Les femmes ne feront pas aussi pire

par Jacques-Robert SIMON
mercredi 22 novembre 2017

 Le monde compte de nos jours 7,6 milliards d’habitants, il en aura très probablement 11 milliards en 2100. Dans le même temps, les énergies fossiles, sauf peut-être le charbon, sont sur le point d’être épuisées. Beaucoup de matières premières sont aussi en voie de raréfaction. À cet immense péril s’ajoute des impasses financières. La dette mondiale, concentrée dans les pays riches, atteint plus de 200 000 milliards de dollars, soit plus de trois fois l'activité économique annuelle de la planète. La mondialisation a également conduit à des mouvements de population de grande ampleur engendrant des réactions de rejet et de déstabilisation au sein des états nantis. Un mouvement islamiste s’est déclaré ennemi des pays occidentaux, assimilés à des croisés, en proposant des valeurs traditionnelles n’ayant aucun rapport avec ceux-ci.

 Cette liste des problèmes insolubles, bien que non exhaustive, suffit à prédire la survenue à terme d’un cataclysme irrémédiable. Les femmes dénoncent depuis longtemps, mais actuellement plus que toujours, les conditions qu’une société régnante très majoritairement masculine leur offre et offre à tous. La revendication d’égalité est également une arme pour les pays occidentaux afin de promouvoir leur norme de progrès. Les femmes, qui prennent chaque jour et partout plus de pouvoirs, pourront-elles trouver des solutions là où les Hommes semblent avoir renoncé ?

 Les femmes et l’enfantement sont à l’évidence les pièces maîtresses de tout futur.

 À la fin des années 1970, la République populaire de Chine, afin de limiter la croissance de sa population, a adopté une réglementation limitant le nombre d'enfants à un par couple. C’est la politique de contrôle des naissances la plus autoritaire jamais mise en place. La constitution chinoise imposa l'âge minimal de 22 ans pour le mariage des hommes et 20 ans pour celui des femmes. 55 % des femmes chinoises ont avorté au moins une fois dans leur vie et des stérilisations forcées sont pratiquées.

 Cette façon dirigiste et virile de maîtriser le nombre de naissances, encadrée par les 88 millions d’adhérent au Parti Communiste, a conduit à des résultats spectaculaires : la variation annuelle de la population était la même en Chine et en Inde en 1973, elle était plus de deux fois plus faible en Chine en 2016. Une baisse de la natalité est cependant aussi observée en Inde qui avait axé ses efforts sur la responsabilisation individuelle et la contraception et non pas sur la coercition.

  Les pays occidentaux ont également connu une baisse considérable du nombre d’enfants par femme sans aucune législation ou campagne pour la promouvoir. La tendance à l’émancipation de la femme, présente partout dans le monde et particulièrement marquée en Europe et aux Etats-Unis, explique très probablement la baisse générale, quoique inégale, de la natalité.

 À l’échelle mondiale, la fécondité est passée de 4,8 enfants par femme il y a 50 ans à 2,5 de nos jours. La seule région qui connaisse encore une natalité très importante est l’Afrique subsaharienne : de 6,7 enfants par femme en 1970, elle n’a décru qu’à 5,2 en 2010. Certains pays connaissent des taux de fécondité exceptionnels : Niger : 7,7 enfants par femme, Ouganda : 6,7, Mali : 6,5… En 2100, l'Afrique représentera probablement de l’ordre de 40 % de la population mondiale.

 Est-il possible d’affronter les défis qui se posent pour mettre à la disposition de 11 milliards d’individus l’énergie, les matières premières et les technologies qui pourront leur permettre de vivre dignement, faute de pouvoir espérer faire vivre l’ensemble de la population sur des standards états-uniens ? Selon les schémas du passé principalement inspirés par la gent masculine, on s’orienterait vers la consolidation d’une infime minorité de nantis qui s’efforcerait de dompter des masses populaires de plus en plus paupérisées.

 Toutes les autres solutions nécessitent une révolution.

 Et la seule révolution raisonnable est celle proposée par les femmes. Les mâles révolutions utilisèrent les pierres que l’on jetait, les pavés que l’on lançait, les mousquetons, les fusils, les mitraillettes que l’on actionnait avec courage, détermination, héroïsme. Mais les héros sont fatigués ! Les femmes sortent des chemins battus en utilisant de toutes autres armes : le sexe et les médias. Bien loin des barricades, des guillotines, des élans populaires, des violences et des slogans mobilisateurs, loin des dieux tout-puissants, des idéologies qui illuminent, s’annonce maintenant le temps de Marie. C’est par l’enfantement que le monde va être mené et non pas par la famine, les maladies ou la guerre qui extermineraient les excédents jugés indésirables de la population par quelques puissants. 

 L’Homme nouveau sera une femme, des femmes qui ne se contenteront pas de se substituer aux hommes. Le réel proposé, les modes de domination, n’auront rien à voir avec ceux hérités de la mâle population.

 Une justice révolutionnaire est toujours expéditive. Celle qu’on nous propose a le mérite de ne pas être sanglante, même si les sentences sont sans appel. Les hommes des premiers émois jusqu’aux âges les plus avancés « résistent à tout sauf à la tentation » lorsqu’il s’agit de satisfaire leurs instincts. Dans les troubles suscités, l’écart entre les efforts de séduction et une contrainte trop insistante tend à s’estomper. La révélation des détails intimes d’un tel épisode sur les réseaux sociaux conduit à la mort sociale de l’individu concerné sans que la justice des Hommes puisse y apporter un quelconque correctif.

 Même si tous les hommes ne vont pas être cloués au pilori, la virilité ne va plus être considérée comme une valeur à mettre en œuvre. La séduction va tendre à gommer la domination pour l’établissement des liens sociaux. Si les attitudes de séduction semblent aller de soi pour les femmes, elles ne sont acquises que par l’étude pour les hommes, et restent souvent empruntées. Le rang social pourrait encore servir d’attracteur, mais son rôle sera minoré dans le futur. Les structures hiérarchiques établies hors contraintes formelles peuvent être efficaces pour créer une dynamique d’ensemble, les meilleurs exemples sont les effets de mode que chacun×e suit sans y être obligé autrement que par désir de conformisme ou de conformité. 

 La primauté de l’apparence sur la quête de la vérité peut conduire à la construction d’images sans relation évidente avec la réalité. Il est vrai que le paraître est au moins aussi important que l’être pour les relations sociales, mais la quête d’absolus, la Justice, la Vérité, a toujours guidé la fraction masculine la plus « éclairée » des sociétés. Tel n’est pas le cas de la révolution féminine en cours. L’objectif n’est pas d’atteindre un idéal jugé de toute façon inaccessible, mais de gommer les différences, d’uniformiser les comportements, de cantonner les combats aux joutes oratoires. La guerre des sexes est d’ores et déjà perdu par les mâles. C’est probablement le prix à payer pour extirper les processus de domination traditionnels.

 Et il faudra que les femmes ne s’acharnent pas à devenir aussi pire que leurs homologues masculins. 

 


Lire l'article complet, et les commentaires