Lettre à Nafissatou Diallo

par Sambala Diallo
mardi 5 juillet 2011

Ma Très chère sœur Nafissatou,

Permets-moi de t’appeler ainsi car tout comme toi, je suis Diallo. Pas de la Guinée mais du Khasso, dans la première région du Mali. Mais n’aies crainte, cela ne te portera pas autant préjudice que lorsque Blake Diallo du Sénégal, avec une mine littéralement abattue, se présentait comme ton frère ainé devant les cameras de télés américaines avant de se dédire deux jours plus tard. C’était là, le premier petit mensonge depuis le déclenchement de cette affaire qu’on allait connaitre sous l’appellation de l’affaire DSK, initiales du très puissant DG du FMI et potentiel candidat à l’élection présidentielle française, dont tu es la victime supposée selon tes dires. Petit mensonge certes, mais mensonge quand même d’un proche qui serait en réalité, un de tes amants.

Mais là n’est pas le problème. Tu es libre d’aller avec qui tu veux surtout que veuve, tu n’as aucun engagement, enfin officiellement. J’imagine que tu dois être bien surprise que l’inconnu que je suis pour toi t’adresse une missive et tu auras raison. Je ne te connaissais pas non plus jusqu’au jour où tes pas t’ont menée au petit commissariat de Harlem pour porter plainte pour viol contre le client de la suite 2806 du Sofitel où, tu travailles à New York. La suite tu la connais certainement plus que moi car tu t’es retrouvée projetée au devant de l’actualité mondiale. Pour cause, ce client que tu as soutenu ne pas connaitre avant les faits était lui, un personnage très connu à cause des hautes fonctions qu’il occupait. Son arrestation digne d’une série télévisée américaine, alors qu’il s’apprêtait à regagner la France, a vite fait le tour du monde.

Sur l’heure, je n’ai pas su que tu t’appelais Nafissatou Diallo mais plutôt Ophélia, le nom que tu as jugé digne du pays de l’Oncle Sam. Sur l’heure, je n’ai pas su que tu venais de la Guinée voisine où un certain 28 Septembre 2009 des dizaines de tes compatriotes éprises de liberté avaient été sauvagement violées et même assassinées. Non, les médias dans leur empressement de profiter du scoop que tu leur avais servis sur un plateau d’or, te disaient ressortissante du Ghana. Puis les mêmes médias m’ont appris quelques jours plus tard ton véritable nom et ta véritable origine. Seulement sur ce nom, je n’avais aucun visage à part l’image d’une personne apparemment grande de taille sous un voile blanc et sous forte protection policière qui s’engouffrait dans le palais de justice.

Bref, maintenant que je sais un peu plus sur toi ; pour dire vrai ce que tes proches ont bien voulu que je sache de toi, je ne peux m’empêcher de me poser cette question que j’avais vu plusieurs fois poser dans les séries policières américaines : « Avais tu mesuré la gravité de l’accusation que tu portais ce jour là ? Avais tu conscience que ta vie n’allait plus être ce long fleuve tranquille que ta famille, tes voisins, tes collègues et tes employeurs décrivent ? T’a-t-on prévenue à la police que toute ta vie allait être passée au peigne fin, que tout allait être fouillé dans les moindres détails ? T’a-t-on informée des risques que tu encourais dans cette affaire ? » Pardonnes ma franchise, ton histoire, je ne l’ai pas sentie depuis le début. Tes habits intacts, une fellation contrainte sans morsure, une sodomie… Je trouvais tout cela tellement incohérent que je suis venu à me demander si ce n’était pas une banale histoire de cul qui avait mal tourné. Surtout que ce genre de personnalités ne dispose jamais d’assez de liquidités tant ils sont habitués à tout régler par chèques ou cartes bancaires.

Je peux comprendre aisément que tu aies considéré comme une injure les deux billets froissés de cent dollars qu’il a négligemment fourré dans le soutien gorge qui emprisonnait tes seins fermes auxquels il s’était agrippé un peu brutalement tandis que tu lui donnais du plaisir et que tu aies décidé de lui faire payer cet affront mais au plus profond de moi, je n’ai jamais cru à ton histoire de viol, et Dieu seul sait combien j’avais voulu te croire. La presse dans son ensemble m’y engageait, étant moi-même journaliste. Fort heureusement, j’ai une autre approche du journalisme et un profond de la déontologie qui fonde ce noble métier que j’ai choisi. C’est ce qui m’a permis d’appréhender cette histoire avec beaucoup de sérénité. Et pourtant, ils sont nombreux ceux qui avait pris fait et cause pour toi. Que doivent-ils penser à présent du fameux coup de fil que tu as passé après ton viol présumé à cet ami incarcéré en prison où tu évoques les gains que tu pourrais tirer de cette accusation ? Comment comprendront-ils que juste après l’ignominie dont tu as été victime, tu aies trouvé la force de nettoyer une autre chambre ? Et ces petits mensonges à la police et au grand jury ? Dans quel but ?

Ma très chère sœur, maintenant que la justice a libéré ton présumé violeur sur parole et lui a donné la liberté de mouvement sur le territoire américain, je crois qu’il n’est pas trop tard pour faire machine arrière. Tu as joué et tu es en train de perdre. La sagesse doit t’habiter pendant qu’il est encore temps. Tu n’auras pas gagné mais tu n’auras rien à perdre, à part retomber dans l’anonymat dans lequel tu étais. Au moins tu ne vivras plus en recluse et tu seras en paix avec ta conscience et avec Dieu pour qui on dit que tu as une profonde dévotion. Tu peux compter sur tes frères et sœurs d’Afrique qui par ta faute petite ne se verront plus accorder le droit d’asile quand bien même leur situation le nécessitera, ils ne t’en tiendront pas rigueur. C’est aussi ça la solidarité africaine. Avant de te quitter, je voudrais que tu médites cette citation de Napoléon Bonaparte : « Le mensonge n’est bon à rien puisqu’il ne trompe qu’une fois. »

 Très fraternellement


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