Lettre ouverte ŕ Nicolas

par Rémy Mahoudeaux
jeudi 20 juin 2013

Ces propos n'engagent que moi

Paris, le 20 juin 2013

Cher Nicolas,

Nous ne nous connaissons sans doute pas personnellement, même si nous avons fréquenté les mêmes manifestations, veillées et autres réjouissances pour rendre un témoignage public de notre profond désaccord vis à vis d'une loi qui viole nos consciences. Nous ne sommes pas de la même génération : vous avez l'âge de mes enfants, cette génération que la mienne et celles qui l'ont précédée ont en quelque sorte nié et sacrifié à force d'égoïsme. Je ne sais rien de vous, que ce qui est public. Mais je prends la liberté de vous écrire et de publier cette missive. Toujours cette histoire de rendre témoignage …

Nous sommes en prison tous les deux. Vous parce que, physiquement, vous êtes incarcéré à Fleury-Mérogis où je vous écrit. Moi parce que je vis dans un pays :

Nous sommes tous dans une prison-gigogne, comme ces poupées russes qui s'emboîtent. Vous êtes dans la plus petite de ces poupées, à l'étroit, plus seul et plus meurtri que moi, que nous.

J'ai pendant longtemps regardé de près la dictature tunisienne de M. ben Ali. J'ai souvent dit à mes amis tunisiens que la France n'était ni plus démocratique, ni moins corrompue que la Tunisie : seulement plus discrète et plus hypocrite. Aujourd'hui encore, je pense que les lambeaux de démocratie qui nous restent (la liberté d'expression) doivent être âprement défendus par tout citoyen qui ne serait pas anesthésié par le « pain et les jeux » servis par un pouvoir dont la tentation totalitaire n'est que trop évidente. La tâche est immense.

Vous dire merci me semble indécent, vous n'avez sans doute pas souhaité de telles conséquences à votre lutte. Mais tout de même, MERCI pour le courage et la fermeté que vous avez montré jusqu'à présent. Si j'ai pu lire à votre sujet le mot « bravache », sachez que retiendrai que le mot « brave ». Je tiens à vous encourager – littéralement vous insuffler le courage qu'il vous faut et vous faudra pour supporter cette injustice qui vous est faite. J'attends avec impatience le jour de votre libération. J'espère que ce que vous subissez n'entamera pas votre détermination, et que nous nous retrouverons debout et déterminés pour mettre de l'ordre dans ces écuries d'Augias que sont la vie politique et sociale dans notre pays. Quelle que soit la colère que j'éprouve aujourd'hui, ce sera pour tenter de bâtir un pays où il fait bon vivre tous ensemble.

Je tente au jour le jour d'être chrétien : vous me permettrez j'espère de prier pour vous, comme je prie pour ceux qui vous ont infligé ce que vous subissez et qui en ont peut-être plus besoin.

Cher Nicolas, veuillez croire à mon plus profond respect, à ma sympathie (au sens étymologique de « souffrir avec »), à mon admiration et à mon affection la plus sincère. Je vous embrasse.


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