Les incantations ne font pas une révolution

par easy
mardi 13 juillet 2010

Partout où il y a de la prise de parole, il se lance des incantations à la révolution. Non seulement ces exhortations ne suffisent pas à faire une révolution mais ça aurait même tendance à calmer le jeu. Car ce n’est que de la théâtralisation.

Plus que jamais, du fait d’Internet, des réseaux sociaux, des forums en tous genres, chacun y va de ses incantations qui oscillent entre "On va dans le mur (à moins qu’on y soit déjà) " et "Il faut changer ceci, cela...parce que ça ne peut plus durer, yen a marre"
 
Le Monde a constamment évolué, les choses ont constamment changé (sauf peut-être en Corée du Nord). Pour un résultat toujours insatisfaisant à terme (que ce soit dans le détail ou dans le global). Il y a toujours un truc qui ne va pas.
Pour autant, en dépit de la leçon que nous fournit l’Histoire, on continue de croire qu’il faut changer les choses pour que ça aille mieux ; c’est en tous cas ce que l’on dit.
 
Mais, depuis la nuit des temps, les choses ont-elles changé du fait des incantations ? La danse de la pluie a-t-elle un effet ?
 
La très grande majorité des inventions ou découvertes se sont faites dans le silence, disons sans que personne n’ait hurlé pour les avoir. Certes, les inventeurs supposent une attente de leurs contemporains mais il s’agit d’attente sans revendication particulière, silencieuse. Par exemple, on avait probablement tous espéré un remède contre la peste, la rage, le choléra. Mais les solutions sont arrivées, comme ça, dans le silence et non à la suite d’une manif "On veut un vaccin ou on va tout casser !"
 
A côté de cela, énormément d’améliorations ont résulté de protestations, de manifestations (congés payés, droit de grève, syndicalisme, droit de vote des femmes, droit à l’avortement, stop à la guerre au Vietnam, etc). Il s’agit d’innovations sociales ou politiques cette fois.
 
Les inventions disons matérielles nous sont offertes sans que nous les réclamions (et elles sont souvent très pratiques, amusantes, excitantes) tandis que les améliorations disons sociales sont souvent le résultat de manifestations.
 
Concernant ces améliorations sociales ou politiques, il est logique de commencer par en discuter entre soi, ce qui correspond à se sonder mutuellement pour vérifier si on est tous à peu près d’accord sur une chose à améliorer et si c’est le cas, on peut passer au mégaphone pour se faire entendre des chefs.
 
Mais concernant les révolutions auxquelles régulièrement certains appellent (parfois avec des airs de prédicateur) s’il faut là encore passer par la case comptoir de bistro ou arrière boutique d’imprimeur du genre Procope afin de ses sonder mutuellement, elles ne peuvent pas avoir lieu sans un leader.
 
Même dans une banale manif d’entreprise et sur un sujet bien précis, il vaut mieux qu’il y ait un leader pour que cela se fasse. Pour qu’une révolution ait lieu, il faut absolument un leader charismatique qui montre qu’il en a.
 
Pendant des décennies, s’ils avaient eu Internet, les Noirs de l’Afrique du Sud auraient pu passer leur temps à clavioter qu’il faut que ça change. Ca aurait été en vain. Il aura fallu l’émergence d’un Mandela et son positionnement en fer de lance de la révolte pour que la révolution ait lieu (sans grosse bagarre mais avec une infinie patience en l’occurrence).
 
Alors, qu’ici nous nous sondions en exposant une proposition de changement sur tel ou tel détail de notre système, oui, c’est efficace, ça organise notre pensée. Mais qu’on en vienne à hurler soit qu’on est dans le mur soit qu’il faut faire la révolution (toutes choses qu’on entend depuis des millénaires) tout en restant planqué derrière son clavier et son anonymat, c’est vain.
 
Je concentre ma critique sur ces incantations à la révolution. Non seulement elles sont vaines mais, parce qu’elles sont faites par des planqués qui ne mouillent en rien leur chemise, elles prouvent à tous leur dimension factice. C’est de la cour de récréation. Et parce qu’elles portent ce signe de la puérilité, elles nous font rire de nous. Nous ne sommes pas sérieux et nous le savons. Du coup, ça nous calme, comme après avoir hurlé à tue-tête pendant 15 minutes de récré.
 
Aucune des incantations à la révolution glanées sur le Net n’est sérieuse. Sur les forums, elles sont systématiquement plussées ( Ecris " Il faut tout casser" et tu vas faire 15 +) mais c’est de la blague et ça sert de défouloir. On a fait son Che de clavier et on peut aller se coucher content de soi après avoir roté ses 3 ou 4 bières.
 
Quand une révolution se prépare, une vraie révolution, on voit d’abord émerger un gus très couillu.
 
A part ça, les charmes d’une révolution, on les fantasme ; ses risques on les découvre à ses dépens. Lorsque se présente un leader très couillu, il coagule du monde autour d’un sujet (par exemple à bas les slips kangourou) et une grosse masse se transforme en bélier pour tout casser avec -à priori- l’objectif de brûler les slips kangourou. Mais dans les faits, dès les premiers instants de l’effondrement du système en place, des milliers d’autres objectifs émergent de mille autres leaders qui osent enfin s’exposer en deuxième ligne. "Moi je veux ci" "Moi je veux ça". Et c’est alors le foutoir absolu où chacun risque sa peau à chaque coin de rue.
 
Alors croire, comme ça, depuis nos forums, que nous sommes d’accord pour changer le système parce qu’il fait la part belle aux riches ou parce que la mer est pleine de sacs plastiques et qu’il ne reste plus qu’à faire la révolution, c’est puéril. Je ne dis pas que c’est dangereux car il n’y a aucun risque que la révolution commence puisqu’il n’y a aucun leader, je dis que c’est seulement récréatif.
 
On plaisante, rien de plus et le système a encore de beaux jours devant lui avant son remplacement.
 

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