Les lubies des lambertistes
par Jean Dugenêt
lundi 11 janvier 2021
J'ai expliqué dans mon article précédent comment les lambertistes qui étaient auparavant des révolutionnaires ont capitulé devant le PS en 1981 et ont servi la politique de Mitterrand. J'ai déjà aussi stigmatisé la politique de Daniel Gluckstein, dirigeant du POID, qui crachait son mépris sur le mouvement des gilets-jaunes en les calomniant. Je veux aujourd'hui montrer que les organisations lambertistes sont pour le moins ambigues sur la question de l'UE.
Bien sûr ils expliquent à longueur d'articles qu'ils sont contre l'UE. Ils publient d'ailleurs toute une histoire de l'UE. Comme bien d'autres, dans leur histoire de l'UE, ils ne disent pas que Walter Hallstein était un nazi de premier plan avant de devenir le premier Président de la CEE et de le rester pendant 9 ans. Ils ne se sont pas du tout manifestés sur cette question quand nous avons mené cette bataille de l'information. Cette attitude nous met un peu la puce à l'oreille. Nous nous souvenons qu'ils avaient oublié le passé de Mitterrand lors de son élection en 1981. Alors nous sommes un peu inquiets d'autant plus qu'ils disent volontiers qu'ils sont contre l'UE mais ils ne disent jamais qu'ils sont pour le Frexit. Est-ce la même chose d'être contre l'UE ou pour le Frexit ? Ne vous fiez pas aux apparences ! L'expérience montre qu'il y a plus qu'une nuance entre ces deux affirmations.
Être pour le Frexit c'est clair, surtout maintenant qu'il y a eu le Brexit. Quand on est pour le Frexit alors on veut que la France quitte l'UE comme l'ont fait les anglais.
Être contre l'UE, quand on regarde un peu ce que les uns et les autres disent, cela ne veut pas dire grand chose. La plupart du temps, ceux qui disent qu'ils sont contre l'UE n'envisagent nullement que la France quitte l'UE. Autrement dit : ils sont contre le Frexit. Ils sont, le plus souvent pour une autre UE... et ils le disent plus ou moins clairement. On se souvient des explications de Jean-Luc Mélenchon avec « l'Europe on la change ou on la quitte ». En ajoutant qu'il avait « un plan A et un plan B » bien des militants de LFI pensaient que le plan A c'était « on la change » et le plan B c'était « on la quitte ». Que nenni ! Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon se faisant plus précises, il a bien fallu admettre qu'il n'était pas du tout question pour lui de quitter l'UE. Il fait partie, comme beaucoup d'autres, de ceux qui sont contre l'UE tout en voulant rester dedans. Autrement dit, il est pour une autre Europe et en clair cela signifie qu'il est pour l'UE. Et c'est bien ainsi que nombre de ceux qui disent qu'ils sont contre l'UE sont en fait pour l'UE. C'est pourquoi maintenant la seule question importante et intéressante est : Êtes-vous pour ou contre le Frexit ?
Alors qu'en est-il des lambertistes qui sont contre l'UE mais ne parlent pas du Frexit ni d'ailleurs du passé de Walter Hallstein. Leurs discours seraient-ils insidieux ? Pour nous éclairer un peu plus, je vais examiner quelques unes de leur lubies.
Les lambertistes de tout poil répètent à l'envi que « il faut en finir avec les institutions réactionnaires de la Vème république ». Certes les institutions de la Vème république créées par De Gaulle étaient réactionnaires et celles que nous avons actuellement le sont aussi. Ce ne sont pas exactement les mêmes. La constitution a été modifiée 22 fois depuis 1958. Une simple comparaison du texte original et du texte actuel montre l’ampleur des modifications. Le fonctionnement de l'Etat a aussi parfois été grandement modifié dans l’esprit sans l’être dans le texte : introduction de la cohabitation, décision d'un référendum annulée par une décision de congrès... C'est entretenir de la confusion de ne pas le signaler. Le fonctionnement actuel de cette Vème république n'a plus grand chose de commun avec le régime bonapartiste de De Gaulle. D'ailleurs, le rôle des médias dans l'élection de Macron montre qu'il y aurait sûrement une réforme du système d'information à faire... Mais là n'est pas le plus important. La question importante est : Est-ce que des questions fondamentales trouveraient une réponse si on changeait les institutions en restant dans l'UE ? Ma réponse est : non ! Il y a 27 pays qui sont dans l'UE. Ces 27 pays ont 27 constitutions différentes or, ils appliquent tous la politique de l'UE. C'est avant-tout cela qu'il faut dire.
