Les séries télévisées

par ricoxy
mardi 4 octobre 2016

LES « SÉRIES » TÉLÉVISÉES

 

L'expression « série télévisée » est un calque de l'anglo-américain serial, TV series ou television series ; c'est un « produit culturel » moderne très apprécié qui inonde le monde entier. Cette expression est devenue synonyme d'une sorte de feuilleton télévisé, c'est-à-dire d'un téléfilm à caractère populaire, et divisé en un certain nombre d'épisodes. Nous allons essayer d'étudier des séries diffusées en France.

Posons d'abord les définitions : un feuilleton désigne une suite temporelle et logique d'épisodes d'une œuvre de fiction tournant autour d'un même thème, et avec les mêmes personnages ; une série désigne un genre un peu différent, où les épisodes ne forment pas forcément une suite temporelle ou logique, chaque épisode constituant le plus souvent une aventure à part. Les personnages restent en général les mêmes, même si quelques-uns changent au gré des lubies des acteurs ou des réalisateurs.

Prenons un exemple : Belphégor, avec Juliette Gréco. Version ancienne : Belphégor, ou le fantôme du Louvre ; L'Intégrale du feuilleton original (réclame publicitaire sur le site d'Amazon . fr). Et la nouvelle version : [...] allègrement le mythe de Belphégor, celui-là même qui éclipsa les élections municipales de 1965 et tenait la France en haleine devant l'insoutenable suspense de la série télé en noir et blanc (Écran noir . fr). Pour Bélphégor, c'est évidemment le mot « feuilleton » qui s'impose.

Les séries télévisées, puisque « séries » il y a, sont normalement destinées à divertir le grand public, mais on constate une dérive sociale ou socialisante. Et un grand nombre de séries – si ce n'est toutes –, diffusées en France, sont placées sous le signe du politiquement correct : pas un mot plus haut qu'un autre, pas une pensée plus haut qu'une autre. FR3 a même interrompu la série britannique Inspecteur Barnaby car son producteur se vantait du fait qu'il n'y apparaissait aucun homme de couleur. FR3, encore elle, a interrompu la série allemande Inspecteur Derrick car son principal interprète, Horst Tappert, avait été plus ou moins nazi durant sa jeunesse. Et pour répondre à l'exigence de « parité » par exemple, de nombreux chefs de services administratifs ou policiers sont maintenant des femmes. Dans les séries états-uniennes, on peut citer : Castle, Chase, Mentalist, N.C.I.S. (dans une première série d'épisodes), N-Y Police judiciaire, où le chef de service est une femme noire, double « discrimination positive », etc. Dans les séries françaises : Julie Lescaut, Une femme d'honneur, Le juge est une femme, Diane femme flic... Pour l'Allemagne, on note Alerte Cobra, où le chef de service est une femme. Le nombre de fliquettes, de commissairesses, de jugesses est en progression exponentielle (1).

(1) la finale en -esse, que l'auteur utilise, n'est pas du tout péjorative ; qu'on en juge plutôt : dieu - déesse, prince - princesse, duc - duchesse, comte - comtesse, etc.

Les séries policières ne veulent pas seulement divertir les téléspectateurs, mais encore elles ont pour ambition de montrer la société telle qu'elle est ou devrait être, et de faire la leçon aux citoyens. Et pour répondre à l'exigence de non-discrimination, de « diversité », de nombreux acteurs sont noirs ou arabes. Dans la série allemande Alerte Cobra, le héros principal Sami Garçan est joué par un acteur d'origine turque, Erdogan Atalay. Quelques homos apparaissent ça et là ou quelques asiatiques (Van Loc, flic à Marseille, avec le vrai commissaire Van Loc dans son propre rôle), mais ce n'est pas encore ça. Il manque les roux (mais il y a Les Experts de Miami, avec David Caruso), les nains (mais il y a Joséphine, ange gardien, avec Mimi Mathy) ; il manque les hémi- et tétra-plégiques (mais il y avait Robert Dacier, L'Homme de fer, avec Raymond Burr, cloué dans son fauteuil roulant). Il manque les gauchers (ah mais non ! il y avait George Bush père, vraiment gauche dans son grand opéra-bouffe Tempête du Désert, dont son bouffon de fils reprit la série dans une époustouflante « saison » 2.

