Lettre à Mr Michel Tarrier, réquisitoire à décharge de l’Agriculteur français

par bibeyran marie-lys
mercredi 12 octobre 2011

Mr Michel Tarrier, en réponse à votre réquisitoire à charge de l'Agriculteur permettez-moi en qualité de fille, petite-fille et soeur de viticulteurs, et en tant que collatérale d'une victime des pesticides, de présenter à mon tour ces réquisitions à la faveur de Dame Agriculture.

Ainsi tirez-vous à vue sur le paysan, selon vous responsable de toutes les misères environnementales sinon de la terre du moins de l'hexagone. Aussi, présentez-vous une vision fort réductrice du problème, en effet si l'on s'en tient à vos seuls écrits on pourrait croire que le paysan dans son étable, dans son chai ou dans sa serre fabrique lui-même les produits phytosanitaires ou antibiotiques, se procurant par on ne sait quel procédé miracle les différents composants chimiques pour élaborer ses mixtures. Une fois tout cela savamment orchestré il administrerait les médicamments à son bétail et pulvériserait ses végétaux, sans qu'aucun autre maillon de la chaîne n'intervienne !

Je caricature peut-être mais vous me pardonnerez de vous emprunter-là, ce qui fait votre style !

Mais revenons à nos moutons... ou à nos raisins...Vous semblez mépriser totalement le paysan, acteur de cette catastrophe sanitaire certes, mais que faîtes-vous de l'INRA , qui brilla par sa perspicacité dans l'affaire du gaucho ; que faîtes-vous du ministère de l'agriculture et de sa Direction Générale de l'Alimentation chargée entre autres de la surveillance de la mise sur le marché ; que faîtes-vous de la Commission d'étude de la toxicité qui composée de scientifiques soi-disant indépendants doit évaluer les risques des pesticides avant leur mise sur le marché ; que faites-vous des autorisations de mise sur le marché de complaisance délivrées en l'absence d'une connaissance exacte de la composition du produit au nom du respect du secret professionnel, mais au mépris de toute considération de sécurité sanitaire ; que faîtes-vous des laboratoires phytopharmaceutiques qui paient très cher les campagnes de désinformation et la corruption à tous les niveaux du pouvoir ?

Mr Michel Tarrier, depuis 1962, le cri d'alarme de madame Rachel Carson dans son best -seller "printemps silencieux", aucun gouvernement de tout parti politique, aucun organisme national ou européen ni même mondial, aucun expert n'a réussi à s'opposer, à faire reculer l'industrie agrochimique. Au contraire, les gouvernements ont autorisé l'écoulement de stocks de pesticides suite à leur interdiction, parce qu'il coûterait moins cher aux firmes d'indemniser d'éventuelles vicitmes que de perdre des milliers de litres de produits ! Tout cela au nom des millions de dollars que pèsent ces multinationales.

Et vous osez reprocher au paysan d'employer les pesticides qu'on lui vend sous prétexte qu'il doit subvenir aux besoins de ses enfants ? Oubliez-vous qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, on a présenté à l'Agriculteur français, les pesticides comme le remède à tous les maux ? Avec ça il allait pouvoir nourrir la terre entière, plus jamais de famine ! Ha, oui , mais pour produire plus, il fallait produire plus vite et donc s'équiper en matériel agricole performant et très coûteux, le paysan mit le pied dans l'endettement, et se trouva ainsi pieds et poings liés à l'industrie chimique. Il l'est toujours aujourd'hui.

Ne croyez pas que j'encense le paysan tant que vous le méprisez. Pour moi aussi, le qualificatif de paysan, d'Agriculteur se mérite. Les individus torturant leurs bêtes, méprisant la nature, trahissant la terre qui les accueille et leur fournit leur travail, ne sont pas des Agriculteurs, mais des capitalistes !

Malheureusement, ce ne sont pas ces gens-là qui fréquentent des années plus tard les services d'oncologie.

Enfin, Mr Michel Tarrier, il manque à votre réquisitoire un acteur principal : le consommateur. Vous savez celui au nom duquel la France a modifié le visage de son agriculture, celui qui veut toujours consommer plus et moins cher, celui qui veut des fraises en hiver et des oranges en été, celui qui veut des fruits et légumes plus beaux que sains.

Parce que la satisfaction de ces besoins toujours plus ahurissants fut le point de départ de la débâcle de notre Agriculture, je reste persuadée que ce n'est que par un changement de comportement du consommateur qu'on rétablira l'équilibre entre l'Homme et la Terre.

C'est pourquoi Mr Michel Tarrier je vous demande de faire preuve d'indulgence à l'égard de notre cher paysan.

 

(Source photo : Flickr/Alpha du centaure)


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