Les guerres en Ukraine et à Gaza sont-elles prédéterminées ? Les décideurs qui les ont provoquées, dans l’absolu, sont-ils responsables ?
par Hamed
jeudi 19 septembre 2024
Quel sens donner à notre existence ? Sinon tout ce qui fait l’existence dans le temps. Une liberté, une causalité qui est toujours au présent lorsqu’elle est ; mais notre existence demeure indéfinissable, on a beau la cerner ce « je », ce « nous », il demeure qu’il y a beaucoup d’inconnu en eux.
Comprendre nos joies, nos angoisses et apprendre à les maîtriser ? Et c’est important pour notre sérénité intérieure, pour lutter contre les projections des autres, contre nos propres angoisses refoulées de notre existence qui remontent à la surface et prennent le pas sur nous. Combien même on peut être serein, ou paraissant l’être, intérieurement on ne l’est pas et on ne le montre pas. Comment faire pour comprendre ce mal-pensé ? Qui, au fond, quoique l’on dise, est naturel puisqu’il prend en nous, et nous ne pouvions le plus souvent lutter contre. Nous sommes simplement ce que nous sommes, et le monde est ainsi fait.
Un aspect important est de penser que l’homme n’a pas de liberté réelle, au sens propre du mot, puisque le libre arbitre lui est donné par l’Essence. On n’a pas le choix pour définir l’homme autrement que par l’Essence. Il n’est pas homme de lui-même, il a été créé homme. Et cette vérité est très importante parce que si on ne la met pas en avant, en tant qu’elle le définit, l’homme restera toujours un être indéfinissable. On épiloguera longtemps sur le « je », sur le « nous », mais nous n’arriverons pas au cœur du problème de l’homme.
Dès lors, le seul lien tangible qui peut nous exprimer est notre libre arbitre dans notre essence d’être. Il joue un rôle cardinal dans notre existence. Dans un essai sur le libre arbitre, Arthur Schopenhauer enseigne : « L’hypothèse du libre arbitre doit être absolument écartée, et que toutes les actions des hommes sont soumises à la nécessité la plus inflexible, nous l’avons par là même conduit au point où il peut concevoir la véritable liberté morale, qui appartient à un ordre d’idées supérieur.
Il existe, en effet, une autre vérité de fait attestée par la conscience, que j’ai complètement laissée de côté jusqu’ici pour ne pas interrompre le cours de notre étude. Cette vérité consiste dans le sentiment parfaitement clair et sûr de notre responsabilité morale, de l’imputabilité de nos actes à nous-mêmes, sentiment qui repose sur cette conviction inébranlable, que nous sommes nous-mêmes les auteurs de nos actions.
Grâce à cette conviction intime, il ne vient à l’esprit de personne, pas même de celui qui est pleinement persuadé de la nécessité de l’enchaînement causal de nos actes, d’alléguer cette nécessité pour se disculper de quelque écart, et de rejeter sa propre faute de lui-même sur les motifs, bien qu’il soit établi que par leur entrée en jeu l’action dût se produire d’une façon inévitable. Car il reconnaît très bien que cette nécessité est soumise à une condition subjective, et qu’objectivement, c’est- à-dire dans les circonstances présentes, par suite sous l’influence des mêmes motifs qui l’ont déterminé, une action toute différente, voire même directement opposée à celle qu’il a faite, était parfaitement possible, et aurait pu être accomplie, pourvu toutefois qu’il eût été un autre : c’est de cela seulement qu’il s’en est fallu. Pour lui-même, parce qu’il est tel et non tel, parce qu’il a tel caractère et non tel autre, une action différente n’était à la vérité pas possible ; mais en elle-même et par suite objectivement, elle était réalisable. Sa responsabilité, que la conscience lui atteste, ne se rapporte donc à l’acte même que médiatement et en apparence : au fond, c’est sur son caractère qu’elle retombe ; c’est de son caractère qu’il se sent responsable. » (1)
Ce qu’énonce Arthur Schopenhauer est assurément une vérité. Tout homme est responsable de ses actes, même si pour lui, subjectivement il dit que son libre arbitre n’est pas engagé, que le choix dans son action relevait de son caractère dont il n’est pas responsable. Cet homme est conçu ainsi, en clair cela relève de ce qu’il est, donc nécessairement ce qu’il est par son essence.
