Les Français sont des veaux : Conconricons !

par Omnibuzz
lundi 25 février 2008

Des veaux, les Français ? Non, des moutons. Et parmi ces moutons, un con. Superducon. Et ce n’est pas forcément celui qu’on croit. Je n’ai pas voté Sarkozy. Cependant, il a été élu. Je m’incline. Son style ne me plaît pas. Dire de sa rythmique d’homme toujours en avance sur le tempo qu’elle me gêne est un doux euphémisme. Ses tics, son langage approximatif, sa politique, rien ne me séduit chez l’homme. Mitterrand était cultivé, Chirac était affable. Je ne discute pas ici de leur action politique. Sarkozy n’est rien de tout cela. C’est une forme et un fond en même temps, un homme seul, seulement entouré de conseillers, mais en politique comme ailleurs les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Il a beau avoir épousé une belle poule, cela ne l’a pas changé. Aucun stigmate de l’amour sur son visage ravagé de convulsions.

Samedi, c’est donc en homme pressé et seul que, Porte de Versailles, Nicolas Sarkozy inaugure le Salon des vaches, cochons et celui des veaux. Veaux aux hormones, agriculture productive, mais « non productiviste » comme dit sans rire le président de la FNSEA, la France pro-OGM et nitratisée, la France qui ne représente que 4 % du PIB, la France « aime-la ou quitte-la », la France « réelle ». Je caricature, mais au point ou on en est...

Alors, voilà l’affaire, largement commentée par les canards. C’est son métier d’observer et de commenter, à la presse. C’est aussi son métier de hiérarchiser l’information : « La perle du Salon de l’agriculture, filmée et diffusée sur le site du Parisien et sur AgoravoxTV, a circulé allègrement sur internet ce week-end. Lors de sa traversée éclair du salon samedi matin, en plein bain de foule, Sarkozy croise un visiteur récalcitrant qui refuse sa poignée de main. "Ah non, touche-moi pas", prévient-il. Le chef de l’Etat rétorque sans détour : "Casse-toi, alors". "Tu me salis", embraye l’homme. Le sourire se crispe. Sarkozy lâche, desserrant à peine les dents, un raffiné "Casse-toi alors, pauv’con, va". Du plus bel effet », commente Libération.

Pendant un week-end entier, on n’a parlé que de ça. Un "pauv’con" insulte le président, le président insulte un "pauv’con". Qui est le plus « pauv’con » des deux, à chacun de le décider. Mais tu fais quoi, ducon, au Salon de la FNSEA le jour où le président de la République vient l’inaugurer si tu ne veux pas qu’il te touche, le président ? On arguera qu’on est en République et que, la loi martiale n’étant pas décrétée, la liberté de circulation n’est pas faite pour les veaux. Si, justement. Superducon, roi du comptoir en formica, ne veut pas que Superdupont le touche. Ça va le salir, ce sale qui peut-être ne se lave pas les mains après avoir pissé. Il est là, il croise le président, tend-il la dextre vers lui ? Je l’ignore. Toujours est-il que le président la lui touche, sa mimine. Et il s’offusque. C’est peut-être le seul acte de bravoure de toute une vie, à ce Grolandais, avoir dit « touche-moi pas » au président. C’est sûr, on doit le fêter au Café du commerce. En face, au Café du marché, on doit donner raison au président. Match nul.

On note au passage la qualité de l’échange. La passe d’arme. L’argumentation, la noblesse, des deux côtés, du langage. "Zyva touche-moi pas". Un Français moyen et un Français supermoyen. Le match est biaisé, les catégories inégales. N’allez pas croire que ce type de dialogue est exclusif et labellisé Made in Sarkozye. Le bain de foule est un bain de merde et les insultes, sifflets, remarques plus ou moins désobligeantes fusent. Quoi de nouveau, alors ? Davantage de micros et de caméras. Et internet. Autrefois, il n’y avait que le JT de 20 heures. Et puis les flash à la radio. On a encore vu comment ces médias étaient à la traîne du web. La seule info nouvelle était : la vidéo a été vue 100 000 fois, 350 000 fois, 700 000 fois... Le fait en lui-même indigne-t-il vraiment ? Non. On commence à avoir l’habitude des saillies du président. En novembre dernier, en Bretagne, n’avait-il pas été pris à partie par un marin pêcheur ? La comparaison s’arrête là. Pour Libération, « la prise de becs du Salon de l’agriculture est plus discrète, mais elle trahit l’humeur présidentielle du moment. A fleur de peau ». Tu m’étonnes. A chaque fois qu’il pète, les blogueurs de services, les commentateurs patentés viennent renifler l’odeur et devinent ce qu’a mangé le président au repas. Nul doute qu’un jour il en aura marre, Sarkozy, de tout ça, d’où avec une bonne longueur d’avance l’appel à une vigilance républicaine car, on ne sait jamais, tout cela pourrait virer à la monarchie élective.
Il n’y a pas qu’au Salon de l’agriculture qu’on met la charrue avant les bœufs...

