Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République. Remaniement gouvernemental : la tunique de Nessus de F. Hollande

par Renaud Bouchard
lundi 8 avril 2013

"L'art de gouverner consiste à ne pas laisser vieillir les hommes dans leur poste."

Napoléon Bonaparte, Maximes et pensées (1769-1821)

Voici ce que j’aurais l’honneur de dire au chef de l’Etat s’il avait l’obligeance de m’accorder une audience. Voici ce que je lui écris déjà

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général de l’Elysée,

Un citoyen vous parle. Auriez-vous, je vous prie, l’obligeance de l’écouter et de le recevoir ?

Le moyen de vous débarrasser de la tunique de Nessus que votre ministre félon, centaure au petit pied, vient de jeter sur vos épaules, consisterait à abréger au plus vite la « politique du gros dos » que vous semblez privilégier à toute autre.

Non seulement l’orage ne passera pas, mais la tourmente est en train de se lever, et avec elle commencent à voler les premières escarbilles de l’incendie qui risque fort de vous emporter faute d’agir tant qu’il en est encore temps.

L’odeur de brûlé qui se répand est précisément celle de votre combustion entamée et aussi celle de toute une équipe politique dont l’insuffisance professionnelle et les dissensions sont aujourd’hui amplement démontrées.

On n’apprend pas à gouverner, pas plus que l’on n’apprend pas à dessiner ou jouer de la musique. Il existe en effet, à la base, un talent, des dispositions que l’on ne peut que soit découvrir et faire naître, soit améliorer et pousser au plus haut niveau que vous permettent vos capacités. Des maîtres peuvent y contribuer, bien évidemment, mais il existe aussi des gens qui « savent », qui sont doués, alors que d’autres, malgré leurs efforts, n’arriveront jamais au résultat escompté, telle la malheureuse Florence Foster Jenkins dans sa célèbre interprétation de La Reine de la Nuit.

http://www.youtube.com/watch?v=aIerl7VNkVo

Pour le moment, et dans ce scandale politique qui enfle et empoisonne la vie politique de la France, il y a tout lieu de craindre que votre rôle de Papageno national vous fasse perdre plumes et flûte tant la Nation toute entière, excédée par la partition « Vices Privés - Vertus Publiques » qu’on lui joue depuis onze mois sur fond d’engagements sociétaux ineptes, ne soit plus d’humeur à écouter les airs de pipeau qu’on lui serine au nom de « la rigueur » et de « l’austérité ».

http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130407.OBS7074/cahuzac-au-c-ur-de-nouvelles-revelations-suisses.html

http://www.lefigaro.fr/politique/2013/04/07/01002-20130407ARTFIG00141-le-fosse-se-creuse-entre-les-francais-et-les-politiques.php

http://www.boursorama.com/actualites/apres-le-scandale-cahuzac-un-tiers-des-francais-pour-une-dissolution-3e3be5ee0a7bffefe9ca4df1a87f267f

Il ne s’agit plus d’attendre les élections municipales - elles sont perdues-, d’éviter de « donner l’impression de réagir à chaud » -, les alarmes incendie retentissent dans tous les secteurs politiques, économiques, sociaux-, ou encore de « refuser de se faire dicter un choix par les événements ».

Car ce sont précisément les événements qui vous commandent aujourd’hui d’effectuer un choix qui est très simple : celui, non pas d’un remaniement, mais celui de la constitution d’un autre gouvernement, tout de suite, avec un nouveau Premier Ministre, si possible étranger au « sérail socialiste » dans ce qu’il a de pire avec ces Gorgones présidentielles qui tournent autour de vous et ces momies institutionnelles des vieilles fédérations du PS, toute cette clique d’un autre âge ou tous ces ministres épuisés (MM. Ayrault, Moscovici), parmi ceux d’une équipe qui compte d’illustres inconnus.

Certes, ce Chef de Gouvernement pourrait être M. Louis Gallois, Commissaire à l’investissement. L’homme présente en effet des qualités indéniables.

Mais ce Chef de Gouvernement (le mot est précis) pourrait aussi être un Premier Ministre d’un type nouveau, inédit, détaché de toute formation partisane, et qui tirerait précisément sa force et sa légitimité aussi bien de sa nouveauté que de son absence d’allégeance au monde politique actuel.

Je vous dois une explication. Un redémarrage économique n’est possible qu’avec le seul carburant qui soit apte à redonner vie à la croissance : la confiance.

Confiance qui vous fait défaut après que votre Premier Ministre a déjà perdu toute crédibilité. La machine économique patine et recule. Elle s’épuise. Lisez ce que vous disent deux excellents économistes, Jacques Sapir (que vous connaissez) et Paul Jorion : vos prévisions économiques sont erronées, qu’il s’agisse de courbes de chômage et de croissance. Je ne parle pas des échos de la presse internationale.

