Les sources de l’antisémitisme contemporain

par CLAIRVAUX
vendredi 29 décembre 2017

On s’imagine communément que l’antisémitisme est le seul apanage de l’extrême droite française, qu’il prend son essor avec l’affaire Dreyfus, culmine avec les violents pamphlets de Céline et se perpétue avec les dérapages contrôlés de Jean-Marie Le Pen.

Or, il n’en est rien. L’affaire Tariq Ramadan et le tweet du socialiste Gérard Filoche ont clairement montré qu’il existait un nouvel antisémitisme en France, un antisémitisme porté par la communauté musulmane et un autre par une gauche dévoyée.

L’antisémitisme musulman

Contrairement à ce qui a été allégué, l’antisémitisme au Maghreb n’a pas été importé par le colonisateur français. Des archives relatives aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles démontrent que le mépris et l’humiliation des Juifs étaient monnaie courante dans ces pays musulmans. Les juifs y étaient considérés comme des « chiens » ou, plus précisément, pour reprendre une appellation commune au Coran, des « singes » (sourate 2, verset 65 et sourate 7, verset 166).

L’écrivain algérien Boualem Sansal a aussi évoqué un antisémitisme qui plonge ses racines dans le Coran. Cet antisémitisme se rencontre en particulier dans les sourates médinoises, plutôt guerrières, et postérieures aux sourates mecquoises plus pacifiques. Après Médine, Mahomet a triomphé de ses ennemis.

Pour les musulmans, les juifs auraient trahi la parole de leurs prophètes, puis falsifié les Ecritures, tout comme les chrétiens, et constamment œuvré contre Mahomet. Les juifs sont considérés comme « les ennemis les plus acharnés des croyants » (sourate 5, verset 82).

Cet antisémitisme, lié à l’antichristianisme, trouve sa source dans la jalousie des origines, l’islam voulant détenir la primauté dans la révélation divine et accusant ses devanciers, les juifs et les chrétiens, d’usurpation.

Interrogé par l'AFP, le philosophe Abdennour Bidar souligne que "l'antisémitisme fait partie de préjugés communs dans la mentalité musulmane", avec des clichés "vieux comme le monde" qui prolifèrent sur "la misère morale et spirituelle dans laquelle grandissent trop de jeunes d'origine musulmane". 

Le déni de cette réalité a la vie dure dans une majeure partie de la société française, surtout à gauche, où les musulmans des quartiers populaires, immigrés issus des anciennes colonies françaises au Maghreb ou en Afrique subsaharienne, sont d'abord considérés comme des victimes des discriminations et du racisme. 

L’antisémitisme de gauche

L’antijudaïsme contemporain trouve sa source dans le socialisme révolutionnaire du XIXe siècle. Cette tradition a été analysée par Léon Poliakov et Pierre-André Taguieff. Alphonse Toussenel avec Les Juifs, rois de l’époque : histoire de la féodalité financière (1845) a ouvert la voie, suivi par Proudhon, précurseur de l’antisémitisme de gauche. Le juif détient l’argent et est, à ce titre, l’instrument de la domination du capital naissant.

C’est l’antisémitisme populaire qu’a connu Céline au passage Choiseul au sein de la petite bourgeoisie commerçante avec la peur du « terme ».

En France, il faudra attendre l’affaire Dreyfus pour qu’une majeure partie de la gauche rompe avec l’antisémitisme proudhonien. Mais celui-ci subsistera ainsi qu’en témoigne les mots violents de Thorez en 1940 à propos de Blum, considéré comme un bourgeois et un ennemi de classe.

Gérard Filoche s’inscrit dans cette tradition de la gauche française à laquelle il faut ajouter aujourd’hui la mise au ban moral de l’Etat d’Israël accusé de tous les malheurs du monde.

L’antisémitisme contemporain a enfourché un nouveau cheval de bataille : la lutte contre Israël, l’Etat juif « dominateur et raciste ». C’est la monture chevauchée par l’extrême gauche qui se nourrit du fantasme de la domination financière « cosmopolite » d’Israël, via le sionisme, soutenu par la première puissance capitalistique du monde, les Etats-Unis.

« Concernant la gauche traditionnelle, Taguieff relève que des icônes de l’humanitarisme bien-pensant ont mis leur notoriété médiatique au service du national-islamisme du Hamas, sous couvert d’un « soutien à Gaza », c’est-à-dire à une dictature. Ces personnages publics se sont transformés dans les années 2000 en propagandistes anti-israéliens. Le plus célèbre d’entre eux, Stéphane Hessel, en est venu à hurler « Israël assassin ! » à Paris, début janvier 2009, au milieu d’une masse de manifestants pro-Hamas insultant et maudissant les Juifs et l’État juif, sans se sentir gêné d’un tel compagnonnage. » (Mediapart, Daniel Horowitz, Socialisme et antisémitisme, 20 juin 2016)

Avec la proclamation de son Etat en 1948 et le conflit israélo-palestinien, Israël, commode bouc émissaire, fédère ainsi les haines conjuguées de l’extrême gauche, d’une partie de la gauche et de la communauté musulmane. Cet agrégat se fédère dans une vision « islamo-gauchiste » d’un nouveau prolétariat, les musulmans faisant désormais partie intégrante des opprimés de la terre.

Car, comme le remarque Daniel Horowitz, « La gauche, sociale-démocrate ou pas, extrême ou pas, pense peut-être que se servir de l’antisémitisme afin de galvaniser les masses populaires est un prix acceptable pour que triomphe le socialisme. Cette dérive de type staliniste semble toujours d’actualité pour cette mouvance pseudo-humaniste qui se cherche, mais qui ne se trouvant pas finit par lâcher les Juifs comme on lâche du lest d’un ballon en perdition pour retarder le moment où il va s’écraser. » (Mediapart, Ibid.)


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