Lettre d’un enseignant : le malaise est profond
par mathias cohen
jeudi 24 septembre 2009
Je suis enseignant en Seine-Saint-Denis. Ce n’est pas le problème. Ce dont je vais parler dans cette lettre n’est pas spécifique au département dans lequel je travaille. Beaucoup de mes collègues connaissent des difficultés, quel que soit l’endroit où ils exercent. Résumer les difficultés que rencontrent les professeurs à la confrontation avec une jeunesse excitée, dont les jeunes du 93 représenteraient un prototype est un piège de la pensée dans lequel il ne faut pas tomber, ou duquel il faut sortir. J’ai croisé trop de professeurs dont la première préoccupation semblait être de savoir si leurs élèves seraient « difficiles » ou pas.
Ce dont je veux parler est beaucoup plus profond, pernicieux, d’autant plus pernicieux que c’est un malaise sur lequel il est très difficile de mettre des mots. C’est la part de mon malaise que j’entends résonner avec le malaise des autres. Une foule de malaises imbriqués les uns dans les autres. Des malaises personnels, individualisés à outrance par une société qui détruit chaque jour un peu plus le collectif politique pour le remplacer par du collectif humanitaire plutôt qu’humaniste, du collectif téléthonisé, facebooké, footballisé, un collectif qui ronge notre société et détruit toute volonté d’action réellement collective, collective cette fois dans son sens noble : un collectif qui donne la place à l’imprévu de la parole, l’imprévu des rencontres, l’imprévu du mouvement des foules.
J’ai tenté l’année dernière de m’intéresser à l’action syndicale au niveau de mon établissement, mais j’en ai été très vite dégoûté. Qu’on me comprenne bien, je ne crache en aucune façon sur toutes les personnes qui s’impliquent chaque jour dans l’action syndicale de terrain, avec ce qu’elle a de laborieux, d’aléatoire, de frustrant… Mais comment aujourd’hui ne pas être frappé par l’apathie générale qui règne au sein d’entreprises de service public censées devoir défendre leur existence même, comme au sein du monde économique qui reste sans voix face aux délires de la crise !
Il doit y avoir quelque chose qui ne tourne pas rond. L’état de ramollissement avancé de la population dans une période d’attaques ultra libérales sans précédent doit tout de même pouvoir s’expliquer, s’analyser…
Je n’ai pas de réponses à apporter à cette question. Ou plutôt, si. Ma réponse est cette non réponse. Car je pense que personne n’a pour le moment la réponse. En somme, je pense que beaucoup de gens sont comme moi, c’est à dire qu’ils souffrent d’une situation politique et sociale, mais ils souffrent d’autant plus qu’ils ne parviennent pas à l’appréhender. Comment en sommes-nous arrivés là, dans cette société post-11 septembre dans laquelle la peur s’est installée à tous les niveaux, à tous les échelons ? Dans cette société de la communication où les gens se retrouvent bombardés de messages contradictoires (la plus sûre méthode pour générer de l’angoisse parmi la population).
Je ne vais pas tomber dans l’eschatologique. Mais je pense que la population française (je me garderai bien d’étendre mon analyse à un territoire plus vaste) arrive à un point où le mécanisme de réponse du collectif face aux agressions du pouvoir s’est rompu. Ce mécanisme presque immunitaire s’est cassé, et nous ne comprenons pas pourquoi.
Je pense que cette incompréhension est profonde. Elle puise autant sa source dans la disparition de tout un pan de nos idéaux politiques, que dans l’accroissement de l’exposition des personnes à la complexité du monde par les technologies de l’information. Mais on ne peut pas non plus rejeter l’idée selon laquelle le pouvoir parvient à maîtriser nos fameuses capacités de réactions collectives. L’avalanche des discours, des plans de com, des sommets, contre-sommets, missions et commissions nous met KO. La collusion du pouvoir politique et de son organe de représentation que sont les médias est telle que le bluff est total. Et l’être humain, l’individu que génère un tel système est si partagé, si scindé entre sa vulnérabilité d’une part, et de l’autre sa foi en ses propres capacités de résistance, foi illusoire, presque fabriquée de toutes pièces par l’ennemi, que cet individu se fige, n’ose plus bouger, et ne cesse de sourire.
Nous sommes en danger. Il nous faut un choc, un choc salvateur dont nous serons les acteurs. Si nous ne réalisons pas le danger maintenant, le choc viendra à nouveau nous submerger, tel cette crise qui nous a encore un peu plus lavé le cerveau.
Nous n’arriverons à rien sans stopper ce mouvement. Il faut un contre-mouvement collectif d’ampleur, soudain, qui paralyse brusquement le pays et libère ainsi du temps et de l’espace pour recomposer un collectif parti en lambeaux. Au niveau où nous en sommes, ce ne sont plus des assemblées générales animées par des syndicalistes qui ont en grande partie perdu leur crédibilité qui ont une chance de faire bouger les choses au final. Il faut juste trouver le moyen technique de faire converger cette volonté commune, débarrassée de ses convictions ou de ses solutions pré-emballées, sur une date précise, le début d’une période durant laquelle nous réfléchirons à une reprise en main de nos destins.
Dans ce mouvement, les écoles pourraient devenir des lieux stratégiques, des lieux ouverts où les différents acteurs des luttes pourraient se retrouver, échanger, s’organiser pour tenir sur la durée. Une infrastructure efficace et tenace.
