Les néocons sont de retour (1) Sarkozy, « l’américain »...

par morice
mercredi 12 janvier 2011

Et le voilà qu’il a déjà remis son habit de Napoléon. La conduite intérieure de son pays étant devenue un désastre, il a trouvé quel serait le thème de campagne de 2012 : celui de G.W.Bush en 2004 :« la guerre au terrorisme ». Et le revoilà reparti, déjà : après l’affaire du Tanit (*) et celle de l’attaque du camp ou aurait été détenu Michel Germaneau, deux affaires ayant mal tourné, voilà que déboule sur les téléscripteurs l’affaire de l’enlévement de deux jeunes au Niger. L’occasion rêvée qui s’offre à notre « BushBis » de reprendre le flambeau des neocons. Résultat : deux morts chez les otages, et d’autres à venir sans nul doute, une action militaire de la sorte handicapant fortement les chances de s’en sortir pour ceux détenus ailleurs : c’est un fort mauvais calcul. Déjà, à l’époque de Michel Germaneau (**), les espagnols avaient tiqué : ils craignaient des représailles sur leurs propres prisonniers. Le lendemain même de l’opération nigérienne, notre Napoléon de Neuilly traversait l’Atlantique pour aller discuter avec le président américain, qui n’est plus G.W.Bush, manque de chance pour Nicolas Sarkozy qui l’appréciait tant (et sa femme du moment nettement moins). A voir sa mine épanouie, je ne suis pas certain que l’entrevue ait été aussi sereine que ce qu’on a pu en dire... En fait, en Afrique, les intérêts américains sont les mêmes que ceux des français, et ça ne peut donc qu’être problématique, économiquement, diplomatiquement et politiquement. Retour sur les relations entre France, les USA et l’Afrique... Mais on commence par une bombe, tout d’abord...

Le coup de tonnerre, c'est notre confrère de Secret Défense qui l'annonce le 10 janvier : selon lui, l'otage français "Michel Germaneau, le Français détenu au printemps par AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique), est selon toute vraisemblance mort de maladie, bien avant l'opération militaire franco-mauritanienne du 22 juillet 2010. Il n'a donc pas été éxécuté dans les heures qui ont suivi, comme l'expliquait alors le président Nicolas Sarkozy". En fait, l'auteur reprend la thèse du journaliste algérien Mohamed Mokeddem parue en décembre mais qui n'a eu aucun écho ici en France. En effet, pourquoi donc avoir raconté alors qu'il avait été exécuté ? Sinon pour noircir davantage encore ses geoliers ? Ces "terroristes islamistes", auxquels il faut faire la guerre, bien sûr, à en emmener aujourd'hui avec lui toute l"opposition française ! La fameuse "guerre à la terreur", ça ne vous rappelle rien ? Moi si. Avec la désagréable impression ces derniers mois et surtout ces derniers jours qu'on a élu en France en 2007 un G.W.Bush "bis"... toujours prêt à bomber le torse et à prendre des postures guerrières... en voilà un qui n'avait pas serré la main à Bush père et fils pour rien...

L'article de notre confrère, c'est bien en revanche de la bombe, qui déclare la guerre à une manipulation véritable. "Michel Germaneau, 78 ans, avait été enlevé le 20 avril. Cet ingénieur à la retraite, reconverti dans l'humanitaire, souffrait de sérieux troubles cardiaques et devait suivre un traitement quotidien. Il avait avec lui des médicaments en quantité suffisante jusqu'au 18 juin. Une vidéo est diffusée le 14 mai dans laquelle il indique être malade et fatigué. Puis plus aucune nouvelle, ni aucun contact avec ses ravisseurs," précise Jean-Dominique Merchet. Or, il nous indique également que, "grâce à des intermédiaires locaux au Mali, la DGSE fait déposer à plusieurs endroits des médicaments destinés à Germaneau, s'engageant explicitement à ne pas surveiller ces lieux, afin de proteger la vie de l'otage. Aucun de ces "dépôts" ne sera visité par AQMI et les médicaments resteront là." Ce qui laisserait entendre que le pauvre Germaneau était déjà mort, peu de temps après la réalisation de sa vidéo poignante, qui le montrait déjà fort affaibli, le 14 mai.