Les séries dérivent donc de plus en plus vers le social, on y trouve la condamnation explicite de la pédophilie, du racisme, et la mise en avant de l'homosexualité et de l'homo-parentalité, voire de la trans-sexualité (Samantha oups !). Ce n'est pas là le rôle d'une série, destinée à divertir. Tout cela participe du grand lavage de cerveau généralisé, car les séries se vendent bien dans le monde entier. En fait, tout se passe comme s'il y avait une moralisation des séries.

Et dans un souci d'humaniser les héros de séries policières d'une part, et d'autre part pour les faire se démarquer d'Hercule Poirot, de Sherlock Holmes (les imagine-t-on amoureux ?), ou du commissaire Maigret, pour qui le comble de l'érotisme était une petite tape sur les fesses de sa femme (2), l'on rencontre maintenant des héros humains, qui rient, qui pleurent, qui baisent, qui ont des sentiments, qui ont des états d'âme, qui ont une famille, des enfants, qui ont des problèmes avec leur fille droguée ou avec leur père alcoolique – bref des personnes ordinaires. Le héros policier n'est plus une entité pensante, il ne se contente plus uniquement de « faire fonctionner ses petites cellules grises », comme Hercule Poirot. Il fait fonctionner tous ses sens. Les concepteurs de telles séries ont changé l'image du héros, ils l'ont même détruite, car le héros doit rester un être hors-norme, un exemple, un modèle.

(2) d'après les souvenirs de Jean Richard, qui incarna longtemps le commissaire Maigret à la télévision, ceci lui aurait été affirmé par Georges Simenon. Quand on sait que Simenon était surnommé « l'homme aux dix-mille femmes » !...

Les séries sont tellement nombreuses qu'on peut adopter un classement entre elles, une sorte de loi des séries. L'auteur, n'étant pas abonné à Canal+ d'une part, et ne passant pas son temps devant son téléviseur d'autre part, ne parlera pas de toutes les séries diffusées. La liste suivante n'est donc pas du tout exhaustive :

■ séries dites « policières  » où s'entremêlent assez souvent deux ou trois intrigues (intrigues croisées), prétextes à « faire » du social ou du politiquement correct. Ça dégouline de bons sentiments et de bien-pensance. L'intrigue classique : qui a tué, et pourquoi ? n'apparaît que secondaire, à la grande différence des vieux téléfilms comme Les Cinq dernières minutes, avec Raymond Souplex et Jean Daurand, Les Enquêtes du commissaire Maigret, avec Jean Richard, Navarro, avec Roger Hanin, Commissaire Moulin, avec Yves Rénier. Quant à la série Columbo, avec Peter Falk, elle connut un grand succès en France malgré des intrigues à contre-courant : on sait d'avance qui a tué ; comment Columbo va-t-il démasquer le coupable ?

Et qui se souvient encore d'Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur, avec Georges Descrières, des Brigades du Tigre, avec François Maistre ? Tous ces vieux feuilletons télévisés étaient bien ficelés et gardent tout leur charme.

■ séries dites de « détectives  » ; un privé aide la police à résoudre une enquête. La police a toujours besoin d'aide, mais n'apprécie pas qu'on la lui apporte ; ça se passe donc souvent mal entre police et détectives. Angleterre : Les Aventures de Sherlock Holmes d'après Conan-Doyle, avec Basil Rathbone, et Hercule Poirot d'après Agatha Christie, avec Peter Ustinov ou David Suchet. En France, Nestor Burma, d'après Léo Malet, avec Guy Marchand. Ces séries s'appuyent sur des œuvres littéraires, ce qui est un gage de qualité.

■ séries dites de « profileurs  », comportementalistes ou psycho-flics. Grand succès. Ça donne l'impression qu'il peut y avoir des flics intelligents. Une des séries les plus connues est sans doute Esprits criminels, avec Joe Mantegna et Thomas Gibson. L'équipe de cette série pourchasse une espèce d'assassins qui connaît un énorme succès, à savoir les « serial killers » ou tueurs en série en français, dignes héritiers de notre brave Landru national.

