Les marchands disent

par alinea
vendredi 3 juin 2022

 

« : » Le prolétariat est l’ensemble des hommes qui n’ont eu aucun pouvoir sur leur existence dans la marchandisation : nous sommes tous des prolétaires face à la classe capitaliste mondiale. »

« La gauche, c’est ceux qui veulent gérer la marchandise en détruisant tout ce qui subsiste d’avant la marchandise. La droite c’est ceux qui veulent gérer la marchandise en préservant tout ce qui subsiste d’avant la marchandise. »

 

(Extraits d’une vidéo de Francis Cousin à radio Courtoisie en 2012)

 

Tout est dit, non ?

Les anarchistes, comptez-vous.

 

L’assistanat prévu pour amadouer et abêtir les foules, je l’ai vécu : il m’a permis pendant des années de bosser comme une dingue, bénévolement, dans des domaines que les marchands délaissaient, parce que non rentables ; c’est le moins qu’on puisse dire ! Cela m’a ouvert les yeux sur tout ce que je ne pouvais pas faire seule et contre tous, des tâches sans cesse recommencées que je pouvais accomplir sous les quolibets, le mépris ou l’indifférence parce que je me racontais des histoires.

Les miennes n’étaient pas celles où le bon dieu viendrait m’ouvrir ses bras accueillants, mais l’héroïsme et la sainteté en étaient les valeurs dominantes. J’étais gaillarde et seule face au monstre de la marchandisation, je prouvais qu’on pût être heureux pauvre et fatigué quand on était en adéquation avec le monde, en fusion avec les êtres vivants que l’on choyait, l’air que l’on respirait, la lumière que l’on admirait et la Lune que l’on adorait. Je rôdais dans les parcs des taureaux la nuit et les entendais s’enfuir en faisant crisser le bois mort ; je me heurtais à la pression de la masse d’un sanglier quand sa course traversait le tracé de la mienne, je surprenais une biche sautant le chemin et la clôture comme une évidente performance, j’écrivais des odes aux araignées si multiples et si belles, parce que j’avais cassé sa toile d’un lourd passage maladroit ; ou bien, les pieds mouillés dans la rosée, ma poitrine se soulevait d’émoi devant les centaines de petits miroirs scintillant au soleil levant que formaient leurs petites toiles, épeires au ventre chatoyant. Et si je galopais dans la plaine, je chantais des chants tziganes aux oreilles de mon cheval qui les orientait en rythme pour m’accompagner. Que d’amour.

Qu’il dure toujours me serait allé, mais peut-être qu’il était si vif étincelant, ce carburant renouvelable, que parce que je le savais fragile, que j’en connaissais les fragiles failles : les humains. Qui s’emmêlent à vouloir bien gagner leur vie à faire ce qu’ils aiment faire ou bien..

 

les marchands disent : le bonheur passe par nous, la richesse qui en est l’avatar le plus parfait, c’est nous.

 

Quelques humains ont fait l’expérience de ce bonheur inouï qu’apporte une fusion avec la nature, avec la Vie, mais la plupart du temps celle-ci ne peut durer parce que le monde social dans lequel cela se passe joue des tours ; moi on a tué la moitié de mes vaches ( le « mes » n’étant pas un titre de propriété marchand mais bien un adjectif qui possède le soin et l’amour), ma chienne, on nous a retiré des terres, et ces traumatismes et ces chagrins ont occasionné une grande perte d’énergie car vivre à côté du monde, tout faire soi-même, et être frugal dans l’inconfort, demande une grande forme qui est entretenue par le régime que l’on se donne.

D’autres se la pètent en expériences exotiques dans des lieux où le consumérisme est quasi absent, sauf leur possible présence, et cela les illumine, mais quand même, non, on ne pourrait pas y vivre, et quand ils rentrent ils ne changent pas d’un iota leur façon de vivre.

D’autres se voient exilés dans des astres colonisés : l’humanité est si grande qu’elle saura transcender les difficultés d’adaptation, ils feraient vivre des poissons en cages et des singes en aquariums ; c’est leur vœu le plus cher : pouvoir chambouler le monde qui leur a été donné, mais ce qui ne leur a pas été donné, c’est l’humilité, l’humilité de leur condition.

Or tous les problèmes qui commencent à nous étouffer assez pour que presque tout le monde s’en rende compte, ne peuvent trouver leurs solutions de manière perenne que dans ce vécu et ce vœu de faire perdurer l’adéquation au monde vivant.

