Les raisons du « malaise algérien » 2

par GHEDIA Aziz
mercredi 4 février 2009

Un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible mais pour un citoyen inutile. » Thucydide (v. 460 - apr. 395 av. J.-C.)
 
C’est par cette citation, tirée de l’article "Troisième contre-choc pétrolier : Que fait l’Algérie ?" de Chems eddine Chitour, que je trouve admirablement belle et toujours d’actualité, que je reprends mon stylo de… pourrais-je dire de pèlerin (?) pour expliciter encore davantage les raisons du malaise algérien.

A mon sens, le "malaise algérien" est avant tout d’ordre politique ; Financierement, l’Algérie se porte bien. Le mérite de cette embellie financière revient à notre sous sol saharien qui regorge de gaz et de pétrole ; et même si le pétrole est à son plus bas niveau depuis quelques semaines déjà, l’on nous rassure que le pays, du fait des réserves en dollars qu’il a déjà engrangé, peut tenir cinq ans sans avoir recours ni au FMI ni à la banque mondiale ; Tant mieux ! Le hic cependant c’est que cette durée où l’on pourrait être tout à fait insouciant et à l’aise du point de vue pécuniaire est, à chaque fois, revue à la baisse ; Elle était estimée par certains économistes, au moment ou l’on commençait à parler de la crise économique mondiale, à cinq ans. Mais depuis, elle ne cesse de se réduire comme peau de chagrin à chaque baisse du prix du baril de l’or noir. Elle ne pourrait, selon les économistes les plus chevronnés et les plus communicants en la matière, excéder les trois ans. Mais il est vrai qu’en matière de prévisions économiques nul n’est infaillible. Pour preuve, aux Etats-Unis personne n’a vu la crise venir jusqu’au jour où les banques se sont mises à mettre la clé sous le paillasson les unes après les autres ! Bref ne nous égarons pas trop dans le labyrinthe de l’économie et parlons plutôt de ce qui ne va pas en Algérie. C’est, à mon sens, surtout dans le domaine politique que les choses se sont véritablement gâchées depuis que l’éventualité d’un troisième mandat au profit de l’actuel président de la République a commencé à faire son chemin au milieu d’une certaine classe politique.


Genèse de l’affaire : 

Après plusieurs mois de faux suspens, délibérément entretenu, le verdict est tombé tel un couperet : la constitution est amendée par "une majorité écrasante" de députés ce qui permettra au président Abdelaziz Bouteflika de se présenter pour un troisième mandat. Mais le problème n’est pas là. Il est dans la façon dont se sont déroulés les évènements : initialement, il était question que l’amendement de cette Constitution devait se faire par voie référendaire : autrement dit, au peuple souverain de décider du changement ou non de celle-ci ; mais, le pouvoir a fait traîner les choses et s’est rabattu au dernier moment sur le Parlement dont il s’était déjà assuré de la fidélité. Et comment, après une augmentation salariale des députés qui frise l’indécence ? Tout cela au moment même ou des pans entiers de la société algérienne crient famine ! Au moment même où des corporations entières de fonctionnaires se mettent en grève pour attirer pour la énième fois l’attention des pouvoirs publics sur leur condition sociale, sur la dégringolade de leur pouvoir d’achat, sur…., sur, ….., la liste est encore longue. Et quelle est la réponse du pouvoir à ces grévistes ? Le pouvoir ne veut ni n’entends s’asseoir à la table de négociations, il menace plutôt de recourir à des ponctions sur les salaires de ceux qui n’ont que ce moyen extrême pour se faire entendre. 

En fait, l’amendement de la constitution par les deux chambres réunies en ce jour du 12 novembre ne constitue nullement une surprise. Ces deux chambres nous ont habitués au fait qu’elles ne sont, à proprement parler, que des chambres d’enregistrement et le résultat était donc connu d’avance. A-t-on déjà vu des députés faire de l’opposition à un pouvoir qui leur assure plus que ce qu’ils pouvaient espérer ? Mais ne tirons pas à boulets rouges sur les députés ; les députés font le travail pour lequel ils sont grassement rémunérés : lever le bras au moment du vote et rien qu’au moment du vote pour signifier à leur employeur, le pouvoir en place, qu’ils sont d’accord sur le fond et sur la forme sur tout ce qu’il leur propose. Ils ne savent pas dire "Non", nos députés ; le "Non" ne fait pas partie de leur vocabulaire ; de leur lexique : à l’APN, on ne défend pas ses idées et, éventuellement, l’orientation politique du parti auquel on adhère, mais sa croûte et son lot de terrain à bâtir, dans les endroits les plus huppés de la capitale, de préférence. C’est, en fait, ces choses-là, des choses beaucoup plus terre à terre qui animent nos députés et qui guident leurs pensées ou plutôt leurs actions ; car lever le bras est un mouvement, une action et non une pensée. Ça n’exige qu’un petit effort musculaire, le temps que le décompte de bras levés pour le "Oui", par celui haut perché, le président de l’assemblée, soit fini. Seuls 22 députés, appartenant au parti RCD du Dr Said SAADI, n’ont pas levé leurs bras, nous dit-on. Mais ils sont restés muets comme des carpes car il leur était interdit de s’exprimer et d’exprimer leur ras le bol devant le viol caractérisé des prérogatives du député, lequel député se trouve ainsi réduit à un moins que rien aux yeux de celui qui l’a mandaté : l’électeur. Car, si un député ne peut pas s’exprimer à l’APN et ne peut pas débattre d’une question aussi cruciale que celle de l’amendement de la Constitution, où pourra-t-il le faire ? 

 A suivre


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