Ah, qu’est-ce qu’il fait jaser ce « casse-toi, pauv’con ». Beaucoup plus que la décision de Nicolas Sarkozy « de demander au premier président de la Cour de cassation de plancher sur des propositions pour permettre l’application immédiate de la rétention de sûreté », selon la presse. Chacun prend l’insulte à son compte. Moi, personnellement, je ne me sens pas visé. Pourtant, j’ai ma dose, de Sarkozy. Je voudrais déjeuner en paix. Alors ce week-end, s’en repayer une tranche, merci bien ! Il a traité un con de con, la belle affaire. Est-ce Sarkozy qui, en 1940, au moment où la France exsangue s’apprête à pactiser avec le diable, déclare en parlant des Français : « Ce sont des veaux. Ils sont bons pour le massacre. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. » Non, Conconricons ! C’est le général en chef dont, d’ailleurs, Sarkozy vient d’inaugurer l’Historial (parce qu’aujourd’hui, en Franceland, on ne dit plus musée). Moi, franchement, être traité de veau, ça ne m’aurait pas plu.

Chaque apparition publique du président, chacune de ses initiatives, chaque prise de parole de ses conseillers, ministres, des parlementaires de la majorité, chaque rapport rendu public par les nombreuses commissions, chaque instant de sa vie privée, tout est pareillement commenté, tout devient égal, plus rien n’est politique et tout contribue, pense-t-on benoîtement, à faire baisser Sarkozy dans les sondages. On l’a élu, mais maintenant qu’il s’en aille. Quelle inconséquence.

Tout nous éloigne de la politique, surtout. Des conseillers, il y en a eu d’autres, des bévues nombreuses et des fautes graves à la pelle, des scandales étouffées, des cabinets feutrés, des Papon, des Michel Droit, des Touvier, j’en passe et des pires. Mais tout ça était contrôlé. D’ailleurs Sarkozy veut y revenir au contrôle de l’information, de la parole. Pas de la sienne, bien sûr. La sienne, on le voit, est « libérée ». Mais à une époque où l’on traite de « salope », de « tocard », ses adversaires politiques, en quoi traiter de "pauv’con" un "pauv’con" vous choque-t-il ? « Ça vient d’en haut » ? Le président doit donner l’exemple, ne pas « désacraliser la fonction présidentielle », comme j’ai entendu récemment Cali(méro) l’affirmer. Désacraliser, bigre... Ouest France rapporte les commentaires de Brice Hortefeux : « Nicolas Sarkozy s’est exprimé de manière à ce que son interlocuteur le comprenne ». Oui, des mots simples de moins de cinq lettres que chacun pige, y compris celui qui les prononce. A l’inverse, rapporte encore Ouest France  : « l’ancien garde des Sceaux PS Robert Badinter estime « qu’il y a dans la fonction présidentielle une forme d’incarnation de la nation ; on attend de celui qui a cette fonction qu’il l’assume avec toute la dignité, la réserve et la distance convenables ». C’est vrai aussi, mais fallait pas l’élire, Sarkozy. On savait qu’il était comme ça, qu’il ne changerait jamais.

François Hollande, sur Canal+, a estimé : « on ne rentre pas dans un conflit avec quelqu’un qui ne vous serre pas la main (...) C’est à force de manquer à tous ses devoirs que Nicolas Sarkozy connaît la défection populaire ». Quelle défection populaire ? Celle des sondages ? Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Et de nos peines.

Le président n’est pas un citoyen comme les autres a estimé ce week-end François Hollande. C’est vrai, c’est juste un Superdupont élu par une majorité de Dupont. La rupture, la fameuse rupture, c’est que pour la première fois, grâce à Sarkozy, enfin, la France peut se regarder au fond des yeux. Y a rien à voir.

Image : Superdupont (création Gotlib et Lob)


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