Harcelez vos leaders politiques. Ils ont la puissance et l’audience pour mettre en pratique une telle tactique. Et s’ils ne réagissent pas, nous le ferons sans eux. En créant une simple pétition : un texte et une date. Un ultimatum à faire circuler partout, d’abord sur le net puis dans tous les groupes réels, de chair et d’os qui étaient, sont ou seront en lutte. Le texte peut être réalisé sur un site où la rédaction est participative, un peu à la manière de Wikipédia (je vous préviens, moi, je sais pas faire). Tout le monde a déjà rêvé d’une telle initiative qui, naissant de rien, se construit peu à peu sur l’espoir fragile de quelques individus, puis déferle sur le monde pour le transformer ! A vos commentaires, à vos idées, et que vive l’humanité !
J’ai tenté l’année dernière de m’intéresser à l’action syndicale au niveau de mon établissement, mais j’en ai été très vite dégoûté. Qu’on me comprenne bien, je ne crache en aucune façon sur toutes les personnes qui s’impliquent chaque jour dans l’action syndicale de terrain, avec ce qu’elle a de laborieux, d’aléatoire, de frustrant… Mais comment aujourd’hui ne pas être frappé par l’apathie générale qui règne au sein d’entreprises de service public censées devoir défendre leur existence même, comme au sein du monde économique qui reste sans voix face aux délires de la crise !
Il doit y avoir quelque chose qui ne tourne pas rond. L’état de ramollissement avancé de la population dans une période d’attaques ultra libérales sans précédent doit tout de même pouvoir s’expliquer, s’analyser…
Je n’ai pas de réponses à apporter à cette question. Ou plutôt, si. Ma réponse est cette non réponse. Car je pense que personne n’a pour le moment la réponse. En somme, je pense que beaucoup de gens sont comme moi, c’est à dire qu’ils souffrent d’une situation politique et sociale, mais ils souffrent d’autant plus qu’ils ne parviennent pas à l’appréhender. Comment en sommes-nous arrivés là, dans cette société post-11 septembre dans laquelle la peur s’est installée à tous les niveaux, à tous les échelons ? Dans cette société de la communication où les gens se retrouvent bombardés de messages contradictoires (la plus sûre méthode pour générer de l’angoisse parmi la population).
Je ne vais pas tomber dans l’eschatologique. Mais je pense que la population française (je me garderai bien d’étendre mon analyse à un territoire plus vaste) arrive à un point où le mécanisme de réponse du collectif face aux agressions du pouvoir s’est rompu. Ce mécanisme presque immunitaire s’est cassé, et nous ne comprenons pas pourquoi.
Je pense que cette incompréhension est profonde. Elle puise autant sa source dans la disparition de tout un pan de nos idéaux politiques, que dans l’accroissement de l’exposition des personnes à la complexité du monde par les technologies de l’information. Mais on ne peut pas non plus rejeter l’idée selon laquelle le pouvoir parvient à maîtriser nos fameuses capacités de réactions collectives. L’avalanche des discours, des plans de com, des sommets, contre-sommets, missions et commissions nous met KO. La collusion du pouvoir politique et de son organe de représentation que sont les médias est telle que le bluff est total. Et l’être humain, l’individu que génère un tel système est si partagé, si scindé entre sa vulnérabilité d’une part, et de l’autre sa foi en ses propres capacités de résistance, foi illusoire, presque fabriquée de toutes pièces par l’ennemi, que cet individu se fige, n’ose plus bouger, et ne cesse de sourire.
Nous sommes en danger. Il nous faut un choc, un choc salvateur dont nous serons les acteurs. Si nous ne réalisons pas le danger maintenant, le choc viendra à nouveau nous submerger, tel cette crise qui nous a encore un peu plus lavé le cerveau.
Nous n’arriverons à rien sans stopper ce mouvement. Il faut un contre-mouvement collectif d’ampleur, soudain, qui paralyse brusquement le pays et libère ainsi du temps et de l’espace pour recomposer un collectif parti en lambeaux. Au niveau où nous en sommes, ce ne sont plus des assemblées générales animées par des syndicalistes qui ont en grande partie perdu leur crédibilité qui ont une chance de faire bouger les choses au final. Il faut juste trouver le moyen technique de faire converger cette volonté commune, débarrassée de ses convictions ou de ses solutions pré-emballées, sur une date précise, le début d’une période durant laquelle nous réfléchirons à une reprise en main de nos destins.
Dans ce mouvement, les écoles pourraient devenir des lieux stratégiques, des lieux ouverts où les différents acteurs des luttes pourraient se retrouver, échanger, s’organiser pour tenir sur la durée. Une infrastructure efficace et tenace.
Harcelez vos leaders politiques. Ils ont la puissance et l’audience pour mettre en pratique une telle tactique. Et s’ils ne réagissent pas, nous le ferons sans eux. En créant une simple pétition : un texte et une date. Un ultimatum à faire circuler partout, d’abord sur le net puis dans tous les groupes réels, de chair et d’os qui étaient, sont ou seront en lutte. Le texte peut être réalisé sur un site où la rédaction est participative, un peu à la manière de Wikipédia (je vous préviens, moi, je sais pas faire). Tout le monde a déjà rêvé d’une telle initiative qui, naissant de rien, se construit peu à peu sur l’espoir fragile de quelques individus, puis déferle sur le monde pour le transformer ! A vos commentaires, à vos idées, et que vive l’humanité !