Les marquis de Bercy : fossoyeurs de l’économie française

par Etienne
mardi 16 septembre 2014

Depuis maintenant 3 semaines, nous avons un nouveau ministre de l’Economie. Emmanuel Macron, 36 ans, énarque, philosophe amateur, ancien secrétaire général adjoint du président de la République, jamais élu et, surtout, passé par la (très) lucrative banque Rothschild. En dix ans, voici un… dixième patron pour Bercy. De quoi laisser songeur tant on nous rabâche que l’économie est le nerf de la guerre. Pour une vision cohérente et de long terme, on repassera. Gageons néanmoins que la durée de vie de M. Macron sera plus longue que celle de son prédécesseur, le nationaliste et obsolète Arnaud Montebourg. En effet, l’ancien assistant de Paul Ricoeur, à l’image de Thierry Breton ou Christine Lagarde, a le grand avantage d’être un (ultra)libéral.

Dix ministres de l’Economie en dix ans donc. Et seulement trois à ne pas avoir été virés en moins d’un an. Parmi les comètes de Bercy, citons Nicolas Sarkozy qui, dans sa course à l’Elysée se sentait plus à l’aise Place Beauvau. 8 mois à Bercy. Hervé Gaymard et son appartement de fonction à 14 000€ par mois. 3 mois à Bercy. Jean-Louis Borloo, dépêché en urgence pour remplacer Alain Juppé à l’Ecologie après que le maire (à vie) de Bordeaux ait reçu l’affront d’une défaite aux législatives. 1 mois à Bercy, record d’Alain Madelin battu. François Baroin pour remplacer paisiblement Christine Largarde partie au FMI. Dix mois à Bercy, bel effort. Et donc Arnaud Montebourg, qu’on ne présente plus. 5 mois à Bercy.

Heureusement, quelques résistants ont réussi à marquer leur passage à l’Economie de leur empreinte. Toujours dans l’ordre chronologique, il s’agit d’abord de Thierry Breton. Issu du civil, grand patron, il avait été choisi par Jacques Chirac pour remplacer M. Gaymard. En un peu plus de deux ans à Bercy, M. Breton a survécu au « non » à la constitution européenne et surtout a jeté les bases de la future politique économique de Nicolas Sarkozy. Résolument libéral, l’ancien dirigeant de France Télécom s’est attelé à la « modernisation de l’économie » : privatisation des autoroutes au moment où elles devenaient rentables, création du bouclier fiscal (tiens tiens), ou encore manœuvre pour permettre à Noël Forgeard, alors président d’EADS d’obtenir un parachute doré de 8,5 millions d’euros alors que l’entreprise était au bord du gouffre.

Depuis, Thierry Breton continue son petit bonhomme de chemin à la tête d’Atos, entreprise de services du numérique. A priori son retour au civil se passe plutôt bien. Les stock-options de M. Breton s’élèveraient ainsi à quelque 21 millions d’euros. Une cagnotte appréciable venant s’ajouter à son 1,35 million de salaire fixe annuel, auquel il faudra encore additionner, le cas échéant, son salaire variable. Tout va bien, merci pour lui.

Le successeur de Thierry Breton à Bercy ne fut autre que Christine Lagarde – la parenthèse Borloo mise à part. Proche de Nicolas Sarkozy, l’ancienne avocate d’affaires, mondialement connue, a su se faire une place de choix au sein du gouvernement Fillon. Il faut dire que celle qui avait fait ses armes gouvernementales au Commerce extérieur sait parler, en anglais dans le texte, aux marchés. Aux manettes alors que la crise des subprimes éclate, si elle n’a pas tout à fait su prévoir sa durée et son ampleur, Nicolas Sarkozy ne lui en a pas tenu rigueur. Peut-être parce qu’il tenait là une ministre aussi populaire que malléable, à même d’être instrumentalisée dans l’affaire Tapie. Promue à la tête du FMI à la suite du séisme DSK, elle est aujourd’hui rattrapée par la justice. De témoin assisté, elle est maintenant mise en examen. Sachant que tout accable l’ancien patron de l’OM et son arbitrage fantoche, il est fort possible qu’un deuxième président français du FMI (de suite) ait à démissionner en raison d’une affaire judiciaire. Propre.

Enfin, autre personnalité à avoir réussi la prouesse de rester plus d’un exercice à Bercy : Pierre Moscovici. L’ancien lieutenant de Dominique Strauss-Kahn a obtenu, grâce au retour du PS au pouvoir, ce qu’il voulait. Sur ses deux années, finalement peu de choses à dire car beaucoup d’échecs. Le chômage n’a pas baissé. La croissance n’a pas vraiment repris. De quoi s’attirer les foudres des Français. Les impôts ont augmenté. Les entreprises ont été saignées à blanc. De quoi s’attirer les foudres des patrons avec qui il a pourtant copiné pendant 2 ans. Enfin, le déficit et la dette n’ont pas baissé au même rythme que les promesses de François Hollande et les demandes de délais. De quoi s’attirer les foudres de Bruxelles.

Beau palmarès donc pour celui à qui, en récompense de l’incompétence, on a offert le poste de commissaire européen. Sous la houlette du grand protecteur de la finance Jean-Claude Juncker, il devrait néanmoins se sentir à son aise à la Commission, où sa nature libérale pourra s’exprimer avec plus d’aise qu’au sein d’un gouvernement prétendument socialiste.

Bref, Emmanuel Macron a toutes les cartes en main pour poursuivre la voie tracée par ses illustres prédécesseurs. Grâce à sa sortie sur les 35 heures, il a d’ores et déjà été adoubé par Pierre Gattaz, le grand manitou du Medef. Suffisant pour tenir jusqu’en 2017 ?


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