La DGSE en a en effet, des intermédaires : tous les regards se portent sur Pierre Camatte, lui aussi retenu prisonnier, mais libéré le 22 février 2010. Contre, rappelons-le, la remise en liberté de quatre islamistes réclamés par les terroristes d'Al-Qaida... et sans doute aussi une rançon à la clé (faut bien payer l'intermédiaire). Rappelons aussi que Camatte avait été enlevé par des mafieux maliens et "revendu" à l'AQMI : refilé à Abdelhamid Abou Zeïd, celui qui détenait aussi Michel Germaneau, le grand rival de Belmoktar. En somme, l'AQMI n'était que le commanditaire, et l'islamisme radical idem : on lui a servi sur un plateau ses prisonniers. C'est la confusion entre actes purement mafieux et islamistes qui prévaut dans la région : l'islamisme radical a trop bon dos encore une fois : c'est avant tout de l'argent qui est souhaité par les ravisseurs, quitte à "revendre" l'otage à un groupe islamiste qui le "vendra" dix fois plus "cher" à l'Etat concerné. Et s'en tirera seul la gloriole. Lors du raid de l'armée mauritanienne contre le camp des geoliers présumés, l'armée avait fait chou blanc, et Germaneau était resté introuvable, même son cadavre, alors qu'un otage précédent britannique avait vu la remise de son corps être l'objet de sordides tractations élevées (on a parlé de 300 000 euros). Dès juillet ; le Nouvel Obs avait déjà noté toutes les zones d'ombre du dossier : aujourd'hui, il resurgit à la surface.

Car, lors de son intervention devant les caméras, Nicolas Sarkozy avait déclaré ceci : "nous avons accepté que les forces françaises prêtent un soutien à la Mauritanie qui, informée d'une attaque imminente sur son sol d'un groupe terroriste, avait décidé de mener contre lui une action préventive", avait-t-il expliqué. Le camp "de base du groupe qui a été détruit était susceptible d'être le lieu de détention de Michel Germaneau". Cette fois encore c'était donc une attaque menée par l'armée française, comme pour l'opération au Niger avec les forces nigériennes, conjointement cette fois avec les mauritaniens. Le hic, aujourd'hui, c'est qu'on a eu ensuite une annonce dont personne n'a relevé le côté surréaliste : "Convaincus que nous étions que celui-ci était condamné à une mort certaine, nous avions le devoir de mener cette tentative pour l'arracher à ces geôliers", a-t-il poursuivi. "Malheureusement, Michel Germaneau ne s'y trouvait pas. Aujourd'hui, il est mort".

Comment donc notre président avait-t-il alors appris le décès de Germaneau, c'est bien là le mystère, aujourd'hui, puisqu'à ce jour encore, aucun corps n'a été retrouvé. Seuls les terroristes affirmeront officiellement son décès. Et comment aussi et surtout en est-on arrivé à des titres comme celui de cette vidéo commençant par un "Michel Germaneau a été "décapité"... A partir d'une déclaration, paraît-il, en provenance d'un" élu de la région malienne de Kidal (nord-est)",  "sous couvert de l'anonymat", où était censé être détenu Michel Germaneau. Il a affirmé que "le Français a été décapité sous les yeux" du chef de l'unité radicale d'Aqmi qui le détenait, Abdelhamid Abou Zeid, qui avait déjà exécuté, l'an dernier, un otage britannique, Edwin Dyer, après six mois de détention".

Passe encore qu'on tente de nous faire croire à la décapitation, mais de qui ne va pas, dans cette tentative de bourrage de crâne, c'est l'insistance à faire de l'otage quelqu'un de vivant PENDANT l'assaut. "Il était bien vivant lors du raid, mais caché dans une zone montagneuse dans la région de Kidal, vers la frontière avec l'Algérie. L'endroit est une forteresse imprenable, où les islamistes ont posé des mines et construit des abris pour se protéger de toute attaque aérienne", a ajouté l'élu". Voilà qui laisse assez songeur : en un paragraphe, on a deux beaux mensonges, si l'on compare à la version de Merchet : l'otage était mort de maladie avant l'assaut et n'avait donc pas été décapité. Mais pour le tuer après l'assaut, il faut bien raconter aux médias qu'il était "ailleurs", et toujours vivant. Selon certains, en effet, si cet assaut n'avait mené à rien (sinon à la mort de 4 "islamistes", c'était parce le DRS avait mené la France en bateau ! "Le seul témoignage concernant son exécution provient d'un dignitaire local qui a été impliqué dans des négociations antérieures dans des affaires d'otages, et qui est totalement discrédité" précise l'auteur d'un article assez pointu sur le sujet.

