Les meilleurs voeux de Le Pen ont un arrière-goût

par Arturo Bandito
mercredi 10 janvier 2007

Le Front national voudrait nous faire croire à son ralliement au camp républicain, mais l’idéologie frontiste n’a pas changé d’un iota.

Le FN voudrait nous faire croire à son appartenance aux partis républicains.

La présence du Front national au second tour de l’élection présidentielle de 2002 a favorisé au sein de ses cadres l’émergence d’une confiance en un réel destin national. Ce parti qui jusque-là assumait pleinement son idéologie et au minimum ses racines d’extrême-droite a donc opéré un virage tactique destiné à séduire un électorat plus large. Il s’agit de ce que l’on nomme communément le « relooking » du Front national, la tentative d’apparaître comme un parti de gouvernement comme les autres, avec un leader comme les autres.

Ce repositionnement n’est pourtant pas idéologique, mais seulement le fruit d’un réalisme politique, du marketing pur et simple pour atteindre une nouvelle cible.

Ce changement supposé est d’autant moins profond que les prétendus ralliés ne sont pas légion et semblent plus glisser vers l’extrême-droite que tirer le FN vers la gauche. Ces derniers temps, ont été mis en avant le ralliement officiel de l’ancien gauchiste Alain Soral et les échanges de politesse avec Dieudonné (présence de ce dernier aux BBR et visite d’une délégation FN dont Bruno Gollnisch à son spectacle du Zénith). Même les esprits les plus naïfs auront du mal à y voir autre chose que le partage d’une haine commune, la haine antisémite.

Autre phase marquante de ce marketing conquérant, l’épisode récent des affiches mettant en avant une jeune fille aux origines non européennes. Campagne d’affiches qui voudrait nous faire croire que le Front national veut que nous relevions la France « tous ensemble », ou pour employer le vocable d’Alain Soral, que ce parti est « national-républicain ».

La plus récente des pierres apportées à cette construction de pure communication est la vidéo de bonne d’année diffusée par Jean-Marie Le Pen sur Internet. Cette vidéo le met en scène dans un décor oecuménique (peintures chrétiennes et statue bouddhiste se côtoient) avec une absence totale de signes ostentatoires (ni drapeau, ni logo) qui pourraient trahir le passé. Le discours suit la même logique rassembleuse, on en viendrait presque à croire que Jean-Marie Le Pen a rejoint « l’establishment » contre lequel il lançait jadis de virulentes diatribes. Aucun des termes fétiches de la rhétorique lepéniste n’est présent : ni insécurité, ni immigration ni quoi que ce soit. L’emphase est mise sur des valeurs fédératrices telles que le travail ou sur des concepts flous tels que l’espoir ou la renaissance.

Un juriste pourrait conclure de ce faisceau d’indices que le parti de Jean-Marie Le Pen a évolué pour se détourner de son passé nauséabond et incarner effectivement une alternative crédible qui veut inclure tous les Français dans son projet. Seulement voilà, on n’efface pas un passé aussi prégnant en quelques mois, et il en reste des traces jusque sur le site même du Front national.

Ce site contient une boutique qui propose à la vente un ensemble de produits portant la caution FN. Je ne m’attarderai pas sur le porte-clés « Bon voyage mon pote », mais plutôt sur les livres proposés. En effet, comment mieux percer l’idéologie réelle d’une formation politique qu’en regardant du côté des livres qu’elle conseille/vend à ses militants et sympathisants ?

L’oecuménisme et la volonté rassembleuse en prennent immédiatement un bon coup. Ainsi, les deux auteurs le plus mis en avant par le nombre de références sont Robert Brasillach et Emmanuel Ratier. Si le premier est célèbre pour son exécution sanction de faits de collaboration, le second nécessite un peu plus de recherches pour le cerner ainsi que son oeuvre.

Emmanuel Ratier est l’auteur phare de la boutique du FN avec pas moins de dix ouvrages en vente parmi lesquels : Les Guerriers d’IsraëlMystères et secrets du B’naï B’rith, Encyclopédie des changements de noms en deux tomes. Des sites vous proposent quelques extraits ou résumés de ces livres, je vous les soumets.

Présentation de Mystères et secrets du B’naï B’rith (Source Faits et documents, site d’E. Ratier) :

« La première enquête au monde sur la plus ancienne (fondée en 1843) et la plus nombreuse (650 000 membres) organisation juive mondiale. Ses dirigeants, ses personnalités (comme Sigmund Freud ou Albert Einstein), ses liens avec d’autres associations, ses réussites politiques et diplomatiques (par exemple, la reconnaissance par les Etats-Unis, de l’Etat d’Israël), son influence au Vatican, etc. L’influence de la Maçonnerie juive est examinée en France et dans le monde. Organigramme complet des loges françaises, la vérité sur le "serment des B’naï B’rith" qui a exclu le Front national du jeu politique, ses soutiens politiques et financiers, la liste de ses invités, etc. Index de plus de 2 000 noms. »

Présentation de l’Encyclopédie des changements de nom (Source Faits et documents, site d’E. Ratier) :

« Ils sont près de 17 000 à avoir changé légalement de nom de 1962 à 1982 et autant de 1983 à la fin de 1997. Aussi bien pour franciser leur nom, se rajouter une particule nobiliaire, supprimer un patronyme ridicule, etc. Du chanteur XXX à XXX, du sénateur XXX à l’écologiste XXX. »

Je me suis permis de supprimer les noms des personnes citées pour ne pas rentrer dans le jeu malsain de l’auteur dont les intentions sont cristallines.

Ceci n’est qu’un petit extrait des ouvrages proposés qui comptent aussi un Camp des saints comportant de telles paroles (Source http://jm.saliege.com) :

"Lorsqu’on sait ce que représente une génération aujourd’hui dans nos vieux pays d’Europe, génération-croupion à l’image de la famille-croupion et de la nation-croupion, on a le cœur serré d’avance et saisi de découragement. Il suffit de se reporter aux effrayantes prévisions démographiques pour les trente prochaines années, et celles que je vais citer nous sont les plus favorables : cernés au milieu de sept milliards d’hommes, sept cents millions de blancs seulement, dont un tiers à peine et pas frais, très vieilli, sur notre petite Europe, face à une avant-garde de près de quatre cents millions de Maghrébins et de musulmans, dont cinquante pour cent de moins de vingt ans, sur les rives opposées de la Méditerranée et précédant le reste du monde !

Inutile de s’attarder plus longtemps dans cette petite boutique des horreurs. Le Front national est un parti d’extrême-droite xénophobe bâti sur une idéologie repoussante, rien n’a changé sous le revirement tactique. A chacun de ne pas oublier ce qui se cache derrière les sourires de Marine et peut être bientôt derrière les blagues de Dieudonné.


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