Lettre ouverte à Sophie Binet : la CGT doit se purger des idées d’extrême droite

par Alain Marshal
jeudi 27 février 2025

Ce courrier a été adressé aux 14 membres du Bureau confédéral de la CGT le 13 septembre 2024 pour dénoncer ma « purge » déloyale et discriminatoire de la CGT Educ’action du Puy-de-Dôme. Malgré une réponse encourageante le 16 septembre me promettant un retour prochain, la Confédération ne m'a plus donné aucune nouvelle, d’où cette publication sous forme d’une lettre ouverte mise à jour. 

Par Alain Marshal

[Les liens hypertextes renvoient aux documents et enregistrements —dont un que je publie pour la première fois— démontrant mes allégations.]

Camarade,

Je me permets de te contacter à propos de l’appel que j’ai adressé début juillet à la Confédération (par email et courrier recommandé), afin de contester mon exclusion de la CGT Éduc’action du Puy-de-Dôme. Cette exclusion, prononcée le 12 avril 2024, a été confirmée par notre instance nationale, l’Union Nationale des Syndicats CGT de l’Education Nationale, à l’issue d’une audience le 21 juin en présence d’Isabelle VUILLET et Michaël MARCILLOUX, co-secrétaires de l’UNSEN. À ce jour, mon appel à la Confédération est resté sans réponse, malgré une relance à tous les membres de la CE confédérale le 9 décembre. Le silence auquel je me heurte depuis plus d’un an m’a contraint à rendre publique cette affaire : une pétition appelant à ma réintégration approche des 15 000 signatures, et a trouvé un écho jusqu’aux Etats-Unis, où le Parti du monde des travailleurs m’a honoré de son soutien. Je me tourne donc personnellement vers toi, Secrétaire Générale de la CGT, issue de ma fédération (CGT Educ’action) et élue au 53e Congrès de mars 2023 à Clermont-Ferrand, notamment sur la promesse d’en finir avec les pratiques bureaucratiques et autoritaires et celle d’un renouveau démocratique. Je souhaite t’exposer les raisons de ma démarche et solliciter ton intervention afin que ma demande soit instruite. Il en va des principes, des valeurs et de l’image même de la CGT : ce risque pour la crédibilité et même la cohésion du syndicat était au cœur de l’appel interne —resté lettre morte— que je t’ai lancé le 10 mars 2023, avant même mon exclusion.

Je dénonce une exclusion qui bafoue la démocratie syndicale, tant dans ses raisons véritables (les membres du Bureau de la CGT Educ’63 ont eux-mêmes reconnu que ma dénonciation des positions de la CGT sur la Palestine suite au 7 octobre constituait le « point saillant » et le grief « le plus grave » justifiant mon éviction) que dans sa procédure. De surcroît, elle me met durablement en danger, tant personnellement que professionnellement, du fait des mensonges infamants qui ont été colportés à mon égard par mes « camarades », amalgamant de façon crapuleuse ma qualité d’arabo-musulman avec l’extrémisme : de tels raccourcis nauséabonds, propres à l’extrême droite, sont-ils tolérés au sein de la CGT ? Ces calomnies ont trouvé caution jusqu’au sein du Bureau confédéral, et tant la CGT Educ’action 63 que l’UNSEN ont obstinément refusé de m’en disculper — sans jamais oser m’en inculper malgré mon insistance, puisque c’était pour moi le seul moyen d’en être lavé. C’est la négation même du rôle d’un syndicat, dont le rôle est de protéger les travailleurs, non de les fragiliser par les menaces, pressions et discriminations qu’il a pour vocation fondamentale de combattre.

Mon exclusion a été prononcée sans respecter les droits de la défense : que ce soit à Clermont-Ferrand ou à Paris, les audiences n’ont pas appliqué le principe du contradictoire, toute interaction directe entre les parties ayant été interdite au profit d’une simple succession de monologues. Le Bureau de la CGT Éduc’action 63 n’était donc pas tenu de répondre aux questions embarrassantes et essentielles de cette triste affaire, qu’il a simplement ignorées grâce à cette procédure toute kafkaïenne dénoncée par mes défenseurs (voir Plaidoirie en défense d’un syndicaliste pro-palestinien menacé d’exclusion et Lettre de démission à la CGT suite à l’exclusion discriminatoire d’un syndicaliste).