Selon ce même article, en effet, ce sont les algériens, à la base de la création de l'AQMI, qui auraient mené la danse, afin de discréditer la France et son interventionnisme : "cela me ramène à la question de savoir comment la France a eu des renseignements aussi erronés. Il est invraisemblable que les services de renseignement français n'aient pas été en contact avec la Sécurité militaire algérienne, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), à propos de l'opération projetée. Les deux services, français et algérien, ont des relations suivies, et on sait que le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a rencontré le général Mohamed (Toufik) Mediène, le chef du DRS, le 20 juin à Alger."  Ah tiens, personne ne l'avait retenue celle-là : Guéant ; le ministre des affaires étrangères véritable (Kouchner faisant de la représentation), allant causer directement au DRS de la situation... Car les rares photos de la destruction du camp ne laissent pas beaucoup le choix sur l'interprétation de de qui s'y était passé : c'était bien l'œuvre sinon d'un bombardement, ou au minumum d'un tir d'armes lourdes. Or, note le même auteur, ce jour-là, des avions ont été aperçus dans le ciel. Lesquels, ça reste à définir : les deux Beechraft 1900 algériens ou un Bréguet Atlantique 2 français ? Des tirs de MI-25MK-III de l'armée algérienne ou ceux à partir du Caracal du COS (***) ? L'armée mauritanienne ne disposant que d' HAMC Z-9 "Haitun" chinois, des copies de Dauphin français...

"Les premières informations que j'ai reçues de la région, de sources régionales bien placées, peu après midi le 22 juillet, m'indiquaient qu'il y avait eu une intense activité aérienne autour de Tessalit pendant la nuit et la matinée, et que les algériens, appuyés par les COS français, avaient conduit une attaque dans les montagnes voisines de Tigharghar en vue de libérer Germaneau.Tessalit est une ancienne base militaire française modeste de l'époque coloniale. Son aéroport est toujours opérationnel, qui a même été utilisé récemment par les forces spéciales américaines et pour des vols militaires ou privés. Mes sources m'ont indiqué qu'on avait pu entendre des tirs, que six « terroristes » avaient été tués, quatre mis en fuite ou blessés, et que Germaneau pourrait avoir été exécuté par ses ravisseurs au début de l'assaut". Certes l'auteur se trompe sur la fin de l'otage, comme beaucoup l'ont fait, mais sa description d"une attaque aérienne se tient, semble-t-il." Des sources fiables à Tessalit m'ont confirmé qu'en contradiction avec le récit franco-mauritanien, des avions et des hélicoptères ont bien été actifs sur l'aéroport de tessalit, et qu'il n'y avait aucun signe de présence mauritanienne". Le résultat ayant été un fiasco, celui du COS, qui s'est donc trompé de cible, leurré par les indications algériennes. Selon l'anthropologue britannique Jeremy Keenan "la version « officielle » souligne qu'il n'y a pas eu d'opération aérienne, que cela ne concernait pas la localité de Tessalit, et qu'aucune assistance américaine en renseignement n'a été apportée comme cela a pu être dit par ailleurs"  : c'est difficile à soutenir au vu des photos de l'attaque. Reste d'autres questions à définir, notamment le rôle exact des américains, alliés des algériens, qui auraient prêté quelle assistance, on ne sait. Une assistance dans le fourvoiement ?

