Lettre ouverte ŕ Fabrice Nicolino - A propos de liberté d’expression

par Patrick Samba
jeudi 24 septembre 2020

Fabrice, 

j’ai lu dans le blog de la rédaction de Médiapart, un texte intitulé : Ensemble, défendons la liberté. Il est une réponse à un mail de ta part. La rédaction y dit ceci : « Dans une ''Lettre ouverte à nos concitoyens'' [et donc à moi] initiée par Charlie Hebdo, la plupart des médias français appellent à défendre la liberté d’expression. Bien que la signature de Médiapart n’ait pas été sollicitée dans les temps, nous nous y associons bien volontiers (…) Alors que ce manifeste était déjà sous presse [trop tard donc] avec la liste complète de ses signataires, un membre de notre rédaction a reçu un mail de Fabrice Nicolino, journaliste à Charlie et victime du 7 janvier 2015, s’excusant de ce qu’ ''un bug – je crois devoir y insister, il était involontaire – a écarté de la liste que je vous transmets Mediapart ''. ''Il me semblerait absurde et dommageable pour tout le monde, ajoutait-il, que Mediapart n’y ajoute pas son nom '' ».

Eh bien figure-toi mon cher Fabrice qu’il n’aurait été ni absurde, ni dommageable que Médiapart n’y fut pas associé. Non pas que ce média mérite l’opprobre pour l’ensemble de sa production, bien au contraire. Mais il s’avère qu’au moment même où tu lui adressais ces excuses, moi j’écrivais cet article : « Un Médiapart à vau-l’eau, et devient responsable de déboires covidiens du Dr Bellier » sur Agoravox le média citoyen.

Et dans le même temps où tu associais, au nom de la liberté d’expression, cette presse bien-pensante payée par les multinationales qui salopent notre terre et intoxiquent nos corps, et subventionnée grassement par un Etat (1) et des gouvernements qui, les uns après les autres, se foutent pas mal que les centrales nucléaires fuient, que des accidents bien camouflés du niveau de Three Mile Island ont eu lieu en 69 et 80 à Saint-Laurent-des-Eaux, que Tchernobyl soit encore une catastrophe et que Fukushima n’en parlons pas, tu oublies Politis, Regards, Bastamag, mais sans doute aussi Reporterre, France Soir, le Média, QG, Le Vent se Lève, Le Grand Soir, Lundi matin, Sud Radio, RT France, Thana TV et j’en passe.

Tandis qu’on s’étonne au vu de la longue liste de la presse stipendiée sollicitée, que tu n’y aies pas rameuté, puisqu’il y a bien Paris Match parmi les signataires (diffusion à 690 000 exemplaires (2009)) :

France Dimanche (470 000 (2014)), Closer (380 000 (2011)), Public (380 000), Voici (350 000 (2014)), Ici Paris(340 000) , Point de vue (270 000 (2006)), Gala (270 000).

Leurs lecteurs ne seraient-ils pas également tes concitoyens, et tout aussi concernés par la liberté d’expression, laquelle serait donc exercée sur TF1, Canal + (Hanouna exerçant ses talents sur C8), CNews et RTL (accueillant Pascal Praud) ou L’Equipe ? Non ?

Et le reste de la presse francophone, ils ne savent pas lire ou entendre le français ?

Et tous les blogs, les chaines Youtube qui font désormais bien plus de lecteurs que bien des journaux de ta liste, tu les as oubliés ? Tu ne parviens pas à te mettre au goût du jour du XXIè siècle ?

Tu veux que je te dise Fabrice ? Certes tu as failli laisser ta peau sous les balles de fous de Dieu, et on ne peut que condamer unanimement cette infâme tuerie et louer la providence qui t'en a fait réchapper, certes j’aime bien ce que tu fais en général, mais pas tout forcément, et en tout cas les coquelicots moi j’aime beaucoup les revoir dans les champs et sur le bord des routes, mais non seulement je trouvais personnellement que bien avant le drame de Charlie nombre de vos provocations posaient question, mais qu'aujourd'hui tu ne trouves aucunement dommageable que Médiapart puisse signer un manifeste en faveur de la liberté d’expression alors même qu'il a censuré sans la moindre explication tangible l’anthropologue suisse Jean-Dominique Michel, et tout récemment le pneumologue Patrick Bellier, qui ont pourtant des choses essentielles à nous apprendre sur la covid-19 et sa gestion, et bien moi, Fabrice, je trouve ça singulièrement dommageable.

Et tu as bien de la chance que le ridicule ne tue plus, car je crains que tu te fusses une nouvelle fois retrouvé en réa.

Dans le proverbe « Qui aime bien, châtie bien », les imbéciles y voient en premier lieu le mot châtier. Mais en réalité si l’on veut donner un peu de crédit à la sagesse de nos ancêtres, ce n’est pas le mot châtier que l’on doit retenir en premier, mais le mot bien. Car enfin, aime-t-on châtier celle ou celui que l’on aime ?

Fabrice, pour une véritable défense de la liberté d’expression :

 STOP TOUT D’ABORD A TROP D’HYPOCRISIE !

STOP AU CONSENSUALISME BIEN-PENSANT, AU BENI-OUI-OUISME !

STOP A LA COMPROMISSION !

STOP A LA PREVARICATION, A LA CONCUSSION DE LA PRESSE !

Et souhaitons-nous bonne route, parce que je ne voudrais pas être amené à te traiter de cabotin.

Au lieu du choix de votre nombril à Charlie-Hebdo, que vous avez bien évidemment raison de vouloir protéger, vous devriez observer ce qui nous entoure aujourd’hui : un délire collectif provoqué par des cinglés ignorants instrumentalisant cyniquement une peur épidémique, choix hautement immoral et scandale sans antécédent apparent

Quels médias de votre liste ont pris la liberté de parler de ce délire collectif ?

 

 

Note :

(1) Montant des subventions à la presse en 2015 (Quels sont les journaux les plus aidés par l’Etat ? Classement des subventions)

 

  1. Aujourd’hui en France : 7 770 562 euros d’aides de l’État
  2. Libération : 6 499 414 euros
  3. Le Figaro : 6 456 112 euros
  4. Le Monde : 5 438 216 euros
  5. La Croix : 5 438 216 euros
  6. Ouest France : 4 094 071 euros
  7. L’Humanité : 3 590 875 euros
  8. La Dépêche du Midi : 3 590 875 euros
  9. Les Échos : 1 643 837 euros
  10. Le Progrès : 1 609 400 euros
  11. Le Parisien : 1 572 941 euros
  12. L’Équipe : 1 485 067 euros
  13. Presse Océan : 1 341 811 euros
  14. Le Dauphiné Libéré : 1 195 057 euros
  15. L’Est Républicain : 1 193 079 euros

 

En 2017, les 15 principaux groupes de presse ont touché plus de 72 millions d’euros. Les deux principaux bénéficiaires : la holding UFIPAR (Les Échos, Le Parisien) détenue par LVMH, et SIPA (groupe Ouest France).


Lire l'article complet, et les commentaires