Les grands patrons nous ont plantés là. Il faut nous secouer.

par easy
jeudi 19 août 2010

Il paraît que la mode est au nomadisme.
On en est loin.
Il y a certes comme une velléité, mais rien de plus.

Nous sommes confrontés à des problèmes d’emploi et de logement. Ces deux problèmes doivent être secoués, fortement secoués. Nous devons nous secouer et ça doit passer, repasser plutôt, par le nomadisme.
 
Alors que nos ancêtres avaient toujours bougé au gré des activités saisonnières (les ouvriers des 5 millions d’agriculteurs du 18ème siècle vivaient dans les chambres des fermes et se déplaçaient). Les marchands ambulants, les ramoneurs, les comédiens, les artistes, les militaires, les compagnons, toute une foule se déplaçait dans des carrioles tintinabulantes et campait autour des chantiers.
 
 
Puis il y a eu l’industrialisation. Les patrons faisant tourner leurs usines 365 jours par an (Au fait, en 1930 il y avait une tranche d’imposition à 90%) ils eurent besoin de fixer leurs ouvriers et leur ont proposé des cité ouvrières. Il y a eu beaucoup d’utopies urbaines à partir de là mais l’idée force sous-jacente était toujours de contrôler les masses en commençant par les fixer. C’était le paternalisme fixatif et c’est à partir de là que l’immobilier a commencé à grimper.
 
Après guerre, fin des cités ouvrières, on a construit des cités dortoirs, toujours pour fixer les travailleurs mais selon un concept plus entassant, plus clapier encore. Cf, les barres d’Aulnay Sous Bois, de la Courneuve de Sarcelles. Avec les usines à 5 stations de bus de là. Métro boulot dodo.
 
A peine logés décemment, les nouveaux minuscules bourgeois se mirent à adopter la vision méprisante des grands bourgeois et il devint très mal mal vu de nomader. Et cela alors que ces mêmes ouvriers désormais plantés découvraient les joies du plein air et de la tente Trigano pendant leurs congés payés. Ensuite, même la tente devait devenir dure et ce fut l’ère des résidences secondaires des Trente Glorieuses.
 
Dans la vision fixiste que nous avons désormais des choses, en tous cas du logement (mais tant de choses en découlent qui doivent alors être aussi inamovibles, jusqu’à nos élus), les jeunes ont beau ressentir une sourde nécessité de bouger (allant alors jusqu’à dire "J’en ai marre, je pars tenter ma chance en Australie") nous ne parvenons pas à sortir de notre fixisme sur tous les sujets. Le fixisme de l’habitat entraîne tout un cortège d’autres rigidités.
 
Toutes nos institutions sont désormais taillées pour le fixisme et toutes nous y obligent. Même quand on fait du camping pendant l’été, c’est toujours au même endroit.
 
Et comme ce système est au mains de 0,0001% d’entre nous, ces princes qui vivent sur des îles flottantes ou des maisons à turbo réacteurs, nous fixent plus que jamais. C’est alors frénétiquement et aux abois, que nous claviotons depuis notre Sam suffit, comme pour essayer, au moins par la voie électronique, de nous évader un peu de notre végétatisme. 
 
 
Les choses, les valeurs, ces bijoux que nous cultivons sont si fixistes que même sous abri, nous tremblons à l’idée de nous retrouver SDF. (Il y a 40 ans, le repoussoir c’était "éboueur" aujourd’hui c’est SDF ou sans-abri). Ce stress nous rend malades et nous pousse à des comportements veules. La fixation au nom du Père, du Président et de son Fils, nous fait perdre notre force morale. Rien ne nous fait plus peur que d’être dehors désormais.
Aujourd’hui, à quelques exceptions près, aucune personne en activité ne passe une nuit dehors. Alors que les gamins ramoneurs de Savoie passaient très normalement leurs nuits sur les bas côtés des chemins, couchés en grappes sur leurs sacs de suie (il la gardaient pour la vendre) 
 
On peut facilement nous terroriser avec l’expulsion de notre logis voire de notre pays.
 