Le raid n'avait donc rien à voir avec la libération de l'otage : "Aussi, je pense que le raid français n’avait rien à voir avec la libération de l’otage ; il procède d’une autre raison et mire d’autres objectifs. Ces objectifs sont, à mon avis : (1) contrecarrer la démarche algérienne en provoquant son isolement dans la région ; (2) réintroduire le Maroc dans l’équation sécuritaire régionale, (3) faire diversion afin de détourner l’attention des français des échecs de la politique du président Sarkozy ; (4) installer des bases militaires dans une zone riche ressources et que la France considère toujours comme sa profondeur stratégique" avait même alors écrit le Républicain. Il y a bien un enjeu politique derrière, qui se heurte automatiquement à l'envie américaine de créer des bases militaires. Germaneau était donc déjà mort faute de soins, le pauvre : ce qui a en fait été confirmé le jour même grâce à deux personnes enlevées en même temps que lui : "deux éleveurs maliens (Cheikna Ould Bolla et Rabah Ould Bammoshi) ayant été enlevés lors du raid militaire du 22 juillet, contre une base présumée d’une branche armée d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), viennent d’être libérés" dont la presse française s'est empressée de taire le témoignage. Nicolas Sarkozy ayant affirmé que Germaneau était mort, il n'y avait pas à chercher plus loin.

Africa Presse note même à l'égard des soldats locaux : "Après leur libération annoncée par certains membres de leur famille, des officiers de l’armée mauritanienne étaient venus présenter des excuses de l’armée aux parents des deux éleveurs et leur ont même remis des sommes d’argent à titre de dédommagement." Le prix de leur silence, aussi, très certainement. L'opération était un fiasco complet, et l'on savait maintenant qu'elle n'avait servi à rien. Les renseignements sur la localisation de l'otage français étaient erronés. Qui avait berné l'armée française, ça c'est une autre histoire, et il y a plusieurs prétendants au titre : les USA, ravis d'empêtrer les français, les algériens, toujours en train de ravaler le mot "repentance" et la Mauritanie, pas trop heureuse de la libération de quatre islamistes au Mali lors de la libération de Camatte ("bien entouré" notera l'Express)... Du côté des islamistes, on découvre la photo des cadavres quelques semaines après. Selon l'un des familles qui reconnaît un de ses fils, il y dedans Aboubacr Essidigh, qui "serait ainsi le fils de l’ancien député d’Aleg (ville mauritanienne), Yahya Ould Abdi". On indique quelle était sa fonction réelle : contrebandier : "cela faisait déjà deux ans qu’il n’avait pas donné signe de vie depuis deux ans alors qu’il faisait du commerce entre le Sénégal et la Mauritanie, lorsqu’un appel anonyme a informé sa famille de sa mort". On est très loin des islamistes annoncés...

Alors pourquoi raconter de tels bobards ? Et pourquoi n'a-t-on jamais retrouvé le corps de Germaneau ? Pourquoi donc faire dire que "c'est sûr, pour se venger de la mort de plusieurs de leurs éléments, ils ont tué l'otage français. Nous venons de l'apprendre par des canaux traditionnels"... ce qui signifierait là qu'il aurait été tué... après l'assaut : une contradiction de plus ! Car un autre circuit, savait à l'avance le sort de Michel Germaneau : "dimanche dans la journée, au Mali, des sources au sein de services de sécurité et de renseignement avaient assuré à l'AFP que l'inquiétude était à son comble sur le sort du Français, impliqué dans l'action humanitaire."Les nouvelles de Germaneau ne sont pas bonnes", a déclaré l'une de ces sources. "On est très inquiet au moment où de folles rumeurs et des informations lugubres circulent sur son sort". En somme, les services secrets français savaient déjà qu'il était très certainement décédé faute de soins. Le mot "lugubre" ne signifie à mon avis pas autre chose. D'où l'assaut violent, car sa vie n'était plus un frein à une attaque par de gros moyens, tel un bombardement. Alors pourquoi donc raconter autre chose ? N'y a-t-il pas là manipulation ?