Illustration sur le fond d'un cendrier. Pour exorciser la réalité ?
(Signature – en bas à droite – illisible).

Parmi les tueurs en série, Dexter, avec Michael Hall, prend une place à part, car le héros, spécialiste des taches de sang à la police de Miami, est lui-même un tueur en série. Mais en France, on fait presque aussi bien puisqu'on a, dans un autre registre, des ministres du Trésor qui ont des comptes cachés à l'étranger…

■ séries dites d'« espionnage » comme Destination danger, avec Patrick McGoohan, ou encore Chapeau melon et bottes de cuir avec Patrick Macnee, série mi-espionnage mi-fantastique. Ces deux séries connurent un grand succès avec leur cachet très britannique (la « british touch »). On peut encore citer la série américaine Mission impossible, avec Peter Graves, aux relents de guerre froide.

■ séries dites d'« experts  », comme Les Experts de Las Vegas avec William Petersen, Les Experts de Miami avec David Caruso, Les Experts de Mahattan avec Gary Sinise, Les Experts Cyber avec Patricia Arquette. Ces séries mettent en jeu des experts de la police scientifique, héritiers de Bertillon et de Locard, avec leur arsenal de microscopes, de cotons-tiges, de pinces à épiler et – techniques de pointe obligent – de matériel scientifique dernier cri. La police délègue ainsi l'établissement des preuves au matériel scientifique. Les cotons-tiges et les écrans d'ordinateur remplacent les « petites cellules grises » d'Hercule Poirot. Gros succès, malgré des erreurs flagrantes. L'existence de toute une panoplie scientifique à la disposition de la police devrait normalement, selon Pierre Bellemare (Les Enquêtes impossibles), persuader les futurs criminels que « le crime ne paie pas ». Les Experts auraient-ils un côté disuasif, voire pédagogique ?

■ séries dites de « mentalistes  », ou manipulateurs mentaux travaillant avec la police, comme Mentalist, avec Simon Baker, ou Lie to me, avec Tim Roth. Ces séries s'inspirent des travaux de David Lieberman, spécialiste du comportement humain (livre « Never be lied to again » : On ne vous mentira plus jamais). Les héros sont censés déchiffrer les émotions et pensées cachées des suspects, grâce à la détection des « micro-expressions » et à des techniques d'inquisition mentale.

■ séries dites « judiciaires  » qui, comme leur nom l'indique, vous condamnent souvent à crever d'ennui, sauf votre respect, Votre Honneur [sic, comme on a de plus tendance à dire en France, en reprenant cet idiotisme anglais]. Certaines séries, comme N-Y Police judiciaire, avec Jerry Orbach et Sam Waterston, ou comme Les Cordier, juge et flic, avec Pierre Mondy et Bruno Madinier, mêlent l'aspect policier et l'aspect judiciaire. Le plus étonnant est le côté marchandage voire maquignonnage du système judiciaire états-unien dans N-Y Police judiciaire : si son client plaide coupable, l'avocat peut s'entendre avec le procureur sur la peine à subir.

■ séries dites « médicales  », décrivant la vie du personnel dans un hôpital, avec ses aventures, ses mésaventures. À crever d'ennui, sans espoir de recouvrer sa santé mentale. Beaucoup de femmes regardent Urgences à cause de l'acteur George Clooney, qu'elles trouvent “ sexy ” en diable. Quelques amis de l'auteur, médecins, ne se gênent pas pour dire que des séries comme Docteur House, avec Hugh Laurie, ou Grey's Anatomy, avec Ellen Pompeo, constituent un délire sur le plan médical. L'auteur leur laisse la liberté de ces propos.

■ séries dites « westerns  », comme Au nom de la loi, avec Steve McQueen le chasseur de prime, Zorro le justicier, avec Guy Williams, ou La Flèche brisée, avec Michael Ansara dans le rôle de Cochise. Ces séries sont tombées en désuétude, le mythe du far-west ayant vécu. Nos hommes politiques actuels préfèrent se tourner vers le near-east pour le bombarder à loisir.