Le dossier que j’ai constitué démontre plusieurs faits incontestables sur lesquels la partie adverse a été interpelée, mais n’a répondu que par un mutisme qui résonnait comme un aveu accablant :

  1.  Bien que j’aie été élu au Bureau et à la Commission Exécutive (CE) de la CGT Éduc’action 63 lors du Congrès du 10 juin 2023, je n’ai été qu’un « élu de papier », jamais intégré aux activités quotidiennes du Bureau malgré mes multiples demandes. Pourtant, j’avais fait mes preuves dans la défense des droits des salariés, ce qui avait motivé l’invitation que m’a adressée le Bureau à rejoindre les instances de direction, la co-secrétaire Sophie B. me garantissant même, face à mes réticences, que je n’aurais jamais à craindre de « police politique ». Cette mise à l’écart, qui piétinait le résultat des élections et privait le syndicat d’une bonne volonté, a été par la suite assumée et justifiée par un prétendu « conflit de valeurs » lié à mes prises de position en interne, notamment sur les écoles privées confessionnelles (dont je soutiens le droit à l’existence, avec ou sans fonds publics), l’Ukraine (je dénonce l’alignement du discours de la CGT sur celui de l’UE et de l’OTAN), la Fédération Syndicale Mondiale (je soutiens le retour de la CGT en son sein), ainsi que sur des questions sociétales (on m’a reproché de ne pas avoir pris part au vote d’une motion en faveur de l’IVG et des LGBT, thématiques que j’estime hors champ syndical). C’est la définition même du procès politique.
  2. Après l’opération de la résistance palestinienne lancée le 7 octobre 2023, lorsque j’ai dénoncé sur notre groupe WhatsApp local les positions de la Confédération, qui reprenaient les principaux éléments de la propagande israélienne (largement démentis depuis), et que j’ai annoncé le 4 novembre mon intention d’écrire une lettre interne appelant à un véritable soutien à la cause palestinienne (devenue une lettre ouverte signée par 7 syndicats CGT et des centaines de responsables, adhérents et sympathisants), ma marginalisation ne suffisait plus : il a été décidé de m’exclure purement et simplement. Cela s’est d’abord traduit par une procédure expéditive en comparution immédiate : dès le 10 novembre, le Bureau a tenté de me forcer à démissionner, sous la coercition, les insultes et la menace d’agression physique à 9 contre 1, tout en prétendant organiser la lutte contre l’extrême droite au moment où les ratonnades redevenaient un sujet d’actualité. Puis, le 17 novembre, de nouvelles élections de Bureau ont été tenues en CE pour m’écarter, improvisées avec seulement cinq jours de préavis — une manœuvre digne de Macron — et fondées sur les échanges WhatsApp où je critiquais les communiqués de la CGT sur la Palestine, seul document du Bureau distribué durant cette CE. Ces élections ont eu lieu dans un contexte de calomnie collective : devant plus de vingt personnes, François-Xavier D., membre du Bureau, m’a accusé de l’avoir traité de « mécréant » lors de la réunion du 10 novembre, avec le soutien tacite des autres membres, accusation qu’il a réitérée le 13 février 2024. Ce mensonge teinté d’islamophobie n’a jamais été formalisé par écrit malgré mes instances, et met durablement ma sécurité en danger (voir « De terroriste à mécréant : l’intimidation et la calomnie comme méthodes »). A ce sujet, David A., le trésorier et ancien co-secrétaire de la CGT Éduc’action 63 m’avait menacé le 17 novembre en me disant : « Tu ne tiendras pas », aveu quasi-explicite qu’il s’agissait d’une manœuvre concertée pour m’intimider voire me briser. J’ai dû et dois encore déployer d’immenses efforts pour me défendre, subissant de plein fouet toutes les conséquences bien connues des victimes de harcèlement moral, qui laissent notoirement des séquelles durables voire irréversibles sur la santé, la famille, etc. Il est d’ailleurs à noter que j’ai été fragilisé jusque sur mon lieu de travail, car à la fois le collègue qui m’a menacé d’agression physique (Frédéric C., Secrétaire académique) et celui qui m’a accusé de l’avoir traité de « mécréant » l’ont fait alors qu’ils exerçaient dans le même établissement que moi, ce qui n’est certainement pas une coïncidence.
  3. Parce que j’ai refusé de me mettre à l’écart de la vie du syndicat, un procès truqué a été monté pour me sanctionner d’avoir insisté pour faire valoir mes droits d’élu et de syndiqué — même mon droit à la formation et à l’information avaient été suspendus dès le début, en violation de nos Statuts. Les prétextes motivant cette exclusion ont constamment changé (voir le détail en section 5 de mon Mémoire en défense). Il était clair, dès le 10 novembre, que mon exclusion des instances dirigeantes était décidée bien en amont du fait du « conflit de valeurs » que j’ai mentionné, les membres du Bureau n’ayant jamais accepté mon élection en Congrès du 10 juin, et qu’après le 7 octobre, mes positions sur la Palestine faisaient de moi une persona non grata à la CGT. Dans un document du 6 décembre (section 9, « Les valeurs »), le Bureau motivait principalement mon exclusion annoncée par le fait que le 17 novembre, je n’avais pas pris part au vote d’une motion en CE sur les questions IVG/LGBT. Ce motif spécieux et même ahurissant, que je qualifie d’homonationaliste et de fémonationaliste (si je m’appelais Boris, on ne me demanderait pas de montrer patte blanche sur ces thématiques), n’a finalement pas été inclus dans la liste officielle des griefs, probablement parce qu’il relevait trop clairement du délit d’opinion. Mais le « procès en sorcellerie » annoncé dans ce document a bien été organisé en CE le 13 février, et j’ai été soumis à la question sur mes hérésies supposées, et accablé d’une autre calomnie sur des heures de décharge de mon ancien syndicat que j’aurais conservées après ma venue et mon élection à la CGT (cet arrêté administratif démontre qu’elle m’ont été retirées le 1er mai 2023, quand mon adhésion à la CGT date du 2 mai et mon élection du 10 juin) ainsi que d’un déni abject de mon investissement dans la défense des droits des travailleurs (pourtant amplement démontré par les Annexes IIIIIVIV bisVVIVI bis et VI ter : quand on s’appelle Salah, en fait-on jamais assez ?). Cette expérience, que j’ai vécue comme un lynchage collectif, s’est conclue par le vote de la procédure d’exclusion.
  4. Enfin, sur les 3 motifs initiaux avancés pour justifier mon exclusion (1/ avoir diffamé mes camarades en me plaignant de discriminations dans ma saisine de la CE du 11 novembre, 2/ avoir annoncé en CE le 13 février qu’en cas d’exclusion, je dénoncerais publiquement cette injustice et 3/ avoir souligné à la page 7 de ma réponse du 13 décembre que j’étais le seul Arabe de l’équipe), aucun n’avait de réalité au 10 novembre, date de la tentative d’éviction forcée, puisqu’ils sont basés sur des faits et documents postérieurs ; et quant aux 3 motifs suivants, jugés décisifs par l’UNSEN, ils n’ont été ajoutés que le 26 mars, alors que le déclenchement de la procédure d’exclusion avait été voté en CE le 13 février. Cette chronologie incohérente démontre la mauvaise foi de la partie adverse, qui cherchait à faire flèche de tout bois pour justifier rétroactivement une décision prise de longue date.

