérait que parmi eux, 320 personnes étaient en transit pour la Syrie ou l'Irak,
457 étaient sur place et 213 en étaient revenus.
En juillet 2015, soit 2 mois plus tard toujours selon le Ministère de l'Intérieur, le bilan était de 910 Français rendus en Syrie, 494 sur place (soit +8% en 2 mois dont 325 hommes, 158 femmes et 11 mineurs) et 126 avaient été tués, dont 11 dans des attentats-suicides.
Cette nouvelle évaluation des personnes sur place donnait un ratio de 66% d'hommes et de 32% de femmes.
Cependant Daech est réputé comme l'un des groupes se préoccupant le plus du recrutement de femmes et il semble qu'elles soient dévolues à la reproduction.
Elles sont immédiatement mariées à des combattants et si possible mises enceintes. Mais vue l'espérance de vie limitée des combattants, elles sont souvent remariées.
[1] "Combien l'Etat Islamique compte t'il réellement de combattants ? " Slate, 12.5.2015 http://www.slate.fr/story/100937/etat-islamique-nombre-combattants
[2] Les % sont réalisés sur le total de 15 000 djihadistes étrangers.