Et même un chien jouait dans une série western, Rintintin. On pourrait d'ailleurs faire une étude sur les séries mettant en scène des animaux, surtout des chiens : Rintintin, cité ci-dessus, Belle et Sébastien, Rex chien-flic… Il y a aussi en France une série mettant en scène des perroquets, série visible tous les soirs à 20 heures sur toutes les chaînes ; elle s'appelle Le Journal télévisé.

■ séries dites « carcérales  » comme Prison break, où le téléspectateur est prisonnier d'un programme ennuyeux. À crever d'ennui.

■ séries dites « d'action », c'est-à-dire souvent de violence, comme Sons of Anarchy avec Ron Perlman, Nikita, d'après le film de Luc Besson, Chicago Police department, avec Jason Beghe, Blindspot, avec Jaimie Alexander, etc. À crever d'ennui, car la violence répétitive devient lassante.

Certaines séries tournent autour de la drogue comme On wire (Sur Écoute), série consacrée au trafic de drogue à Baltimore, ou Narcos (Les Trafiquants) qui tourne autour de la vie de Pablo Escobar. Ces séries, étrange paradoxe, arrivent à rendre presque sympathiques certains truands.

■ séries dites « sentimentales  » que les chaînes fourguent durant les heures creuses pour essayer d'anesthésier davantage les neurones de retraité(e)s en phase finale d'Alzheimer et qui, comme leur nom l'indique, sont à crever d'ennui.

■ séries dites « humoristiques  » qui, comme leur nom l'indique, sont à crever d'ennui, horripilantes à cause des « rires en boîte » [triste invention américaine] et de l'humour au ras de la moquette ; il est difficile, sinon impossible, d'avoir de l'humour à jet continu, et les rires en boîte interviennent surtout à des moments pas drôles du tout. On peut citer Friends, avec Jennifer Aniston. Il est à signaler qu'en France les responsables des programmes ne traduisent pas Friends, mot trop difficile à traduire ou à comprendre sans doute, alors que la télé bulgare le fait : Приятели (priyatéli : Les Amis). Il est évident que les Bulgares comprennent l'anglais aussi bien, sinon mieux, que les Français, cela ne les empêche pas de traduire le titre.

■ séries dites « musicales  » qui, comme leur nom l'indique (Glee), sont collantes comme la glu. À crever d'ennui. Il est à signaler que des chanteurs-brailleurs sont souvent invités en « guests stars » dans nombre de séries comme décor musical.

■ séries dites « fantastiques  » qui, comme leur nom ne l'indique pas, n'ont souvent rien de fantastique. On se souvient de L'Homme invisible, avec Tim Turner, ou d'X files, avec David Duchovny. Mention spéciale pour les vampires avec la série Buffy contre les vampires, avec Sarah Gellar. Ces vampires-là ne vampirisent que votre patience.

■ séries dites de « science-fiction ». À crever d'ennui. Parmi les plus connues : la série anglaise Doctor Who, mystérieux « docteur » qui voyage dans l'espace-temps, et Star trek, avec William Shatner (capitaine Kirk), et Leonard Nimoy (M. Spock) qui, à bord du vaisseau cosmique L'Enterprise, projettent le spectateur dans l'exploration de l'univers et de ses formes de vie étranges. Des admirateurs enthousiastes ont même recréé le langage des méchants Klingons.

■ séries dites « médiévales  » ou « historiques », comme Kaamelott (légende arthurienne), avec Alexandre Astier, et à l'humour assez réussi par le décalage de la langue parlée, ou Game of thrones (cette dernière série serait inspirée de la suite romanesque française Les Rois maudits de Maurice Druon), que même le président Obama suivrait avec curiosité – c'est dire son manque total d'intérêt. Certains se rappeleront avec nostalgie Thierry la Fronde, avec Jean-Claude Drouot, ou Ivanhoé avec Roger Moore. Une façon de renouer avec le Moyen-Âge et l'histoire, qui disparaissent maintenant de plus en plus des manuels scolaires français.

■ On parlera peu des épouvantables épopées Dallas ou Dynastie, chroniques des riches familles états-uniennes, et qui ont dû décérébrer des générations entières de jeunes gens, pourtant promis à un brillant avenir. De telles séries brossent le portrait théorique de la société états-unienne avec des thèmes récurrents (l'argent, la prospérité, la rivalité entre familles, la sexualité…).