Tous ces faits sont notamment corroborés par plusieurs enregistrements clandestins dont la réalisation (motif n° 4), la publication sur des liens privés (motif n° 5) et la diffusion interne (motif n° 6) constituent les 3 principales justifications de mon exclusion. Pourtant, je ne les ai divulgués que le 7 mars, après 4 mois passés à demander en vain, y compris à nos instances nationales (voir la totalité de mes emails à l’UNSEN), que la lumière soit faite sur ces événements. La Commission de médiation que j’avais saisie, en lui demandant de faire la lumière sur les pressions indignes dont j’avais été victime, a catégoriquement refusé de le faire et a totalement absous la partie adverse : son rapport affirmait au sujet des menaces et calomnies que j’ai dénoncées que « la commission de médiation n’est pas en mesure de se prononcer puisqu’aucun compte rendu de la réunion du 10 novembre n’a été établi ni transmis  », dérobade d’autant plus grossière qu’un compte rendu de réunion ne saurait en contenir le verbatim intégral, et qu’il aurait suffi de poser la question aux 9 membres du Bureau présents lors de la réunion du 10 novembre. Cela aurait pu être fait durant l’audience de médiation ou en CE, mais toutes mes demandes d’être lavé de cette calomnie discriminatoire ont été rejetées et même raillées, et ce avec un mépris qui n’est pas sans évoquer celui des individus qui avaient parlé d’un simple « troussage de bonne » pour caractériser un viol, car cette mascarade ne visait qu’à valider mon éviction, pas à embarrasser le Bureau. En pointant du doigt une prétendue contradiction entre ma position sur les écoles confessionnelles et ma présence à la CGT, le rapport de cette Commission préparait le terrain pour la procédure d’exclusion, qui a été proposée en CE par son porte-parole Mérovée D. le 13 février et votée le jour même. 

