Les nouveaux délinquants de la route
par Jacqueline Leduc Novi
mercredi 12 décembre 2007
Décidément, la coupe est pleine.
Je viens de recevoir une personne à mon cabinet, affolée, profession médecin, chercheur dans un très célèbre et illustre organisme de recherches médical, surdiplômée, mariée, deux enfants ; que peut me vouloir cette personne quasi parfaite ? Que vient-elle faire dans mon cabinet ? Peut-être souhaite-t-elle divorcer ? Ou a-t-elle un quelconque problème avec je ne sais quel employé à licencier ? Eh bien non ! Elle a tout simplement besoin de voir un avocat, car elle a été arrêtée hier matin sur une route de campagne par des policiers ; et pourquoi ? Parce qu’il y avait un stop sur cette route, et qu’elle n’a pas marqué le stop 3 secondes, mais une ! Précisons que la route était déserte ! De plus, elle n’avait pas sa ceinture de sécurité ; on fait les comptes : 4 + 3 = 7.
Le problème est qu’avant elle a perdu les 5 autres points , et il ne lui en reste plus ! Elle ne peut se permettre de perdre son permis de conduire, car il lui est indispensable ; non seulement elle se déplace régulièrement pour se rendre dans son organisme de recherches, mais, encore, elle doit se déplacer régulièrement dans le cadre de son activité de médecin car soumise régulièrement à des urgences ; son cabinet se situe en pleine campagne, et aucun train ne saurait relier dans un délai suffisamment rapide les différents patients qui l’attendent. Elle est d’autant plus mortifiée que les policiers se sont montrés très discourtois, n’hésitant pas, sous prétexte de dresser leur PV à l’obliger à rester tout debout, sous une pluie battante, près de leur voiture, dans laquelle, eux étaient tranquillement installés ; elle était trempée, car les policiers ayant des difficultés à écrire rapidement, cela a duré ! Bien sûr, elle n’a pas reconnu les infractions.
Ce qui est très inquiétant réside dans le fait que ces exemples se multiplient ; pas un seul jour où mon cabinet ne reçoive un appel ; dernièrement encore, un très haut fonctionnaire devant travailler dans une ville du Pas-de-Calais, loin de son domicile lillois, flashé à plus d’une dizaine de kilomètres/heure au-dessus du kilométrage autorisé, là encore sur une route de campagne totalement déserte. Retrait de points assuré ! Voire annulation du permis ; sauf qu’il a prêté son véhicule à un ami ce jour-là. Je suis allé voir son dossier ; la photo est tellement mal prise qu’on ne distingue rien. Il se refuse à dénoncer un ami, ce qui humainement parlant est tout à fait légitime, et légal, puisque, heureusement la Cour européenne a eu à se prononcer sur cette question, et l’a fait en ce sens. Encore à ce jour, je reçois un représentant de commerce, interpellé parce qu’il aurait soi-disant brûlé un feu rouge ; il m’explique qu’il était à un feu rouge ; au bout de 5 minutes, il n’était toujours pas passé au feu vert. Là encore, la route était déserte : pensant que le feu était cassé, il s’est alors avancé avec hésitation ; et là, les policiers, tapis derrière un talus ont surgi ; il paraît qu’ils font cela régulièrement, et ça marche à chaque fois ; et il y en a encore d’autres.
Allons sur le site de l’Assemblée nationale ; les députés et sénateurs, responsables des lois, outre de substantielles rémunérations bénéficient de l’accès gratuit à la SNCF, aux taxis et, pour les ministres, si prompts à donner des leçons, d’une voiture de fonction avec chauffeur. Donc pas de problème pour eux. Le problème est qu’en s’attaquant aux automobilistes, ils s’attaquent à la force vive de la nation ; plus aucune profession qui ne soit pas touchée. Et le sentiment d’indignation s’amplifie dangereusement, tant la législation est absurde. Et surtout le sentiment d’être "racketté" revient sans cesse chez des personnes dont le moindre que l’on puisse dire et écrire est qu’elles ne sont pas à ranger dans les contestataires en tout genre que peut produire une société à un moment donné. Mes clients sont de plus en plus nombreux également à se plaindre des incivilités de la police et de son ton, vécu comme inutilement agressif, voire grossier ; on se plaint beaucoup de la mauvaise foi de certains. Le sentiment à cet égard est à la fois intense et amer car, dans le même temps, les policiers ne semblent pas être présents dans les cités dangereuses. A cet égard, la politique des primes accordées aux policiers après un certain quota de gardes à vue et infractions routières constatées est jugée catastrophique, car il est plus facile d’intercepter une brave mère de famille qui a soi-disant brûlé un feu rouge que de démanteler un gang dans une banlieue.
Bref, la grogne monte très sérieusement ; et quand la France sera complètement arrêtée car trop occupée à récupérer ses points, et faire annuler ses retraits de permis, qui paiera les privilèges de nos chers élus ? Qui ?