■ Quant aux séries érotiques (X-Femmes, Aphrodisia, Borgia), elles sont diffusées tard le soir sur certaines chaînes, les mystères de l'amour et de la reproduction humaine n'étant pas censés intéresser un public jeune.

Comble du raffinement, des séries policières classiques peuvent mêler des personnages appartenant à ces séries avec des personnages appartenant à des séries de comportementalistes ou d'experts. Ce sont les séries croisées en français, ou des cross-overs dans le langage technico-américain des branchés de la soap télévision. A ne pas confondre avec le véhicule appelé cross-over, issu du mariage pour tous entre une voiture de sport et une voiture de ville.

Quand une série a du succès, on peut en extraire un personnage pour recréer une série dérivée, que les États-uniens appellent « spin-off », c'est-à-dire adaptation ou produit dérivé. Exemple de ce type de resucée : Esprits criminels : unité sans frontières, où un personnage des Experts de Manhattan (Gary Sinise) devient chef d'une unité de profileurs travaillant sur des cas à l'étranger. Quant à la série N.C.I.S., par exemple, elle a donné deux séries dérivées  : N.C.I.S. Los Angeles et N.C.I.S. Nouvelle Orléans.On pourrait, finalement, créer autant de N.C.I.S. qu'il y a de villes aux États-Unis.

On remarquera que les séries notées « À crever d'ennui » sont les plus nombreuses. Il est donc à supposer qu'un grand nombre de téléspectateurs français sont crevés, ou en passe de l'être. La télévision dite française crée des zombies.

Les séries les plus diffusées en France – et donc les plus populaires – sont américaines d'abord, françaises, anglaises et allemandes ensuite. Les séries espagnoles sont peu représentées à la télévision française ; on peut citer Compte à rebours avec Dani Martin (Inspecteur Corso) ; même chose avec les séries canadiennes, parmi lesquelles on peut regarder avec plaisir Mensonges avec Fanny Mallette (l'enquêtrice Julie Beauchemin), Éric Bruneau (Max Moreli, son collègue et amant), et Sylvain Marcel (Bob), trio aux techniques d'interrogatoire efficaces – sans oublier le charme de l'accent canadien français. Parmi les séries suédoises on retiendra Commissaire Winter, flic aux méthodes originales, et Code 100, collaboration électrique entre un jeune enquêteur américain et un policier suédois plus âgé et anti-américain, pour résoudre une série de meurtres à Stockholm.

Le nombre étonnant de séries tournant autour de la violence traduit la fascination morbide des humains envers le sang et la mort. La chose la plus importante dans la vie serait-elle la mort ? Et puis par exemple, dans la Divine Comédie de Dante, ce qu'on apprécie le plus, c'est l'Enfer. On s'ennuie au Paradis. L'horreur et la violence empêchent de s'ennuyer. Et l'auteur, toute honte bue, avoue qu'il lui arrive de s'endormir en regardant une petite série débile à la télé ; c'est moins dangereux pour la santé que d'absorber des somnifères, se dit-il.

Les chaînes de télévision dites françaises livrent ces séries télévisées, tout comme beaucoup d'émissions d'ailleurs, sans daigner traduire la plupart du temps les titres anglais : Person of interest, Elementary, The Originals, How I met your mother, American dad, Once upon a time, Witches of East End, Blue bloods, Blindspot, etc. Encore un asservissement aux Anglo-Saxons, de telle sorte que la télé française apparaît nettement comme le cheval de Troie des Anglo-Américains. Notons au passage que la traduction des dialogues laisse souvent à désirer, et que les répliques sont farcies d'erreurs, d'approximations, d'anglicismes d'un très mauvais effet. Les sous-titrages sont souvent rédigés avec une orthographe et dans un français très approximatifs. Avec parfois des erreurs cocasses :

Série Esprits criminels : le personnage de gauche (l'« agent » Jennifer Jareau) évoque le souvenir de sa sœur disparue, qui aurait tant aimé vivre dans une ville dont elle dépose le symbole devant sa photo (image de droite). Elle ajoute : « Elle a toujours rêvé de vivre à Paree  ». Paree ? De quelle ville, diable, s'agit-il ?