Et dans cette surenchère sinistre, l'AQMI n'est pas en reste, à annoncer avec une fierté toute morbide que c'était bien lui qui avait assassiné l'otage français : le "Nous annonçons avoir exécuté l'otage français dénommé Michel Germaneau samedi 24 juillet pour venger nos six frères tués dans la lâche opération de la France", aux côtés des forces mauritaniennes contre une unité d'Al-Qaeda, a déclaré le chef de l'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), Abou Moussab Abdel Wadoud, dans un enregistrement sonore diffusé dimanche soir par la chaîne Al-Jazira". Un mensonge de plus et un communiqué qui permettait de sauver la face d'une opération ratée de prise d'otage, et qui permettait aussi de l'autre côté de mettre en marche la thèse de la décapitation, via les médias interposés : histoire de diaboliser un peu plus l'événement (au même moment l'histoire des moines de Tibérine ressurgissait (et les accusations contre le RDS !). Des deux côtés, c'est clair il y donc eu manipulation des faits et de l'opinion. On pouvait l'attendre d'un mouvement terroriste qui a déjà revendiqué tout et rien : Ben Laden a par exemple revendiqué par témoignage vocal l'attentat de Karachi. On l'attend moins d'un président français, élu d'un pays démocratique qui est censé représenter certaines valeurs fondamentales.

Car cette opération ratée Franco-Mauritanienne embarrasse alors aussi un autre gouvernement : celui de l'Espagne, qui craint alors pour ses otages. L'intermédiaire Burkinabé Mustapha Ould limam Chafi, dont certains pensent qu'il s'est réservé une partie de la rançon versée pour les otages espagnols, confirme ces craintes : "J’ai dit à Belmokhtar que l’Espagne désapprouve le raid français” (...) Le médiateur a précisé que l’attaque franco-mauritanienne menée contre l’Aqmi dans le territoire malien, le 22 juillet passé, pour tenter de libérer l’otage français Michel Germaneau – qui s’est soldée par un échec – a été “le moment le plus difficile” de sa mission, d’autant que les ravisseurs étaient sur le point d’exécuter les deux otages espagnols. “Nous les avons considérés presque pour mort. Nous croyions que c’était une cause perdue”, a-t-il ajouté. Mustapha Chafi affirme qu’il s’est alors efforcé de convaincre Belmokhtar qu’il fallait “dissocier les cas français et espagnols”. “Je leur ai expliqué que non seulement l’Espagne n’a pas participé à l’opération militaire, mais aussi qu’elle la désapprouvait”, a-t-il confirmé. Il a tenu à saluer “l’effort considérable” du gouvernement espagnol et leur service de renseignement pour leur “sagesse et compréhension”, comme il n’a pas manqué de critiquer le gouvernement mauritanien qui a posé, selon lui, des obstacles. Ce qui a tardé la libération des otages avant qu’il décide enfin d’extrader le mercenaire malien Omar le Sahraoui qui était présent lors de la libération des otages"... Le gouvernement français, politiquement, a donc fait cavalier seul : il ne semble pas qu'il y ait eu d"échanges de coups de fll entre Paris et Madrid avant le déclenchement de l'attaque, qui se terminera on vient de le dire en fiasco total "El Pais révèle que le gouvernement espagnol a été "informé" mais pas "consulté" de l'attaque du 22 juillet. Une initiative très critiquée par Madrid, qui craignait des répercussions sur ses otages. Surtout, il ne s'agissait pas des premières frictions entre la France et l'Espagne à ce sujet" pouvait-on lire dans l'Express du 24 août 2010.

