Les « fucking job » dans les ambassades US en Afrique centrale

par Kilosho Barthélemy
mardi 10 juillet 2007

Denicher un emploi non qualifié, appelé communément « fucking job » ou « tous travaux » au sein des ambassades US en Afrique centrale, relève d’un exploit et d’un honneur et pourtant ce ne sont que de petits emplois techniques de ménage, d’entretien, de conducteur, enviés par de grands cadres du pays.

Travailler dans une des ambassades américaines au Burundi, au Rwanda ou en RD Congo, c’est comme travailler dans un organisme international : les avantages sont d’autant plus importants que plusieurs personnes se bousculent pour y postuler.

Comme les emplois qualifiés sont réservés au personnel expatrié américain et à quelques personnels locaux, les emplois restant sont des emplois manuels appelés vulgairement sous d’autres cieux fucking job ou « tous travaux », ces emplois qui ne rapportent rien et considérés comme passe-temps ou minimisés par beaucoup de personnes dans ces pays, mais qui sont bien rémunérés dans les ambassades américaines.

Ces emplois vont de chauffeur des véhicules diplomatiques, de jardiniers jusqu’aux tâches de petits travaux techniques de ménage dans les résidences du personnel diplomatique, etc.

Si, dans les autres secteurs publics et privés, ces emplois s’offrent immédiatement et à la simple présence du postulant, ce n’est pas le cas dans les ambassades américaines où les appels d’offre sont lancés via les médias publics et privés et en plus ces appels sont faits en anglais, langue étrangère et non connue de plus de 80 % de ces pays, à l’exception peut-être du Rwanda. Mais, cela n’empêche pas que plusieurs personnes, cadres ou pas, se bousculent pour répondre et postuler à ces offres combien alléchantes.

A travail égal, une sentinelle ou jardinier du secteur public ou privé perçoit à peine 20 dollars par mois, tandis celui de l’ambassade US perçoit facilement 250 dollars ; un chauffeur du secteur public a à peine 60 dollars, tandis que celui de l’ambassade jongle entre 350 et 1 000 dollars selon l’ancienneté, et ces salaires donnent des vertiges à tout citoyen moyen ou cadre du secteur public qui perçoit à peine 70 dollars mensuellement.

En plus, les avantages que présentent ces emplois n’ont rien d’égal avec ceux du secteur public. Dans ces pays où le secteur de la santé reste précaire et où les soins médicaux convenables se trouvent dans les cabinets privés où il faut parfois débourser plus de 5 dollars pour la consultation, les employés et toutes leurs familles bénéficient de soins gratuits dignes de ce nom procurés par les dispensaires d’ambassade et, en cas d’hospitalisation, tous les frais sont pris en charge par l’ambassade. Ça fait rêver plusieurs personnes.

L’ancienneté donne aussi l’autorisation de visiter les Etats-Unis d’Amérique, parfois avec sa famille et pourtant l’octroi des visas d’entrée est très sélectif pour les ressortissants de ces pays. Il n’est pas rare qu’un commerçant de renom se voit refuser le visa d’entrée aux Etats-Unis. Ce qui n’est pas le cas de ces petits employés de l’ambassade.

Un jardinier ou un chauffeur, qui a déjà fait plus de dix ans de service, se voit souvent octroyé l’autorisation de visiter l’Amérique, un luxe qu’un ministre ne peut s’octroyer à moins qu’il ne soit en mission de service.

Les gens s’amusent à dire qu’un jardinier ou chauffeur d’ambassade est en mesure de payer plus de dix cadres de la Fonction publique et c’est vrai. Ces employés, souvent sans qualifications et formations, se comportent comme de petits riches et élisent dans la plupart des cas, leurs domiciles, dans les quartiers chics de ces pays.

Ces ambassades offrent à leurs employés locaux des pause-café où est servi le café au lait, des tartines de pain tout en surfant sur internet et regardant les grandes chaînes de télévision américaines et européennes, un luxe que peu de gens peuvent se permettre.

Et pourtant, les réalités peuvent en cacher d’autres : un jardinier d’un des diplomates américains à Bujumbura n’a-t-il pas été surpris quand il est arrivé aux Etats-Unis pendant les vacances de constater qu’il vivait mieux qu’une famille américaine rencontrée à New York ?

Même les autres ambassades occidentales n’offrent en aucune manière les avantages qu’offrent les Américains à leurs travailleurs locaux. Tout le monde veut y travailler bien que ces postes soient de seconde zone.

Bien que la réalité américaine soit toute autre quand on s’y rend pour la première fois, à savoir une richesse qui côtoie de petits foyers de misère, ils savent bien exporter leur mode de vie de réussite à leurs employés, simples exécutants à leurs yeux, mais de véritables princes dans leurs familles.


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