https://www.youtube.com/watch?v=jHbz-z0TpFE

Enregistrement inédit : extraits choisis de la Commission Exécutive du 13 février 2024, qui a voté la procédure d'exclusion contre Salah. Activer les sous-titres. La transcription complète est disponible sur ce lien.

 Ainsi, alors même que plusieurs de nos camarades étaient injustement accusés d’« apologie du terrorisme » pour des positions sur la Palestine similaires aux miennes, autre amalgame crapuleux de la Macronie, notre Commission Exécutive a refusé de me laver de ces accusations infamantes qui me fragilisent durablement en me faisant passer pour un extrémiste religieux. L’UNSEN a fait de même le 21 juin, allant jusqu’à m’interrompre brusquement quand j’interpelais la partie adverse sur la réalité du mot « mécréant » qui m’a été imputé mensongèrement, et que je demandais des réponses qui ne sont jamais venues ; tous les arguments évoqués ci-dessus ont été balayés d’un revers de main, qualifiés de simple « contextualisation politique et relationnelle de la situation » dans le rapport de l’UNSEN (voir le texte de ma plaidoirie ainsi que cet article détaillant le déroulement de l’audience). Pourtant, comme tu le sais bien, les accusations de radicalisation qui ont été portées contre moi sont particulièrement sensibles, surtout pour un enseignant arabo-musulman du secondaire, et dans un contexte de racisme et d’islamophobie systémiques croissants que la CGT affirme combattre par ailleurs. Les calomnies dont j’ai été victime sont en toute vraisemblance parvenues à mon employeur, car mon adresse académique a été mise en quarantaine dès le 8 mars, le lendemain de mon envoi (depuis ma boîte mail personnelle) à tous les membres du syndicat de la totalité des pièces du dossier, tant les miennes que celles de la partie adverse. J’avais pris cette précaution avant le Conseil syndical départemental du 12 avril qui devait voter mon exclusion. Bien que cette démarche n’ait pas rétabli mes droits, le fait d’avoir diffusé ces éléments, d’abord en interne puis publiquement, sera un atout si je dois un jour répondre d’accusations de radicalisation, car ma dénonciation publique de cette calomnie contribue à en démontrer le caractère mensonger. Me taire aurait pu être perçu comme un aveu de culpabilité, et la diffamation collective de mes camarades, renforcée par mon exclusion de la CGT, est une menace face à laquelle j’avais l’obligation de me protéger. Pour sa part, le Bureau de la CGT Educ’action 63 est allé jusqu’à affirmer qu’il n’était pas responsable des dangers auxquels il m’exposait par cette exclusion doublée de calomnies (« nous ne sommes pas comptables de la répression exercée par la hiérarchie sur les syndicalistes », écrivait-il p. 5 de sa réponse à ma saisine), piétinant avec cynisme l’essence même de la mission syndicale.

