Les mensonges des incendies forestiers au Portugal

par Pascal de Lima
vendredi 10 juillet 2020

Chaque année le Portugal a son lot d’incendies meurtriers. Le réchauffement climatique pourrions nous dire inlassablement. Pourtant, un tiers des incendies au Portugal est d’origine humaine et intentionnelle, c’est environ 34000 Ha qui partent en fumée si l’on peut dire, un autre tiers au moins, est non intentionnelle. 

Les mensonges des incendies forestiers au Portugal

Pour mettre les choses au clair, cet article est plutôt un article d’opinion fondé sur des faits que je ne prétends pas être totalement impartiaux. Cependant, agacé par la pensée unique en la matière à chaque fois que je me rends au Portugal, j’ai décidé d’écrire cette tribune.

Chaque année le Portugal a son lot d’incendies meurtriers. Le réchauffement climatique pourrions nous dire inlassablement. Pourtant, un tiers des incendies au Portugal est d’origine humaine et intentionnelle, c’est environ 34000 Ha qui partent en fumée si l’on peut dire, un autre tiers au moins, est non intentionnelle. Évidemment, on aura compris qu’entre le non intentionnel et l’intentionnel, la confusion participe de l’obscurantisme volontaire qui règne en la matière.

Car il faut savoir que bizarrement le Portugal est bien à part. Il y brule plus d’Hectares par habitant qu’ailleurs, même pondéré par la surface forestière. Que se passe t-il donc de si étrange au Portugal pour que passés 200 km au dela de la frontière, il ne se produise plus le même phénomène ? 

Certes, on parle beaucoup du réchauffement climatique et de la politique forestière du gouvernement trop axée sur l’eucalyptus peu couteux mais aussi peu résistant. On dit aussi que les maisons seraient trop proches des forêts, qu’il n’y aurait pas de cadastre forestier pour des forêts somme toutes privatives. Ce serait également la faute des plans d’austérité de la Troïka qui auraient réduit drastiquement les budgets notamment consacrés à la lutte contre les incendies (Formation des pompiers, gardes forestiers, recrutement de météorologues, achat de canadairs). Pourtant, paradoxalement, l’UE a versé 50 millions d’euros au Portugal en 2017 l’année de Pedragao Sul, 19 millions par l’administration interne, et le plan national des zones irriguées est doté d’un budget de 500 millions d’euros. 

Les incendies ne sont pas directement criminels au sens meurtrier du terme heureusement, il s’agit plutôt d’une conséquence humaine dramatique collatérale, mais les intérêts économiques et les dégâts au sens matériel eux, nous paraissent étrangement et directement juteux pour toute l’économie. 

Sur le terrain économique il y a trois phénomènes et il faut savoir que l’industrie du bois du Portugal est leader mondial et que c’est la principale industrie exportatrice qui booste le PIB national :

  1. La hausse des prix de certaines catégories de bois du fait de la rareté générée par les incendies, ce bois est ensuite exporté directement sans transformation plus cher.
  2. Au contraire, pour d’autres catégories, qui servent d’intrants à toute l’industrie de transformation du bois, on créé une baisse des prix par diminution fictive de la qualité. Il suffit qu’il ne soit pas détruit totalement mais légèrement incendié. Du coup l’industrie de transformation nationale a un bois en intrant moins cher qu’elle transforme pour un prix plus élevé du produit fini. C’est « la marge du bois ».
  3. Coté économique, il faut ajouter un dernier intérêt : l’obtention de subventions pour catastrophe naturelle, subventions impossibles à obtenir autrement, du coup tout le monde joue les mains liées, liées à de possibles incendies...

Que des incendies démarrent en quatre endroits différents dans un même village entre 16H et 6H du matin à l’heure où les vents sont les plus puissants, et que cela n’émeut pas grand monde, pourquoi pas. Qu’il existe un parcours touristique des incendies, cela commence à être problématique. Que personne ne s’émeuve du fait que certains fonctionnaires des forces armées prennent leurs vacances au moment où le pays en a le plus besoin, pourquoi pas. Que ces derniers volent l’été dans des shows ultra rémunérés d’entreprises privées, cela commence à agacer.

Car les intérêts économiques sont colossaux et le prix en temps réel des dégâts (le time to market) sert aussi de repère au montant des subventions européennes et gouvernementales au titre de catastrophe naturelle (point 3 plus haut). Ces subventions sont versées aux entreprises dédiées à la fourniture des équipements des pompiers, aux moyens de communication, aux formations, à l’industrie automobile et véhicules tout-terrain, aux hélicoptères et…aux municipalités (financement des routes et des chemins, des maisons…). Et ceci en plus de « la marge économique du bois ». Si les zones industrielles sont comme par hasard créées à proximité des zones à risque…les intérêts économiques sont dramatiquement interconnectés. 

Peut-être que le gouvernement a réagi : en juillet 2017 il aurait proposé trois textes de loi : dans le cadre d’une réforme des forêts, l’objectif serait d’abord de limiter l’implantation d’eucalyptus puis de créer un cadastre forestier et renforcer les mesures de prévention. Est-ce suffisant ? Si le Portugal a les compétences pour faire face à un mécanisme si balisé (il sait le faire lorsqu’il s’agit de créer la future Silicon Valley européenne) il doit agir fortement en posant les conditions de sanctions sévères pour les incendies volontairement posés. 

 

 


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