Et notre "médiateur" a en effet déjà "œuvré" : "des sources proches des négociations précisent que c’est Belmokhtar, et non le gouvernement espagnol, qui avait choisi Chafi comme médiateur au vu de son “expérience”. Il avait notamment déjà négocié la libération de deux diplomates canadiens en 2009 en échange de 2 Mauritaniens détenus au Mali dont un spécialiste en explosifs, et l’otage français Pierre Camatte en échange de 4 détenus au Mali. Il aurait des relations avec des hauts responsables au Mali et en Libye. Il est issu d’une des plus grandes tribus à l’est de la Mauritanie tout comme sa belle famille est des touareg. Il est le conseiller africain du président burkinabé, on le nomme “Bob dinar Africain”. Ce qui laisse donc entendre que Camatte a été libéré contre rançon également, en plus des quatre détenus au Mali. Camatte, un agent de la DGSE, selon beaucoup d'observateurs. Dont la libération avait été fort mal appréciée en... Mauritanie et en Algérie. Pas de négociations avec Al-Qaida... clamait-on alors à l'Elysée... sauf dans certains cas ? Bien entendu, à peine libéré, Camatte racontait que ses geoliers étaient des "fanatiques", et "qu'il était passé près de la mort". Ce qui n'est guère discutable, nous sommes bien d'accord, mais le propos sur le "fanatisme" rejoignait un peu trop celui sur la "décapitation", disons... Camatte a bien été détenu par un islamiste tendance "dure" et non par Belmokhtar : Abdelhamid Abou Zeïd, le rival, justement, au sein de l'organisation, de Belmoktar. Et ce n'est donc pas Mustapha Ould limam Chafi qui a obtenu sa libération. Ce serait plutôt le maire de Tarkint, ville dans les environs de laquelle le Boeing 727 bourré de coke s'était posé... à deux pas du logement de Pierre Camatte et au milieu des Touaregs : les français et la DGSE adorent les B-727 bourrés de coke, c'est bien connu (enfin, pour ceux qui s'intéressent aux tribulations historiques de la cocaïne.. et à celui de l'émir Nayif bin Fawwaz al-Shaalan al-Saud).

"Deux Maliens en particulier ont participé activement à la libération, le 23 février, de ce Français enlevé le 26 novembre 2009 par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Baba Ould Choueckh, homme d’affaires d’origine arabe et maire de Tarkint, à 90 km de Gao, et Iyad Ag Ghali, diplomate, actuellement en poste en Arabie saoudite et appelé en renfort par Bamako au début de janvier. Ancien chef rebelle touareg, Ag Ghali est originaire de Kidal et appartient à la puissante tribu des Ifoghas. Kidal est la région contrôlée par l’émir Abou Zeid, qui détenait Pierre Camatte. Le diplomate connaît aussi la branche d’AQMI dirigée par l’émir Mokhtar Belmokhtar, ancien chef de l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). Fort de cette connexion, il avait négocié, en 2003, la libération des otages allemands détenus par le GSPC. Quant à Ould Choueckh, commerçant, grand connaisseur du désert, il aurait fait des affaires avec Mokhtar Belmokhtar, avec qui il a noué des relations de confiance". C'est très certainement donc Ag Ghali, de Kidal, qui a raconté à la presse la version de la mort de Germaneau.

Quant à Belmokhtar, c'est hélas lui que l'on retrouve la semaine dernière au Niger, comme commanditaire de la prise d'otage qui vient de se terminer tragiquement : "l'identité des ravisseurs n'est pas formellement établie d'après le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l'état-major des armées à Paris. Mais d'autres sources militaires affirment qu'il s'agit de l'une des deux katiba concurrentes dans l'Aqmi, celle de Mokhtar Belmokhtar. Pour des sources proches du renseignement français, Abdelhamid Abou Zeïd (assassin de l'otage britannique Edwin Dyer en 2009, ravisseur du Français Michel Germaneau mort en juillet 2010 et geôlier des otages d'Arlit) n'est pas concerné par l'enlèvement." nous confirme LePoint. Voilà qui ruine complètement les analyses d'un Jean-Pierre Filiu, qui attribue dans Libération (qui laisse imprimer ça sans broncher !) la prise d'otages à Abou Zeïd : il n'a pas écrit pour rien les "Neuf vies d'A-Qaida", ce "spécialiste", à faire grossir le mythe comme beaucoup d'autres "experts", vivants avant tout de ce mythe, comme nous le verrons plus loin. Les deux pauvres otages nordistes ont été en fait enlevés par "Mr Malboro", le roi de la contrebande, un islamiste de pacotille, ou par une bande désireux de lui "vendre". "L'Algérien Mokhtar Belmokhtar, alias Belawar, qui détenait les otages espagnols, est considéré par des experts d'Aqmi comme un homme d'argent plus que comme un religieux." confirmait il y a peu encore Jeune Afrique. Qui confirmait également que pour les otages espagnols qu' "un des auteurs, en novembre 2009, de l'enlèvement des deux humanitaires espagnols qui viennent d'être libérés lundi, a été relâché, selon les informations dévoilées par un membre de sa famille contacté par l'AFP. « Omar a été libéré peu avant la libération des deux Espagnols, je l'ai vu de mes yeux », a déclaré Mohamed, cousin de Omar Sid'Ahmed Ould Hamma, dit « Omar le Sahraoui »... Imaginez que le fameux Omar ait été l'homme à la Kalachnikov le soir, au bar du "Toulousain", et vous aurez une idée de l'engrenage là-bas... La suite de la soirée, hélas, on en connait la fin tragique.