Puisque la CGT elle-même, sur la base d’une jurisprudence de la Cour de Cassation, cautionne la légitimité des enregistrements clandestins pour dénoncer des situations de harcèlement au travail ou autres (à ce jour, je n’ai publié qu’une partie des enregistrements en ma possession, respectant le caractère proportionné préconisé pour cette démarche), et qu’elle encourage les salariés victimes de tels abus à ne pas rester isolés et à solliciter l’aide de leurs collègues (ironie mordante, cet article intitulé « Je suis harcelé par mon chef » a été rédigé par Elena BLOND, membre du Bureau confédéral de l’UNSEN qui a participé au vote de mon exclusion), il est inconséquent de sanctionner un syndiqué pour avoir précisément agi de la sorte, sauf à cautionner en interne ce contre quoi le syndicat est censé lutter au quotidien. Il faut d’ailleurs souligner que le Bureau de la CGT Educ’ 63 avait lui-même recommandé l’enregistrement « illicite » de réunions avec l’UD CGT du Puy-de-Dôme, contre qui il a formulé des griefs similaires aux miens. En refusant de s’interroger sur les raisons qui m’ont poussé à prendre des précautions que la suite des événements a largement justifiées (une menace de délation calomnieuse avait été portée contre moi par mon diffamateur : si elle avait été mise à exécution, seul cet enregistrement aurait pu m’innocenter), ou d’examiner ce que ces enregistrements révèlent à cause de leur caractère « déloyal » qui justifierait mon exclusion sans autre forme de procès, la CGT semble attendre de ses élus et membres qu’ils privilégient la protection du syndicat à leur propre sécurité. Cela est d’autant plus inacceptable lorsque ce sont mes propres « camarades » qui ont mobilisé les ressources du syndicat pour me neutraliser et m’exposer délibérément à des risques aussi graves que la révocation ou même une peine de prison, estimant qu’ayant bien plus à perdre qu’eux, je me laisserais bafouer. Serait-il acceptable que les instances de la CGT, à l’instar de l’IGPN, se donnent pour mission de « couvrir les copains » plutôt que de défendre les droits, les principes et les valeurs qu’elles sont censées incarner ?

Groupe Whatsapp du Bureau de la CGT Educ'action 63 — Recommandation d'enregistrer l'Union Départementale CGT 63 à son insu

Pour rappel, « La CGT est ouverte à tous les salariés […] quels que soient leur statut social et professionnel, leur nationalité, leurs opinions politiques, philosophiques et religieuses. Elle agit pour une société démocratique, libérée de l’exploitation capitaliste et des autres formes d’exploitation et de domination, contre les discriminations de toutes sortes, le racisme, la xénophobie et toutes les exclusions. […] La démocratie syndicale assure à chaque salarié la garantie qu’il peut, à l’intérieur du syndicat, défendre librement son point de vue sur toutes les questions intéressant la vie et le développement de l’organisation. » (Préambule des Statuts de la CGT). La confirmation de mon exclusion par la Confédération constituerait un démenti cinglant à ces nobles principes, et une consécration des vues que m’ont assénées mes camarades, telles que « Ta religion n’a rien à faire à la CGT » ou « Mais on n’en a rien à foutre de tes convictions religieuses, mais tu m’emmerdes avec tes convictions religieuses, je m’en fous moi de tes convictions religieuses. [...] Je pense qu’on est immunisés contre l’islamophobie » (propos tenus le 10 novembre 2023 par François-Xavier D., déjà mentionné, et Marie Ch., co-secrétaire de la CGT Educ’ 63).

Loin de prétendre à une quelconque « immunité », la CGT devrait plutôt prendre au sérieux ce sondage sur le vote aux élections européennes 2024 par proximité syndicale selon lequel 24% de ceux qui s’identifient à la CGT ont voté pour la liste Rassemblement National (et 1% pour Reconquête), soit autant que pour la liste LFI (25%). Il me paraît difficile de relativiser de telles données, surtout après la mobilisation historique de la Confédération aux dernières élections législatives, où le chiffre du vote RN pour les sympathisants de la CGT serait de 19% : si les idées et pratiques de l’extrême droite (et de la Macronie, qui les a largement reprises à son compte) sont combattues sérieusement, elles doivent l’être avant tout à l’intérieur de l’organisation.