Schopenhauer poursuit son analyse : « Et c’est aussi de celui-là seul que les autres hommes le rendent responsable, car les jugements qu’ils portent sur sa conduite rejaillissent aussitôt des actes sur la nature morale de leur auteur. Ne dit-on pas, en présence d’une action blâmable : « Voilà un méchant homme, un scélérat, » ou bien : « C’est un coquin ! » – ou bien : « Quelle âme mesquine, hypocrite, et vile ! » – C’est sous cette forme que s’énoncent nos appréciations, et c’est sur le caractère même que portent tous nos reproches. » (1)
Allons plus loin dans le raisonnement sur l’essence de l’homme. Qu’est-ce qui différentie un méchant homme d’un scélérat ? Ou simplement un honnête homme d’un malhonnête homme ? Nous devons d’abord considérer ce qui meut l’honnête homme et le malhonnête homme, sur le plan de l’essence ? Il est évident que ce sont leurs pensées respectives de ce qu’ils font de leur liberté dans leur existence ou leur libre-arbitre qui va régir leurs actions. Car, dans le fond, le libre-arbitre comme leurs pensées qui se différentient, chaque homme a sa propre pensée – on parle ici du contenu de sa pensée et non la pensée elle-même qui n’est que le véhicule, l’éther non physique dans les espaces et les êtres.
Par son libre choix de faire, d’agir, qui est donné à l’homme par une essence dont il ne sait rien qu’Emmanuel Kant appelle une causalité puisqu’elle est celle qui cause tout. Quels que soient les hommes, force de dire qu’ils ne pensent que par ce qui les caractérise en termes de caractères, de tendances dans l’existence, et donc, en étant ce qu’ils sont foncièrement, ils relèvent de leur « propre essence d’être » ce qu’ils sont et ce qui les différencient des autres.
Sur la question de l’ « essence », l’homme n’a pas de réponse ; et il ne peut savoir l’absolu de l’Essence, i.e. Dieu ; ni il est fait pour savoir l’Essence par laquelle il est ; tout au plus le sentirait-il cette Essence qu’elle existe en lui ; et l’homme lui doit sa pensée puisqu’elle est à la fois le véhicule pensant son existant et le contenu pensé par lequel il existe.
N’est-ce pas un processus existential par lequel l’homme existe et dont il ne sait rien. Cependant, le monde extérieur, la nature et lui-même relevant de la Nature du monde, de l’Essence qui réalise le monde a besoin de sa création pensante, et cette création pensante qui est dynamique, voulue dynamique, créative et pensante. En fait, il y a une dualité Homme-Essence en lui et dans la Nature dans l’existentialité du monde extérieur et intérieur en lui-même et à lui-même. C’est cela le prodige l’homme par lui-même, par sa nature biunivoque entre le monde extérieur qu’il témoigne et le monde extérieur qui le témoigne.
Et souvent l’homme ne s’aperçoit pas qu’il est véritablement un miracle de la Création. Pourquoi un miracle ? Parce qu’il a cette capacité unique du moins jusqu’à ce stade de la connaissance de l’histoire de penser l’univers. Seul il a le penser, ce qui implique que l’homme n’existe pas seulement pour exister, et malgré ses facultés limitées, et c’est précisément ces limitations disposées dans son essence d’être qui lui permettent de les augmenter par l’essence de sa pensée, et en marquant de son empreinte le monde, l’homme exprime sa raison d’être dans cet être-monde.
Une double destinée en quelle que sorte dans l’existentialité du monde extérieur et intérieur en lui-même et à lui-même. Un monde qu’il met à son niveau, qu’il y construit selon sa raison. Dès lors, n’est-ce pas que ce qu’il fait entre dans sa destinée d’exister dans ce monde, et qu’il existe une dépendance entre lui et ce monde ; un monde dont il dépend sur tout alors que le monde qui lui est extérieur ne dépend pas de lui ; tout au plus il est dans un certain sens le miroir du monde extérieur puisqu’il témoigne de son existence. C’est le monde par l’être, et l’être par le monde.
