Les nouvelles semences du capitalisme

par Michel Monette
mercredi 10 janvier 2007

Si rien n’indique que les cultures transgéniques vont améliorer à long terme les récoltes, en revanche elles vont très certainement bouleverser le paysage agricole et enrichir les actionnaires des multinationales.

Certains aiment nous asséner sentencieusement que la fin de la faim approche, grâce aux manipulations transgéniques. La réalité est beaucoup moins exaltante : les semences transgéniques servent à intensifier les grandes monocultures dans les pays du Sud. Cette razzia sur les terres se produit au détriment des cultures vivrières dont vivent les paysans, et de l’environnement.

Pour comprendre ce que sont les OGM, leurs possibilités et leurs risques, il d’abord regarder en entier ce documentaire produit par Télélabo, WebTV de vulgarisation scientifique, destiné aux spécialistes et au grand public.



Il faut ensuite savoir comment s’est fait le passage vers l’appropriation du vivant avec la mondialisation de la logique des brevets.


"Qui parle de breveter le vivant", 1er prix du Festival du film scientifique, Oullins, 2004.

La prétention de ceux qui commercialisent le vivant transgénétiquement modifié est que le producteur agricole n’est plus soumis aux aléas de la nature. « En réalité, tout ceci n’est pas de la science ; c’est du business et de l’idéologie », soutient le réputé biologiste Jacques Testart.

Ce scientifique se bat contre l’introduction des cultures transgéniques dans l’état actuel des connaissances scientifiques. Il croit que les recherches ne sont pas assez avancées et que l’aventure comporte des risques (voir l’article de Wikipédia sur Testart).

La bataille est dure. Une multinationale comme Monsento a une stratégie qui repose à la fois sur la conquête des marchés et sur un formidable arsenal juridique.

Une fois le doigt pris dans l’engrenage, plus moyen de faire marche arrière. Les agriculteurs s’engagent de fait dans beaucoup plus qu’une culture transgénique. Ils deviennent des clients captifs, dans une agriculture intensive en capitaux, concentrée et spécialisée.

De fait, plus de 80% des cultures transgéniques se font à grande échelle et servent à nourrir le bétail. L’exemple le plus spectaculaire est celui de l’Argentine, où le soja transgénique s’est répandu plus rapidement que de la mauvaise herbe et est devenu un cauchemar écologique et sanitaire.

Un cauchemar payant. Ainsi, Monsento a obtenu « des redevances de 80 millions de dollars pour la seule production de soja du Rio Grande do Sul » en 2005. (Marcelo D. Varella, Propriété intellectuelle et semences : Comment une multinationale détourne « légalement » les lois d’un pays, Inf’OGM ).

Il faut lire l’article de Varella pour comprendre comment Monsento a réussi à augmenter de façon substantielle le contrôle de la production de soja en Argentine et au Brésil par le rachat des semenciers locaux et par le contrôle des droits de propriété intellectuelle.

L’agrobusiness se joue entre gros joueurs. Elle a pour toile de fond une concentration de la terre, pas forcément par l’augmentation des propriétés, mais par l’établissement de relations contractuelles avec les producteurs agricoles grâce auxquelles les grandes entreprises se garantissent un approvisionnement (c’est le cas de Cargill, ABN, Bunge et autres), ou financent l’adoption de la « nouvelle agriculture » transgénique comme le fait Monsento.

Cette tendance est lourde, d’autant plus que la demande pour une production à grande échelle va s’intensifier avec la montée des biocombustibles (Silvia Adoue. Un modèle d’agriculture basé sur la monoculture, l’exportation et le profit).

Il y a 1,3 milliard d’exploitations agricoles dans le monde et à peine 30 millions de tracteurs. Quel marché, croyez-vous, visent les Monsento de ce monde ?

Posons la question autrement : au profit de qui les transnationales mettent-elles le vivant en coupe réglée ?


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