Nous avons beau placer sur nos chiottes des lunettes en résine farcie de coquillages et d’étoiles de mer, notre horizon est celui du plantage. Nous prenons racine.
 
 
Je crois qu’il nous faut changer quelque chose et jamais le Pouvoir ne nous organisera ce changement. Nous devons l’opérer nous même car le peuple, ne l’oublions jamais, est souverain, sa volonté l’emporte sur absolument tout.
 
Nous avons à nous réorganiser afin que chacun des enfants que nous mettons au monde ait droit à un emplacement inaliénable sur notre territoire. Et cet emplacement, celui d’une caravane, c’est n’importe où sur les 35 000 communes que compte notre hexagone ( à étendre sur les DOM TOM, ça va de soi)
 
Il s’agirait, pour chaque naissance ici, de financer non seulement la structure hospitalière qui soignera l’enfant en cas de bobo, non seulement l’école où il apprendra des grandes choses, mais aussi et d’abord une place, un endroit disposant d’eau fraîche où il pourra toujours se poser quand il aura quitté ses parents, soit pour vivre et travailler normalement, soit pour se replier en position ultime. Ces aires fréquentés selon des circonstances très variées ne seront donc pas conotés.
 
Un emplacement de type caravane coûte 20 000 € à installer soit peu ou prou le prix d’une tombe avec son cercueil et avec sa concession dans un cimetière. 
 
Si c’était aux parents et à eux seuls de financer cette somme, est-ce trop leur demander que de prévoir deux fois le prix d’une Aygo avant de faire un enfant ?
 
Mais comme il apparaît aussi d’intérêt national que la France ait des enfants, pourquoi la Nation ne financerait-elle pas une part de cette charge, voire la totalité pour les parents indigents ?
 
Pourquoi une Liliane Bettancourt ne financerait-elle pas les emplacement ultimes de mille nouveaux-nés qui seront probablement ses futurs consommateurs et enrichisseurs ?
 
D’une manière ou d’une autre, nous pouvons financer ces 60 millions de places ultimes. A raison de 15 m² la place ultime, ça fait 900 km² d’emplacement à prévoir, en gros c’est la RP. 
 
Comment ? Nous sommes capables d’immobiliser des terres pour des squelettes pendant 50 ans et nous ne serions pas capables de financer des places de parking pour les vivants ? Nous saurions financer des prisons mais pas des espaces ultimes pour chacun d’entre nous ?
Des parents sauraient financer des quads, des vérandas, des voiliers et des piscines mais pas un endroit ultime pour leurs rejetons ?
 
Comme en réalité il n’y aura qu’une petite partie d’entre nous qui nomadera, il faudra certes, par principe consititutionnel, prévoir ces 60 millions d’emplacements mais on n’en réaliserait en dur que 3 millions. Le solde restera en bois et prairies réservées pour le cas où tous les Français se mettraient à nomader. 3 millions, ça suffira très largement dans un premier temps.
 
Ces endroits seront effectivement ultimes pour une petite partie des utilisateurs mais seront tout simplement des espaces de vie normale et nomade pour la plupart des autres utilisateurs car le nomadisme redeviendra normal.
 
Contrairement aux maisons, ces emplacements ou plutôt ces droits à un emplacement (puisqu’on est mobile et nomade on change de place) n’entreront pas dans notre succession. Ils seront attachés à notre personne et ne pourront jamais être loués, cédés ou transmis.
 
Pour éviter les ventousages des meilleurs places, il faudra instituer une durée maximale d’un an sur une aire donnée et de 5 ans sur une ville donnée. Il faut que ça tourne et on pourrait faire des tirages au sort pour les emplacements trop demandés.
 
Il va de soi qu’autour des aires denses, il y aura automatiquement des commerces spécialisés et probablement des salles ou les fixes viendront partager des veillées avec les nomades. 
 
Lorsque 5% de la population se mettra à préférer le nomadisme au sédentarisme, les prix de l’immobile, de l’immobilier en subiront les conséquences et ça ne sera pas dommage.
 
N’est-il pas préférable de voir sa maison perdre de sa valeur mais gagner en certitude que ses enfants ne risqueront jamais de se retrouver à la rue, d’être chassés de partout, d’être obligés de se terrer et de squatter en spoliant vraiment des proprios ?
 