Le fond sonore des séries états-uniennes modernes empêche le plus souvent d'entendre clairement les dialogues. Au reste, les dialogues sont souvent plats, les répliques – prévisibles, et l'humour éventuel – convenu. Les séries américaines sont réunies en des suites ou des séries d'épisodes appellées « saisons » ; elles sont habituellement composées d'épisodes de 40 à 45 minutes chacun, laissant place à 10 - 15 minutes de pub. Ce format impose ainsi un rythme trépidant, souligné par les différentes explosions de sons, martèlements tamtamesques et tapages divers – une débauche de décibels s'engouffrant dans les oreilles des téléspectateurs – que les États-uniens appellent non sans humour « musique » qui, non seulement accompagnent l'action, mais encore se substituent presque à elle en tenant le spectateur en haleine. Il suffit d'écouter l'introduction musicale des Experts de Miami pour s'en convaincre. Il s'agit d'une musique proprement « abruitissante », un déchaînement de violence sonore qui agresse et esquinte les oreilles et les cervelles. La violence sonore, ici, accompagne la violence de l'action.

Détail qui a son importance : les séries remplacent avantageusement les films ; les chaînes peuvent en fourguer plusieurs d'affilée dans une soirée ; elles ont l'habitude aussi de repasser en boucle les mêmes épisodes ad nauseam, pour bien imprégner notre mental de l'inénarrable esprit criminel propre aux Etats-uniens.

Les séries font désormais partie de la culture populaire mondiale et de l'imaginaire collectif. Elles imprègnent le conscient et l'inconscient des téléspectateurs. Des hommes politiques n'hésitent pas à faire référence à elles dans leurs interventions et discours. Les séries sont généralement diffusées à heures fixes, certains jours déterminés, afin de fidéliser les téléspectateurs, qui retrouvent avec plaisir la série à laquelle ils sont habitués, à laquelle ils sont accros. Les réalisateurs des séries se servent du pouvoir de l'image pour conditionner des millions de personnes, et les rendre dépendants (« addiction » télévisuelle). C'est la victoire de la politique dite de divertissement, pascalien ou non, que les États-uniens appellent entertainment. La plupart des séries, si ce n'est toutes, consacrent la victoire des bons contre les méchants, dans un éternel manichéisme simpliste et rassurant. Le Bon Dieu a toujours le dernier mot contre le Diable.

Les séries sont destinées à conditionner la façon de penser et de vivre du brave peuple ; c'est un formatage bas niveau, comme disent les informaticiens, formatage secondé par l'anesthésie des consciences et par les mensonges perpétrés par les journalistes présentateurs de journaux télévisés. Les séries sont destinées à ôter toute faculté intellectuelle à l'humanité actuelle, pour proposer un nouveau « prêt à penser » (nouvelles normes, nouveaux modèles, nouveaux « codes »), et un nouveau « prêt à dépenser » par l'intermédiaire des réclames publicitaires. On sait que le téléspectateur n'est plus que du « temps de cerveau disponible pour Coca-Cola » selon Patrick Le Lay. Les séries télévisées consacrent le triomphe de la lobotomie mondialisée et de l'uniformisation mentale et émotive des humains.

La grande majorité des séries diffusées en France et en Europe, d'origine anglo-américaine, donnent à penser que les responsables des télévisions nationales ont décidé que les Anglo-Saxons ont presque seuls le monopole des modèles de vie, et qu'il faut donc adopter leurs normes. En on peut affirmer sans se tromper que télévision, divertissement et publicité se conjuguent pour la promotion du soft power (pouvoir insidieux) états-unien (3). L'homme est réduit au plaisir de regarder, réduit à sa « pulsion scopique » où, en regardant une série, l'œil fait éprouver jouissance ou horreur, et par là-même on se persuade de vivre. Les séries donnent l'illusion de la vie. C'est finalement tout ce que les dirigeants attendent des citoyens en leur servant à grandes louchées la soupe populaire des séries : regardez, consommez, gavez-vous, vivez par procuration, mais défense de penser.

(3) ce n'est pas un hasard si une grande partie des publicités sont maintenant débitées en anglais, sur des « chansons » en anglais, dont on ne comprend pas un traitre mot.


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