Car un mot d'ordre n'est pas bon ou mauvais en soi tout dépend de la situation dans laquelle il est avancé. Lénine dans « Le gauchisme maladie infantile du communisme » a expliqué par exemple qu'il ne fallait pas être pour ou contre la participation à des élections « bourgeoises » sans tenir compte des circonstances. Parfois il faut être pour, dans d'autre conditions il faut être contre. En 1981, les lambertistes, s'il avaient voulu être fidèles au programme de Trotsky, aurait dû présenter un candidat au premier tour de l'élection présidentielle pour expliquer, notamment, qui était Mitterrand sans rien cacher. En 2022, les trotskistes doivent être pour un candidat unique des organisations ouvrières. Ce n'est pas la même position dans les deux cas parce que la situation est différente. Le mot d'ordre du FUO (Front Unique Ouvrier) n'est pas un dogme. Quand les bolcheviques décident l'insurrection en octobre 1917, ils ne sont pas pour l'unité avec les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires. Ils mènent l'insurrection seuls. Ce n'est pas le FUO. Quand un gouvernement de Front Populaire comme celui de François Mitterrand se met en place, une véritable organisation trotskiste ne demande pas l'unité avec le PC et le PS pour s'opposer à la liquidation de la sidérurgie.
Revenons donc au mot d'ordre « Il faut en finir avec les institutions réactionnaires de la Vème République ». Les mots d'ordre des révolutionnaires et de tous ceux qui veulent défendre les travailleurs doivent permettre d'élever le niveau de conscience des masses populaires. Après le coup d'Etat de 1958 et dans les deux décennies qui ont suivi, ce mot d'ordre était correct. Avec l'élection de Mitterrand les choses sont devenues différentes. Les lambertistes avaient prévu que le gouvernement de Mitterrand serait le dernier gouvernement de la Vème république et, si les lambertistes avaient mené une politique de trotskistes, cela se serait peut-être réalisé mais, force est de constater que la Vème république, un peu remaniée avec la première cohabitation, est restée en place. Avec le traité de Maastricht en 1992, cela devient encore plus différent. Désormais, pour qui veut élever la conscience des masses, la question des institutions de la Vème république doit s'effacer devant la nécessité d'en finir avec l'UE. Dire qu'il importe d'en finir avec ces institutions devient une source de confusion. Par contre, le mot d'ordre d'assemblée constituante, dans les deux cas, doit être mis en avant ainsi que la revendication d'un gouvernement des travailleurs. C'est bien évidemment ces mots d'ordre qu'il fallait mettre en avant après l'élection de Mitterrand. Et, quand les grands plans de licenciements ont été avancés, il fallait ajouter « grève générale pour l'interdiction des licenciements », « A bas les traitres », « Le pouvoir aux travailleurs », « Tous à l'Elysée »... Désormais, les mots d'ordre des révolutionnaires sont « A bas l'UE ! Vive le Frexit » « Pour une assemblée constituante » « Pour un gouvernement des travailleurs » et pour l'élection présidentielle de 2022 il faut ajouter « Pour battre Macron, il faut un candidat unique PC/PS/LFI, tout de suite ! »
Les lambertistes ont l'art du contre-temps. Ils avancent au mauvais moment des mots d'ordre qui pourraient être bons à d'autres moments. Il y a en effet une autre lubie des lambertistes que je veux dénoncer c'est le fameux « Pour l'interdiction des licenciements ». Je viens de dire qu'il fallait lancer ce mot d'ordre après l'élection de François Mitterrand dès que les grands plans de licenciements ont été annoncés. Ce n'est pas ce qu'ont fait les lambertistes à ce moment. Pourtant c'était ainsi qu'il fallait contrer la politique de Mitterrand lequel expliquait que la question des licenciements n'était pas du ressort du gouvernement. Les lambertistes ont avancé ce mot d'ordre plus tard et ils ne cessent de le répéter maintenant. Il n'y a pas lieu de s'étonner qu'ils se retrouvent sur ce mot d'ordre avec des défenseurs de l'UE. Cette revendication est maintenant source de confusion. Les lambertistes laissent entendre qu'il pourrait être mis fin aux licenciements si le gouvernement en prenait la décision tout en restant dans l'UE. Ils laissent penser ainsi que le gouvernement a encore un peu d'initiative dans la vie politique, que cela serait de son ressort. Non ! Mille fois non ! Ne semez pas d'illusions ! Tout se décide à Bruxelles.
Pour ne pas semer la confusion, nous laissons aux lambertistes l'exclusivité de leurs deux lubies :
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Il faut en finir avec les institutions réactionnaires de la Vème république.
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Pour l'interdiction administrative des licenciements.
Ces mots d'ordre ne sont pas les nôtres. Nous sommes :
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Pour le Frexit.
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Pour une assemblée constituante et un gouvernement des travailleurs.
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Pour battre Macron, il faut un candidat unique du PC/PS/LFI tout de suite, pour les présidentielles de 2022.
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Pour la révolution socialiste.