Or, une fois encore, sur cette dernière intervention de l'armée française au Niger ; là aussi des choses clochent. On a droit déjà à des déclarations hautement contradictoires : "Les corps des otages portaient des traces noires de brûlures et leurs mains étaient liées derrière le dos, a dit sur place un membre du personnel de l'hôpital de Niamey", ce qui confirmerait d'une manière les témoignages recuillis auprès "d'informateurs" dont on ne donne pas le nom, bien sûr et qui ressemblent plutôt à des militaires français bon teint : "au petit matin, poursuit Le Républicain, ils sont toujours en territoire nigérien et ils essuient des tirs de l’armée nigérienne. A la frontière malienne, des forces françaises entrent en jeu, à partir d’hélicos. Sur une bonne quinzaine de djihadistes, plusieurs sont blessés et trois sont tués. C’est à ce moment que le sort des otages français aura été scellé. Ils seront abattus par les ravisseurs et jetés hors de la voiture." Or, peu de temps après, est apparu un tout autre son de cloche : "Une première source soutenait nous disait vers 16 heures, "c’est fini pour les deux otages et leur quatre ravisseurs dont la voiture a été bombardée par l’avion - un Bréguet - qui accompagnait les forces de sécurité qui ont pris en chasse les ravisseurs peu de temps après leur forfait au bar le Toulousain de Niamey" indiquait "Afrique en Ligne". Si la première explication se tient pour les mains liées, la seconde prévaut pour les "traces de brûlures". "Selon une source médicale qui a pu voir les corps, les deux hommes "avaient été attachés, les mains dans le dos, et ils avaient des traces noires sur le corps". Une source proche de la présidence nigérienne avait auparavant assuré à l'AFP que "les corps étaient calcinés". Ah, déjà on a pas le même son là..

Les Bréguet Atlantique II, des patrouilleurs maritimes qui bombardent, maintenant, ça semble plutôt incongru. Détrompez-vous : depuis deux ans, ils sont devenus aussi pointus dans le genre qu'un Mirage III ou un Rafale : "depuis le mois de juillet 2008, les Atlantique 2 ont reçu une capacité supplémentaire de bombardement, qui leur permet d'emporter en soute et de larguer quatre bombes à guidage laser GBU-12 Paveway II. Toutefois ils ne bénéficient pas d'un pod de désignation laser ce qui les oblige à être épaulé par un autre avion ou qu'un TacP (contrôleur aérien avancé) au sol éclaire sa cible". Des désignateurs laser que possède le COS, notamment parmi les troupes du le CPA 10 (commando parachutiste de l'air) un COS décrit partout comme ayant pris part à la traque des preneurs d'otage. Des hommes pilotés par Benoît Puga, le chef d'état-major particulier du président de la République qui a été lui-même l'ancien patron du COS, de 2004 à 2007 et qui "supervise actuellement toutes les opérations militaires envisagées pour retrouver les otages du Niger" nous apprenait le Parisien le 25 septembre dernier... "le para de l'Elysée"... "un dur à cuire de 57 ans qui « n'aime pas la guimauve ». Il a connu Kolwezi, le Tchad, la Bosnie"… comme le présente le Figaro. Voilà qui n'engage pas nécessairement à la sérénité et à à la non intervention, pareil CV... quel a été son rôle exact dans cette action militaire ? La presse a suffisamment glosé sur un Sarkozy tenu au courant "à la minute près" du déroulement de l'opération qu'on peut sans trop se tromper lui en attribuer la paternité. "Selon des sources maliennes," précise le Nouvel Obs, qui précise aussi qu' il n'y aurait pas eu bombardement mais des tirs à partir d'hélicoptères : "des hélicoptères de combat français ont tiré sur le convoi de véhicules des ravisseurs dans le nord du Mali, à une quinzaine de kilomètres de la localité malienne de Tabankor (35 km au sud de Ménaka), où des épaves calcinées ont été retrouvées. Parmi ces épaves, "un gros véhicule 4X4 immatriculé au Bénin", selon une autorité administrative dans le nord du Mali. A Niamey, des témoins avaient déclaré que les Français avaient été emmenés à bord d'un tel véhicule". Voilà qui ne va pas arranger la thèse de l'assassinat "à froid" auquel tiens tant le premier ministre François Fillon.

