Les notes de bac de notre président... et alors ?

par Georges Yang
mercredi 6 juin 2007

On avait eu droit à « L’enfant », avec les photos de vacances au ski, à l’histoire des parents séparés et au grand-père de Salonique dont on ne sait pas très bien s’il a fait ou non la Première Guerre mondiale. Nous voilà à l’étape du « Bachelier » avec publication des résultats détaillés des notes dans les journaux. On devrait s’attendre à l’« Insurgé » comme suite logique, mais après les propos sur Mai 68, on peut douter de l’avènement de cet épisode de la trilogie.

Le populaire « Parisien » et le plus élitiste « Marianne » viennent de publier à quelques jours d’intervalle les notes du baccalauréat de notre nouveau président de la République :

7 en français, 8 en maths, 9 en philo et 10 en anglais, mais on ne nous dit point si le candidat a grappillé quelques points avec l’option Education physique et sportive. La motivation de ces publications peut être double. D’abord montrer, comme un espoir pour tous, qu’il ne suffit pas d’être brillant élève pour réussir et a fortiori qu’un élève très moyen peut s’en sortir et accéder aux plus hautes carrières. A l’inverse, on peut aussi se demander si quelqu’un d’aussi moyen, pour rester dans le registre neutre et poli, peut occuper le poste le plus élevé de la République.

Nous ne sommes plus aux temps du « Bachelier » de Jules Vallès, ni même du jeune esthète littéraire des « Faux-Monnayeurs » de Gide qui tient des propos existentialistes avant l’heure. Nous sommes au vingt-et-unième siècle, un siècle de communication et de paraître. Au temps de ordinateurs, nul n’a besoin de l’esprit de synthèse et de la mémoire phénoménale de Pic de la Mirandole.

Il faut donc raison garder à la lecture du dossier scolaire de Nicolas Sarkozy qui passe son bac en 1973, c’est-à-dire à une époque où les pourcentages de réussite oscillaient entre 55% et 70% selon les séries, pour un peu plus de la moitié d’une classe d’âge se présentant à l’examen. Imaginons le même Sarkozy plus jeune de trente ans, passant les épreuves du baccalauréat en 2003. La nature et les modalités de l’examen ayant évolué vers plus de démocratisation diront certains, vers plus de médiocrité diront les autres, les questions à traiter, les grilles de correction, les directives données aux examinateurs ont changé et modifié la donne. On peut donc, sans trop s’avancer et tomber dans l’excès, penser qu’en 2003 les notes de 1973 auraient été revalorisées de 4 ou 5 points pour correspondre aux capacités d’un élève de niveau médian de connaissance. De fait, ce type de correction adaptée permet d’atteindre de nos jours, les 80% de réussite souhaités par l’Académie. Dans ce cas de figure transposé à 2003, nous aurions donc un futur président avec 11 ou 12 en français, 12 ou 13 en mathématiques, 13 ou 14 en philosophie et 14 ou 15 en anglais. On est encore loin de la mention « Très Bien », mais avec ces notes, on passe au premier tour ! Excusez le lapsus, je veux dire sans recours à l’oral.

Nous ne possédons pas les notes des deux Dominique, d’âge à peu près équivalent à celui du président. On peut les imaginer bonnes, mais tout cela n’est que spéculation, comme on le dit dans les séries télé américaines. Admettons qu’ils aient réussi tous les deux avec brio. Quelles conclusions pourrait-on tirer des ces résultats ? Notre ex-Premier Ministre, grand amateur de belles lettres, auteur reconnu par ses adversaires d’un brillantissime discours devant les Nations unies à propos de la guerre en Irak, possédant un album de l’œuvre de Pierre Soulages sur son bureau, n’a pas résisté à la crise du CPE. Comme aurait pu le dire notre presque regretté Chirac, il a fait "pschitt" en moins de deux mois.

L’autre Dominique, le plus flamboyant esprit que la gauche ait pu produire depuis la mort de François Mitterrand, a tout juste réussi à convaincre 20% des militants socialistes et a participé comme beaucoup d’autres intelligences plus modestes à la foire d’empoigne d’après second tour. Donc, avec ses notes très modestes, Nicolas Sarkozy a pu se hisser sur la plus haute marche. Il a eu finalement eu raison, n’épuisant point son adolescence en de vains efforts. Préférant les strophes de Johnny Hallyday à l’œuvre de Baudelaire ou de René Char, les émissions de Guy Lux au théorème de Fermat, il n’a pas épuisé sa jeunesse et son potentiel en recherches vaines et futiles joutes de l’esprit.

Sarkozy est d’une génération charnière qui n’a pas connu Mai 68, ce qui lui permet d’en critiquer l’esprit sans complexe. Sa génération est divisée en deux, non politiquement mais culturellement. Une classe d’âge qui a, encore pour certain, connu la rigueur de l’école primaire et les vers de Virgile au lycée, mais qui était trop jeune pour avoir participé au mouvement, en même temps bercée par la télévision et la révolution des mœurs. Et d’autre part, des non latinistes, des jeunes gens modernes pragmatiques et pressés peu motivés par le savoir encyclopédique, allant à l’essentiel, c’est-à-dire à ce qui permet de gagner vite et beaucoup.

Seule exception politique de cette classe d’âge, le « meilleur d’entre nous » a refait surface malgré son côté bon élève. Ayant évité la cabane, il est parti au Canada. Il a fait un effort pour faire oublier son image d’énarque tristounet en devenant l’adepte de Richard Virenque. Il ne faudrait pas qu’il soit dopé par tant de nouveau succès !

Auparavant, je ne parle pas des temps héroïques de Diogène, aucun philosophe n’était pauvre. L’argent et la culture n’étaient pas incompatibles. Cette nouvelle génération nous prouve le contraire et l’on peut douter de la qualité de philosophe chez ceux qui ont été qualifiés de « nouveaux » par la presse quand on entend leurs pitoyables prises de position devant un plateau de télévision ! Du simplisme érigé au niveau du dogme ! Les récentes élucubrations de Gluksman et de BHL sont très loin des préoccupations kantiennes et nietzschéennes. Mais à propos, combien ces nouvelles stars de la philosophie ont-elles obtenu au bac ?


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