Les hommes qui ont tous une nature humaine identique par la faculté de la pensée qui leur permet de penser sont-ils un ? Ne sont-ils pas différents les uns des autres ? Par la couleur, la race, la religion, le caractère, la géographie et autres attributs, ils sont donc autre les uns des autres. C’est une loi de la Nature, de la Création. S’ils ont tous la faculté de penser, il demeure qu’ils peuvent penser différemment selon leurs pensées ; cela doit être ainsi parce que l’humanité est créée ainsi.
C’est ce qui explique les différences entre les hommes ; que ce soit sur la conscience, la volonté, l’intelligence, la raison qui détermine l’action, l’imagination, le sentiment, la passion, l’ambition, l’intelligence, et autres ; toutes ces facultés humaines et ce qui dérive d’elles relèvent de l’Essence et des Desseins de l’Essence pour cette humanité qui ne peut connaître sa raison d’être sinon qu’elle est, qu’elle doit exister comme elle est « existée ».
La pensée qui nous ouvre le monde obéit à un principe de causalité dont nous ne connaissons ni ne pouvons connaître la « Cause initiale », parce que nous sommes créés par la Cause initiale, la Cause ultime, la Cause originelle. Tout être vivant créé, en particulier l’être humain qui est au-dessus de tout parce qu’il dispose de sa pensée pensante peut-il savoir la Cause absolue de l’univers ? Il est évident que non. L’univers, les forces de la nature sont déjà bien mystérieux pour l’homme, dès lors comment peut-il connaître sa cause alors que son être relève de l’Instance suprême, Dieu ?
Par sa pensée dont il est le véhicule pensant et dont il ne sait rien ? Par ses sens qui sont limités et qui lui sont « donnés » ? Et la pensée elle-même, qui est le véhicule pensant de ses passions, ses sentiments, ses ambitions, sa raison, et toutes ses facultés qui font sa conscience, sa volonté et autres, peut-elle penser sa cause ? Si la pensée pensait sa Cause qui l’a fait naître, qui l’a fait « pensée », elle aurait communiqué à l’homme sa Cause ; précisément la pensée pense seulement en l’homme pour lui permettre d’assurer son existence mais ne lui dit rien sur son essence, sinon qu’elle relève d’un Principe supérieur qui ne lui est pas accessible ; et c’est ce qu’il comprend, ce qu’il « déduit » l’homme de sa pensée.
Dès lors le constat sur la situation de l’existence de l’homme fait ressortir en tant qu’être relevant d’une Cause ultime qu’il est forcément « prédéterminé », puisque l’homme dans l’absolu ne se sait pas ; il pense seulement ce que le fait penser sa pensée. Tous les êtres humains sur la Terre quels qu’ils soient ne pensent que par leurs pensées.
Pour comprendre, prenons les guerres en Ukraine. Pour l’Ukraine, que ce soit l’Occident ou la Russie, ou le régime de Kiev, la guerre a d’abord été commandée par leurs pensées ; et leurs pensées ont trait à leurs aspirations à des buts stratégiques, territoriaux ou humains pour les uns comme pour les autres. Donc les guerres ont été commandées par leurs pensées respectives ; si, par exemple, leurs pensées ont été plus pacifiques, ils auront trouvé un terrain d’entente et une solution à leurs litiges, et donc sans guerre.
Or, non, leurs pensées respectives les ont dirigés vers la guerre ; il y a eu une forte opposition entre l’Occident et la Russie, de même pour le gouvernement de Kiev qui a voulu rejoindre l’Occident. Mais, si on regarde les décideurs dans cette guerre, on constate une soumission totale à leurs pensées.
Force donc de dire que ce sont leurs pensées qui ont provoqué la guerre ; l’invasion russe de l’Ukraine, décrétée le 24 février 2022 était pensée par la Russie parce qu’elle devrait survenir, et elle est survenue ; et tout ce qui a suivi, la résistance de l’Ukraine, le soutien occidental à l’Ukraine, devait s’opérer. La question « pourquoi la guerre » a été pensée et elle est survenue ?