Ce soir, en tout cas, l'avis est unanime : "Mokhtar Belmokhtar est plus un contrebandier qu’un terroriste, précise Anis Rahmani. Il a utilisé le GSPC, et maintenant Aqmi, pour faire du trafic au nom de l’islam. En réalité, il recherche simplement de l’argent." "La direction d'Aqmi ne peut se passer de ses services, confirme Alain Rodier, du CF2R. C’est lui qui fournit en grande partie le mouvement en véhicules et en armement grâce à son activité de contrebandier, qu’il exerce dans la région depuis 1995." Les deux malheureux jeunes hommes originaires du Nord ont donc été enlevés par l'un de ceux qui a le moins à voir avec une quelconque revendication religieuse islamiste, mais bel et bien par un contrebandier connu. Connu, et fort pratique pour présenter une hydre Al-Qaida partout présente, à l'américaine, dirons nous, un panneau dans lequel tombe à pieds joints un président présenté dans Wikileaks comme le plus pro-américain que la France n'ait jamais eu. S'est-il pris pour G.W.Bush au point de vouloir vraiment mener "la guerre au terrorisme" à ce point ? A t-il profité déjà à deux reprises au moins pour présenter les choses de façon biaisée sur deux événements graves sans que beaucoup ne s'en aperçoivent, y compris une opposition menée en bateau sur la question, muselée par son incompétence sur le sujet (à part Paul Quiles, ancien ministre de la défense, qui est bien le seul à avoir émis des réserves) ? L'histoire le dira plus tard... hélas.

Le Figaro, le 10 janvier, peut afficher fièrement qu'un "nouvel axe franco-américain" se forme "en Afrique"... alors que ce n'est pas exactement cela. Mais cela, justement, nous le verrons demain avec le grand retour des néocons en Afrique : nous vous en avons repéré un qui vaut le détour : en 2005, il était aux premières loges, en France, lors des émeutes de banlieue, qui, je vous le rappelle, ont vu l'instauration d'un couvre-feu en France, un événement pas vu depuis la Guerre d'Algérie... à l'époque, déjà un certain ministre de l'intérieur français avait fait quelques déclarations remarquées. Bien avant que ce futur président ne se prenne pour un président américain (ici, Gérald Ford).

 

PS : A noter, une fois n'est pas coutume chez moi, l'attitude très digne du député nordiste Christian Vanneste, dont je suis loin de partager les idées, mais, qui dès la nouvelle du décès des deux Linsellois connue, s'est empressé de contacter les familles dans les plus brefs délais. C'est tout à son honneur, et il convient de le saluer ici : d'autres n'auraient pas eu cette réactivité et cette disponibilité. C'est aussi hélas le travail d'un élu sur le terrain. Et c'est loin d'être le plus agréable.

(*) Le Tanit, où Florent Lemaçon avait été tué lors de l'intervention, en avril 2009. Ce n'est que plus tard que sera révélé que le tir qui l'avait atteint provenait des forces spéciales françaises.

(**) à son sujet, lire ce bel hommage à son action.

(***) lors de l'affaire du Ponant, le 4x4 des pirates avait été stoppé par un tir précis de fusil de snipper de calibre 12,7 mm McMillan TAC-50 à partir du Panther du Jean-Bart. Au sujet du Ponant, lire ce morceau de bravoure du Figaro tout à la gloire de Nicolas Sarkozy...

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