Les racines du mal

par Lordius
mardi 11 décembre 2018

 Lundi 10 décembre 2018, le président de la République française a pris la parole pour la énième fois afin de tenter d’éteindre l’incendie gilet jaune, ce mouvement de grogne sociale et fiscale qui s’est transformé en insurrection nationale et fait même tâche d’huile chez nos voisins belges, néerlandais et hongrois. Moins en Égypte, car la vente de gilets jaunes y est interdite !

 Que penser de cette allocution ? Quelle sera la suite de l’insurrection ?

 Le discours a fort mal commencé. Macron a fait la morale au bon peuple de France. La violence, c’est mal, c’est intolérable. Mais pas un mot de compassion pour les victimes des violences policières. La grand-mère tuée (chez elle !) par un tir de grenade lacrymogène. Voilà une sacrée bavure qui méritait au minimum une enquête de l’IGPN. Les jeunes hommes dans le coma à cause de tirs de flashball à la tête. Les mains arrachées par les grenades détonantes GLI-F4. Seule la France en Europe les utilise, car elles sont jugées trop dangereuses. Dès le 30 novembre 2018, un collectif d’avocats a demandé au Président l’interdiction de ces grenades suite à des blessés graves lors de l’acte 2 (24 novembre). Aucune réponse, bien entendu et samedi dernier (8 décembre, acte 4), un jeune homme a perdu une main à Bordeaux. Aucun mot non plus sur les 1700 rafles préventives, dénoncées par les avocats comme liberticides. J’arrête l’numération, la liste des exactions policières et judiciaires serait trop longue. Concernant l’usage de la violence par les insurgés, je renvoie à mon article sur AgoraVox.

Il y a plus grave. Le Président a demandé à l’Intérieur la plus grande fermeté. C’est une menace à peine voilée : si vous faites l’acte 5, vous allez dérouiller. Quelle nouvelle mesure sécuritaire pour samedi prochain ? L’arme en dernier ressort ? Nous avons appris que les blindés disposent d’un liquide incapacitant très puissant capable d’asperger l’équivalent de plusieurs terrains de football. Voilà un arsenal que ne désavouerait pas feu le général Pinochet.

Le Président a affirmé l’importance de l’éducation. Mais pardi ! Comme si on ne le savait pas ! Alors que son trône vacille, que l’insurrection urbaine prend de l’ampleur chaque samedi, il prend le temps d’enfoncer des portes ouvertes ! Et plus choquant, pas un mot sur la révolte des lycéens. Pas la moindre mesure pour apaiser leur colère ! Outre les centaines de lycées bloqués, il y a eu des insurrections urbaines lycéennes dans plusieurs villes, la semaine du 3 au 7 décembre. Toulouse, notamment, toute une journée, avec transports en commun stoppés. Les insurrections adolescentes sont tout de même très rares, à toutes les époques et sous tous les régimes. Après l’allocution télévisée, le ministre de l’Éducation Nationale est venu débattre sur je ne sais plus quelle chaine de télé. Lui non plus n’avait rien à dire sur la révolte lycéenne ! Il est vrai que les adolescents ne votent pas encore. Et que le ministre ne le sera plus quand ils voteront.

Le Président a annoncé que nous n’échapperions pas à un débat national sur l’immigration. Fort bien. Mais le jour même, il ratifie le très controversé accord de Marrakech ! Il se moque de nous. Voilà typiquement une mesure prise contre l’avis du peuple. Elle nécessite un référendum.

À ce propos, aucune annonce concernant la démocratie participative. Il s’agit pourtant d’une des principales revendications des gilets jaunes. Et la seule qui ne coûte rien… sauf au pouvoir en place. La démocratie participative fonctionne ailleurs, en Suisse par exemple. Les gilets jaunes veulent des référendums sur tous les grands sujets sociétaux. Plus de Jeux Olympiques ruineux contre l’avis de la majorité du peuple !

Autre silence assourdissant, le Président n’a pas daigné indiquer comment il allait financer les mesures sociales consenties (SMIC, CSG, etc.) dont le coût est évalué entre 10 et 15 milliards. Il n’est pas question de faire payer les riches ni les entreprises. Une augmentation des impôts est exclue, du moins à court terme. Alors le déficit va encore augmenter. Et c’est la pire solution. Les intérêts de la dette sont le PREMIER coût du budget de l’État. En une génération, nous avons ruiné le pays. Laisser filer la dette, ce n’est pas seulement pénaliser les générations futures. C’est nous pénaliser nous-mêmes dans un an ou deux. La France ne peut plus vivre au-dessus de ses moyens. Il faut donc arriver à l’équilibre budgétaire. Et pour cela diminuer les dépenses publiques. Par exemple, le budget de l’Armée. Tant pis ! Nous n’irons plus bombarder les Syriens ni occuper le Mali. Autre mesure d’économie, supprimer le Sénat. Macron reste l’homme du système. Il continue les vieilles recettes (ou plutôt les vieux coûts) qui ont ruiné la France. D’autres responsables politiques semblent avoir évolué. Anne Hidalgo n’est pas réputée pour sa sagacité. Elle traine des casseroles comme la gestion calamiteuse de l’affaire Jean-Claude Decaux. Pourtant, elle vient de prendre une décision de bon sens. Les élus parisiens ont constaté que les dégâts de l’acte 4 sont en fait supérieurs à ceux de l’acte 3, car l’insurrection de l’acte 4 s’est dispersée dans plus d’arrondissements que celle, pourtant plus spectaculaire, de l’acte 3. Hidalgo a annoncé que les impôts n’augmenteraient pas. À la place, plusieurs projets seront annulés. Voilà exactement ce qu’il faut faire !

L’ISF, peut-être contreproductif, est considéré par beaucoup comme un symbole. Si la majorité des gens souhaitent son rétablissement, il faut s’exécuter. Démocratie oblige. Dans le doute, référendum !

L’écologie est un sujet qui dépasse le cadre de cet article. Je dirai simplement qu’il faut être réaliste : nous n’avons tout simplement pas les moyens financiers de mesures qui coûtent de l’argent. Il va falloir être créatif et faire un effort pour, chacun de nous, diminuer la pollution. Exemples : manger moins de viande et prendre moins souvent l’avion pour les vacances.

Aucune mesure pour apaiser la grogne des automobilistes, desquels est née la contestation. Pourtant, quelques mesures d’apaisement n’auraient rien coûté financièrement. Macron aurait confié récemment à un élu que la mesure de limitation de vitesse abaissée à 80 km/h était une connerie. Qui ne fait pas d’erreur ? Mais quel est cet homme qui reconnait son erreur et refuse de la corriger ? Errare humanum est, sed persevere diabolicum (l’erreur est humaine, mais l’entêtement est diabolique).

Alors, les mesures annoncées seront-elles suffisantes à arrêter le mouvement gilets jaunes ? D’après ce que je lis sur Facebook, la réponse est non. La boite de Pandore a été ouverte. Il n’y a hélas qu’une façon de la fermer. Chaque groupe a sa bête noire. Pour l’extrême-gauche, ce sont les riches. Pour les identitaires, c’est l’immigration massive. Eh bien, pour les gilets jaunes, Macron est devenu le point de cristallisation de la haine populaire, le mal, la bête noire à abattre. Il doit accepter un référendum de type gaullien, demander au peuple s’il doit rester. Ou, au minimum, dissoudre l’Assemblée et accepter une cohabitation. Sinon l’insurrection populaire urbaine va aller croissante.


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