Imaginez bien les amis, que dans un tel projet ; les nomades traditionnels y trouveront leur compte, exactement comme tout le monde et imaginez bien, que chacun étant concerné, nous saurons choisir les meilleurs emplacements pour réaliser ces aires, y compris au milieu des villes, pourquoi pas.
 
Yen a marre d’entendre le dogme selon lequel la voiture ou la caravane est hideuse et que le règne sans partage de ce dogme aboutisse à nous rendre angoissés : "Si je n’habite pas un logement valant 200 000€ je suis plus mal traité qu’un chien".
Yen a marre d’entendre dire que les parvis de nos vieilles cathédrales ne supportent pas la présence de la roulotte de la jeune Esméralda.
 
Dès l’instant où le nomadisme vrai s’installera comme véritable alternative de vie, les fabricants se hâteront de nous concocter des engins bien plus marrants et personnalisés qu’ils ne le sont actuellement. Non, il ne s’agira plus de ces caravanes blanches à portes en hublot, non. Avec l’énorme marché qu’un tel mode de vie lancera, on verra apparaître des cellules, je vous dis pas le fun. Rien à voir avec la caravane de tonton Marcel.
 
Et tant qu’on y est, je ne vois pas pourquoi les employés des entreprises ne pourraient pas camper sur leur parking quand ils trouvent ça plus commode, plus économique et plus ergonomique. Vous me direz que ce serait alors une régression pire que le paternalisme de 1900. Bin non, car l’employé, sur le moindre coup de sang, pourra foutre la camp. Et oui, ça change complètement le rapport de force la possibilité de partir voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Le nomadisme institutionnalisé, ça obligera les patrons à se départir de leur égocentrisme.
 
Il ne saurait y avoir de centre dans un monde qui ne cesse de se déplacer et de jouer les filles de l’air.
 
Ah je les vois les patrons, proposer à leurs employés nomades qui une pièce jacuzzi, qui un terrain de jeu, qui le petit déj, qui une vidéothèque, pour essayer de fixer un peu ces gens si prompts à décamper.
 
 
Le soir venu, dans les aires, ça risque d’être la nouba par contre.
Punaise, le brassage que ça fera. 10 Gitans qui jouent de la gratte d’un côté, trois geeks d’un autre côté, 4 représentants en pinard plus loin, 3 femmes bossant pour l’Oréal ici, 5 mamies en convalescence plus loin, 2 retraités de chez Mac Do là, un DJ en tournée, ça va donner ! J’en connais qui ne vont pas s’ennuyer et qui auront de quoi raconter sur les forums, s’il leur reste du temps et s’ils trouvent encore de l’intérêt aux contacts virtuels.
 
Alors, un empoyeur préfèrera-t-il embaucher un sédentaire ou un nomade ? Ca dépend du boulot sans doute car pour toucher une clientèle nomadiste, celle aux visions éclatées par ces horizons sans cesse changeants, il vaudra mieux savoir parler nomade.
 
Au fait, je ne sais pas ce que branlent les artistes d’aujourd’hui mais ceux du XIXème siècle bougeaient tout le temps. Un jour Turner passe le col du Pin Bouchain en diligence et une roue se casse. Il passe la nuit avec les autres passagers, autour d’un feu. Moment inoubliable qu’il a peint. Et c’est en Suisse qu’il a peint une autre toile représentant le vertige absolu, le Pont du Diable.
Vauban ? Celui qui a conçu et réalisé pour Louis XIV, une ligne de fortifications en étoiles ? Il a fait quelques 180 000 km pour travailler à cette oeuvre colossale. Il bossait dans sa chaise portée par des mules sur tous les sentiers au bord de tous les précipices. 
 
Ce n’est pas en Australie qu’il faut décamper, il faut simplement camper par monts et par vaux en France.
 
Et ce n’est pas Ariane Mnouchkine qui me contredira, elle qui a installé d’office des roulottes devant son théâtre.
 
 
No mad, c’est pas fou du tout.
 

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