Les internautes infligent une leçon de démocratie numérique à François Bayrou (et au PS) !

par Thomas
lundi 8 juin 2009

Alors que le gouvernement en place est ouvertement hostile aux internautes, que les internautes avaient largement contribué au score de François Bayrou en 2007, voilà qu’il les a oubliés… et qu’ils lui font connaître leur déception.

S’il y a un homme politique pour qui la soirée du 7 juin avait les allures d’un grand rendez-vous manqué, c’est bien François Bayrou ! À l’inverse, les écologistes triomphent. François Bayrou avait dû son succès de 2007 en grande partie à la mobilisation qui s’était organisée en sa faveur sur Internet (et la moyenne des articles d’AgoraVox de l’époque l’illustre bien). Il semble bien, si l’on en croit les premiers éléments de reports de voix, que le succès de la liste écologique ait emprunté beaucoup de voix au MoDem. Il est même probable que cette bascule soit en grande partie le fait des internautes. Et l’altercation peu glorieuse des derniers débats n’est sans doute pas seule en cause.
 
Quel(le)s qualité(s) les internautes trouvaient-ils donc à Bayrou en 2007 qu’il aurait perdue(s) depuis ? On peut citer une bonne connaissance des nouvelles technologies, un engagement fort pour la liberté d’expression, l’utilisation importante du net pour faire passer son message, un engagement écologique (probablement le premier leader politique d’un parti généraliste à mettre en avant le développement durable).
 
D’une part les thèmes écologiques n’ont pas été au cœur de sa campagne (malgré les ralliements de Corinne Lepage et Jean-Luc Bennahmias, dont l’ancienneté et la sincérité des convictions écologiques ne sont pas à démontrer). Sur ces thèmes, Daniel Cohn-Bendit et José Bové pesaient largement aussi lourd… mais ils ont surtout effectivement fondé leur campagne sur ces thèmes.
 
D’autre part, sur le thème des libertés, notamment numériques, le MoDem a raté le coche trois mois avant le scrutin européen, en occultant totalement la problématique HADOPI… tandis que les Verts s’étaient positionnés très tôt et très clairement contre ce projet de loi, en particulier à l’initiative de Daniel Cohn-Bendit ! À l’inverse, MoDem et PS ne se sont positionnés que tardivement et timidement, après avoir déserté le parlement pendant tous les débats sur l’HADOPI pour le premier, ou n’avoir envoyé qu’une poignée de mousquetaires courageux mais mal soutenus pour le second. Certes, ils ont tous fini par voter contre, mais bien tardivement et surtout plus par calcul politique que par conviction.
 
Or, ce qui caractérise les internautes, c’est notamment d’être très informés et organisés. Et ce qui caractérise Internet, c’est sa mémoire, notamment politique. Les internautes savent précisément qui a défendu leurs chères libertés numériques… et qui a fait le strict minimum. Ils ont bien identifiés leurs hérauts… et les pusillanimes. Ils espéraient sans doute Bayrou… mais cet espoir a été largement déçu. Ils se sont donc logiquement tournés vers le parti qui s’était illustré par des actes. Quant au PS, dont l’eurodéputé Guy Bono avait été le fer de lance de la lutte contre l’HADOPI au parlement européen, il n’avait même pas jugé utile de le reconduire sur ses listes. MoDem et PS ont donc largement sous-estimé le capital politique important que pouvait mobiliser la défense des libertés numériques.
 
Pour démontrer plus avant le poids des internautes dans ce scrutin (et vraisemblablement ceux à venir), c’est vers la Suède qu’il faut se tourner, pour relever le score très symbolique du Parti Pirate, entre 7,1% et 7,4% à l’heure ou j’écris, qui lui assure d’envoyer au moins un député au parlement européen, peut-être deux. Malgré la description caricaturale qu’en font nombre de médias traditionnels (légalisation du piratage), ce parti défend plus largement les libertés numériques, la protection de la vie privée et une prône une réforme du droit d’auteur. Malgré cette thématique très étroite, il collecte plus de 7% des voix, et surtout 19% des voix des 18-30 ans, ce qui en fait le parti favori de cette génération montante.
 
Il est certain que l’attitude hostile du gouvernement à l’égard d’Internet, particulièrement illustrée par la loi HADOPI mais aussi par des lois bien plus dures à venir, dissuadera durablement les internautes de faire confiance à l’UMP. Mais pour autant, leurs voix se mériteront et leurs attentes sont très claires. Ils ne les donneront pas à ceux qui se contentent de critiquer Nicolas Sarkozy mais à ceux qui s’engagent fermement contre ses nombreux projets de restriction des libertés numériques et de filtrage du net.
 
Qui du MoDem ou du PS en tirera le plus vite la leçon ?
 

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