Dans son ouvrage Au royaume de la CGT. La résistible ascension de Philippe Martinez, publié en 2020, Jean-Bernard Gervais, conseiller en communication de la CGT, dénonçait déjà la prétention selon laquelle l’antiracisme serait « partie intégrante de l’ADN de la CGT », opposant à ces belles déclarations son expérience « au jour le jour, la beauferie ambiante, le rejet des militants migrants à la marge de la Confédération, [qui] prouvent le contraire. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre des horreurs dans les couloirs de la rue de Paris [siège de la CGT à Montreuil] », les railleries racistes sur ses « origines africaines », le « racisme au quotidien » et « l’omerta qui règne dans l’orga’ » à ce sujet. « L’antiracisme politique est vomi par la CGT. Dans les couloirs de la Confédération, la notion même de racisé est vouée aux gémonies », affirme Jean-Bernard Gervais dans son chapitre intitulé « L’antiracisme à la papa », ajoutant même que le concept de « racisme anti-blanc » a pris au sein de la CGT. Soit dit en passant, même dans le monde du travail, la lutte contre les discriminations ne semble pas suffisamment prise au sérieux, comme le déplore dans un article publié ce jour Abdelatif Menasri, licencié pour avoir dénoncé des propos racistes au sein de son entreprise : « Quand j’ai parlé au dirigeant de la fédération de la CGT des transports, il m’a accusé de mentir. Ils m’ont laissé tomber, sauf l’antenne locale qui m’a quand même aidé pour les frais d’avocat. J’ai eu beau leur écrire, mais rien. Trente ans que tu es à la CGT et le jour où t’es dans la merde, on t’accuse de mentir et on te laisse tomber. » 

 Il me semble urgent d’œuvrer à garantir aux syndiqués racisés les mêmes droits que les autres, de surcroît lorsqu’ils sont élus aux instances dirigeantes du syndicat. Dans un entretien avec Assa Traoré « pour une convergence des luttes syndicale et antiraciste », tu reconnaissais toi-même que le syndicat n’était « pas au niveau sur le racisme » et qu’il existait « un problème d’islamophobie », tout en te disant choquée de la défiance des habitants des quartiers vis-à-vis des syndicats. Mais à mes yeux, cette défiance s’explique notamment par l’expérience répétée de logiques discriminatoires jusqu’au sein de la CGT, ou les thématiques antiracistes, pour beaucoup, sont seulement instrumentalisées. Ton élection ne saurait à elle seule représenter une véritable rupture, et doit s’accompagner de gestes forts, dépassant les slogans et la rhétorique.

Je sollicite donc ton intervention afin d’obtenir une audience équitable auprès de la Confédération. Celle-ci devra faire toute la lumière sur cette situation, y mettre bon ordre, et me permettre, à tout le moins, d’être lavé des calomnies dont l’UNSEN s’est rendue complice en bloquant toute discussion à ce sujet. Je n’aspire qu’à cesser de dépenser une énergie considérable pour faire valoir mes droits au sein d’une organisation dont la vocation première est de les protéger, et qui ne peut qu’être discréditée par un tel déni. C’est du reste parce que la réputation de toute la CGT — et non de la seule CGT Educ’action 63 — risquait d’être entachée par la dénonciation publique de ces éléments, démarche que j’avais annoncée comme mon ultime recours pour me défendre face à la machine résolue à me broyer, que je me devais de tout faire pour empêcher d’en arriver là. Ainsi, la responsabilité d’un éventuel scandale, voire de procédures judiciaires, retomberait sur tous ceux qui, ayant les moyens d’empêcher ou de réparer une injustice, auraient choisi de se taire ou, pire, d’y collaborer.

Fraternellement,

Salah L. (anagramme d'Alain Marshal)

***

Si ce n’est déjà fait, je vous invite à signer et à faire largement circuler cette pétition sur change.org, qui appelle à ma réintégration à la CGT.

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