Si on regarde « objectivement la guerre par la pensée des décideurs », dans l’absolu, ce ne sont pas eux qui ont décrété la guerre, mais leurs pensées ; de la même façon, la fin de la guerre viendra de leurs pensées et « obligatoirement » de leurs pensées ; les décideurs occidentaux, ukrainiens et russes ne commandent pas leurs pensées, ils pensent seulement leurs pensées ; ils ne prennent pas conscience qu’ils sont « pensés » par leurs pensées ; et que tout ordre de guerre, d’attaque ou de diversion comme cela a été le cas à Koursk, dans le territoire frontalier russe vient de la Pensée qui régit le monde.
Ou encore toutes les discussions pour frapper en profondeur le territoire russe par le président Joe Biden ou le Premier ministre britannique Keir Starmer, le vendredi passé, relèvent de leurs pensées.
Mais ce qu’ils ne savent pas, les décideurs des deux parties en guerre, puisque tout ce qu’ils opèrent et qui relèvent de leurs pensées, c’est que tout est déjà « prédéterminé ». Et que leur libre-arbitre qui leur est octroyé relève de leurs pensées et tout s’opère par leurs pensées respectives.
Aussi peut-on dire que leur liberté, et on entend par là le libre-arbitre de chaque décideur en conflit est tout-à-fait relatif ; par leurs pensées qui leur vient et qui dictent leurs conduites dans le sens cette conduite et non l’autre, comprendre la guerre et non la paix, ou l’inverse qui aurait été possible si leurs pensées l’ont voulu ainsi, dès lors, « la prédestination prévaut et commande nos actes ». Ce qui ne peut être que vraie puisque toutes les parties sont poussées vers la guerre par leurs pensées ; des pensées qui émanent d’une Force naturelle commune laquelle cause toutes les pensées dans le Tout au sein duquel l’humain est uni au monde ne peut être que le Principe de toute explication.
Tous les êtres humains se trouvent dans cette situation ; et c’est la raison pour laquelle on peut dire que si tout est « prédestiné » dans le devenir du monde, les guerres ont leur sens dans les Desseins de la Pensée, les Desseins de l’Essence qui régit le monde. Quel être humain peut penser sans sa pensée ? Et ces décideurs sont-ils responsable de la guerre qu’ils ont provoquée ? Ils sont responsables certes puisque, par leurs pensées, ils ont ordonné la guerre ; mais, si on regarde l’Essence par laquelle ils pensent, force de dire qu’ils n’ont pas pensé le sens profond de leur existence ; parce que ils sont ce qu’ils sont ; et cela est voulu ; la guerre devenait une « nécessité » ordonnée par l’Essence.
Il est certain que la guerre s’arrêtera selon les « Desseins » de l’Essence ; elle s’imposera selon ses Lois que les parties en guerre ne feront qu’entériner et quel que soit l’événement qui y mettra fin. L’événement en réalité est déjà en marche ; il s’exécutera de lui-même puisqu’il sera dicté aux pensées des décideurs qui ne décident que ce que décident leurs pensées.
La question essentielle se pose sur l’événement ; sera-t-il un ouragan qui va s’abattre sur les humains ? Parce que cet ouragan viendra de la Pensée du monde. Ou une pensée qui viendra et invitera toutes les parties à mettre fin à la guerre ; et c’est ce qui sera ? On ne le sait pas.
Une pensée humaine néanmoins qui prie la Pensée du monde est que, même si la guerre était « prédestinée » et donc « devait survenir en fonction des œuvres des hommes », qu’elle se termine vite et qu’elle constitue un « avertissement » à ceux qui ont décidé la guerre ; un paradoxe à la fois aux décideurs qui ont décidé et à leurs pensées qui les a fait décider. Il reste l’événement qui mettra fin à la guerre ; et l’avertissement. Qu’en sera-t-il ?
Ce que l’on a écrit sur l’Ukraine s’applique à la guerre à Gaza, et à toutes les guerres entre les humains. Une Loi de la Nature, une Loi de l’Essence qui régit le monde.
Medjdoub Hamed
Chercheur