Comme l’écrit Dominique Seux dans un billet figurant en page 12 du quotidien Les Echos daté des vendredi 5 et samedi 6 avril 2013, « il faut être rêveur, à gauche, pour penser qu’un remaniement suffirait à panser les plaies ; ajoutant qu’il faut être, à l’UMP, cynique, ou à côté de la plaque, pour croire que la droite classique tirera sans coup férir les marrons du feu. »

Votre parti, le PS, est moribond ; l’UMP n’est plus quant à elle qu’un champ de décombres. Les autres formations politiques ne représentent qu’elles mêmes. Il est encore temps de passer à autre chose. Il suffit de le décider. Personne ne vous en voudra, bien au contraire.

Vous êtes dans l’impasse.

Les fonctions qui sont devenues les vôtres ont fait de vous un personnage qui est au-dessus des partis, ou à tout le moins devrait l’être. Vous êtes le Président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et d’assurer, par votre arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. La Constitution vous donne toute latitude pour nommer le Premier Ministre, les autres membres du Gouvernement sur sa proposition et mettre fin à leurs fonctions respectives. Hors partis.

 

Alors, me direz-vous peut-être, comment pourrais-je être un Premier ministre sans parti, sans majorité ? Très simplement. Grâce aux articles 20 et 21 de notre Constitution, qui me permettraient de diriger l’action du Gouvernement, lequel est investi de la lourde mission de déterminer et conduire la politique de la Nation.

En lui apportant ce qui vous fait désormais défaut et que vous ne retrouverez plus : la confiance.

C’est d’ailleurs ce qu’attendent les Français, vos concitoyens.

Car si j’étais chef de l’Etat, et a fortiori Premier Ministre, Monsieur le Président, j’aurais en tête cette pensée remarquable de Napoléon Bonaparte que vous connaissez bien évidemment :

Gouverner par un parti c’est se mettre tôt ou tard dans sa dépendance. On ne m’y prendra pas ; je suis national. Je me sers de tous ceux qui ont de la capacité et la volonté de marcher avec moi. »

Moi aussi je suis national, voyez-vous, et désireux de faire appel à tous ceux qui ont de la capacité et la volonté de marcher avec moi.

Et qui sont-ils tous ceux-là qui ont la capacité et la volonté de marcher avec moi ?

La Nation. Tous ceux, nos concitoyens, qui constatent votre perte croissante – non pas de popularité -, mais de ce qui vous reste de légitimité.

La Nation toute entière, à laquelle il ne manque plus qu’un véritable dirigeant, avec une vision prospective, une énergie et une volonté réelles, une détermination sans faille. Moi.

Le quinquennat est terminé, Monsieur le Président. Demeure cependant un pays à gouverner et à conduire vers le XXIè siècle, avec toutes ses formidables capacités, son énergie, sa valeur humaine, ses espoirs. La France, voyez-vous, toutes générations confondues.

« C’est la solution de la crise qui fait l’homme d’exception et non l’inverse. Et cette solution ne dépend jamais de l’action d’un seul homme, de la volonté d’une personnalité providentielle ; elle est la résultante d’un contexte et d’une multitude de facteurs ».

Belle citation, n’est-ce pas ? Le moment est venu. Il ne tient qu’à vous de faire un choix, Monsieur le Président. Le meilleur choix qu’imposent le contexte actuel et une multitude de facteurs .Rencontrons-nous. Je suis prêt.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général de l’Elysée, l’expression de mon profond respect.

Renaud Bouchard

 

Sources :

Citation 1 (complète) :

" Gouverner par un parti c’est se mettre tôt ou tard dans sa dépendance. On ne m’y prendra pas ; je suis national. Je me sers de tous ceux qui ont de la capacité et la volonté de marcher avec moi. Voilà pourquoi j’ai composé mon Conseil d’État de Constituants qu’on appelait modérés ou feuillans comme Defermon, Roederer, Regnier, Regnaud, de royalistes comme Devaisne et Dufresne ; enfin de Jacobins comme Brune, Réal et Berlier. J’aime les honnêtes gens de toutes les couleurs. "

Napoléon Bonaparte, in Thibeaudeau, Le Consulat et l’Empire, Paris, 1834, t. 1, p. 115.

Citation 2 (auteur) :

Philippe Braud, professeur des Universités à l'Institut d'Études Politiques de Paris et enseignant-chercheur associé au CEVIPOF (Centre d'Études Politiques de Sciences-Po)
En savoir plus sur http://www.atlantico.fr/decryptage/france-ebranlee-crise-aussi-grave-que-celle-1958-mais-t-gaulle-horizon-david-valence-philippe-braud-690959.html#xAVqV3xTEQhaB0Lw.99 

Autres indications :

http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/0202680546811-la-presse-internationale-s-enflamme-sur-l-affaire-cahuzac-554826.php

http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202688051437-la-france-cale-ses-previsions-de-croissance-sur-celles-de-bruxelles-555778.php


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