C’est lâcher prise.

Il faut une étincelle de joie au début, une surprenante aube et n’envisager aucun avenir. La vie nous surprend sans qu’on n’en ait fait le dessein. C’est une adaptation continuelle qui suit un choix intuitif proposé par le hasard ou, si l’on y croit, par un ordre divin. Divin c’est bien, ça recouvre tout, mais la destinée est plutôt le fruit d’un passé, très concret dans son incarnation, et plus lointain et plus flou dans l’héritage d’une famille et d’une société. On assume son choix même si celui-ci s’est fait sur « un coup de tête » ; comme nous voulons, en tant qu’humain, donner sens à tout, on ne retient que l’intuition cousine de l’instinct voisin de l’inconscient, et cela nous donne une chance d’apprendre, de connaître, de grandir ; mais ce n’est pas toujours, et quasi jamais, dans la facilité. Ceci dit, la toute puissance de la décision chez les « volontaristes » ou de la volonté chez les décisionnaires ( ce qui est peut-être plus clair) évitent la plupart du temps les nécessaires adaptations de l’instinctif ; en revanche, on n’apprend rien. On rêve de maîtrise spatiale, on se console de notre insensibilité par des calculs, on sait qu’on les aura, les handicaps de notre condition inacceptables !! Que nous les ayons ne fait aucun doute, qu’on les vainc, plus.

Ces gens-là ne sont pas plus dangereux que les alcooliques qui noient leur impuissance dans l’ivresse qui anesthésie, les drogués qui se suicident sans le décider vraiment, et ceux qui versent dans la sexualité, la procréation invertie, sans la moindre réflexion, non pas morale, mais sensible !

Notre monde favorise ou impose cette version, celle qui nous définie comme incapables d’autre chose que l’absurde, l’arbitraire et l’artificiel.

Mais il nous impose avec, la version du pouvoir détenu par les plus fous, les plus vides, les plus dangereux.

 

Quand on est désobéissant, quand on sait que la spiritualité n’est qu’une adéquation au monde de la part de l’espèce, et pas de l’individu, et que cette capacité là est une supériorité aux autres, bien que partagée par les animaux ( qui eux ne verbalisent pas), on se pose la question de savoir pourquoi elle n’est pas donnée à tous : pourquoi l’Homme a-t-il développé, récemment, toute une série de valeurs et de modèles, qui nous conduisent dans l’abîme, le néant ?

La curiosité est l’atout de tout être vivant ; l’enfant et l’animal en sont détenteurs absolus tandis que l’adulte humain civilisé l’a perdue. Narcisse verrouillé n’est curieux de rien, il se protège il va où sa névrose le mène ; l’être libre, c’est-à-dire pas verrouillé, est curieux, et sa curiosité le mène à l’autre : il aime les frontières, les langues multiples et difficiles, les paysages, les coutumes et les costumes divers. Narcisse qui se restreint pour maîtriser, aime, aimerait que tous soient semblables, ce qu’il appelle « égaux ».

...Je ne t’ai pas tué mais je t’ai abattu ; j’ai chaud chez moi l’hiver grâce à toi ; j’ai interrompu un cycle naturel, très long avant que tu ne tombes et que ton tronc s’efface dans l’humus ; je ressens toujours une gratitude et dieu sait si ça fait longtemps que je me chauffe au bois. Je ressens la douleur d’une disparition accélérée, même si je ne touche pas à certains arbres morts qui sont tuteurs de lierre, perchoirs d’oiseaux de proie ou mémoire dans le paysage, et que ça se voit. Je sens mon importunité pas seulement quand j’ai déchiré une toile d‘épeire, mais aussi quand j’ôte du paysage le tronc sec d’un arbre mort. Mon monde est beau, riche de chaque forme, de chaque ombre, de chaque lumière. J’en sais mon importunité mais j’en sais ma conscience.

 

 

Les marchands disent : nous sommes le vecteur de votre modernité, de votre confort.

Les scientifiques disent : nous nommons le monde donc nous le maîtrisons.

Les délirants disent : nous seront présents physiquement partout.

Les cons disent : je le vaux bien.

Le sage dit : je me fonds.

Les modernes disent je m’en fous !

Le musicien répond : pourquoi ignorez-vous que la musique est le langage universel ?

 


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